MOSCOU. -
OCTUBRE
1812.
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de sa grandcur fút cxposé
a
s'écroulcr d'un scul
coup. Déja Torri:s-Védras avait scmblé arrclcr
sa puissancc au Midi; loulcfois il y avail une
cxplication, c'élail son abscncc, el la préscncc
en Portugal de !'un de ses licutenants qui, qucl–
quc grand qu'il fúl, n'était pas lui. Mais s'il rcn–
conlrait au Nord, 111 ou il commandait en pcr–
sonnc, et i1 la tele de ses principales ormécs, un
nouvcl o!Jstaclc, on n'allait pas nrnnqucr de le
rcgardcr comme définiti1•cmcnl arrcté dans le
cours de ses vicloircs; on allait conccvoir l'cspé–
rancc de le vaincre, et une scule espérancc rcn–
duc
a
l'Europe esclavc pouvait la soulcvcr loul
cnlicrc sur ses dcrricres, et submergcr le nou–
veau Pharaon sous les llots d'unc insurrcclion
curopécnnc.
Napoléon avait done raison de se préoccuper
gravemcnt de la maniere dont il quitterait Mos–
cou, el de ne vouloir en sortir qu'avcc l\1ttitudc
d'un cnncmi qui manmuvrc, el non pas avec cellc
d'un cnncmi qui bat en rctraite. Dans cctte vue
plusicurs conduites s'offraient. Ainsi, par excm–
ple, un rctour par la route de K•louga, oi1 l'on
trouverail toutcs les 1·essources des richcs pro–
vinccs du miJi, sur laquclle on battrait l'armée
russe, et d'ou l'on pourrail cnfin revc,nir par
Jclnia sur Smolcnsk, de1•ait bien ressembler
a
une manccuvrc autant
qu'a
une rctraitc. I\lais
cette marche, qui scrail toujours au fond un
mouvemcnt rét1·ograde, quclquc soin qu'on pril
de le dissimulcr, car il serait impossiblc d'hivcr–
ncr
a
Kalouga
a
cause de la distance de ccllc
villc
a
Smolcnsk, llOUScoudamucrait
a
un trajct
de cent cinquantc licues au moins, et
a
toutcs les
perles inseparables d'un pareil trajet ; clic nous
procurcrait
il
la vérité l'avantagc de renco11treret
de batlt'C
l'armée russe, rnais en nous obligcantde
porler avccnouscinq ou sixmillc blessés,
a
moins
qu'on ne les livrát
a
l'exaspération de l'cnnemi, et
tout en nous ramcmmt vcrs nos quarticrs, ramC–
nc1·ait aussi les Russcs vers lcurs provinccs les
plus riches, et surtoul vcrs les renfortsqui leur
arrivaicnl de Turquic. Aussi Napoléon n'avail-il
que trcs-peu de pcnchanl pour cellc opération,
et,
a
batlrc en retrailc, il aimait micux puremcnl
et simplemcnl rcfairc la routc,
a
nous connue,
de Mojaisk, Wiasma, Dorogobougc, Smolcnsk,
moins lo11guc que cclle de Kalouga d'unc cin–
fJUantainc de licues, ruinéc il csl vrai, mais sur
laquelle les convois de 1•ivrcs sortisde Smolcnsk
pouvaicnl venir
i1
notre rcncontl'C jusc¡u'il mi–
chcmin, el sur laqucllc d'aillcurs devaicnl nous
suivrc dix jours de vivrcs lirés de Moscou; sur
laqucllc cnrin nous protégcrious loutes nos éva–
cuations par notrc sculc préscncc, et ne serions
que trcs-peu CXJlOSés
a
IÍVl;Cr baloillc, et
a
llOUS
chargcr de nouvcaux blessés.
Mais ni !'un ni l'aulre de ces projcts, qui tous
dcux étaienl une rcnonciation evidente
¡\
l'offcn–
sivc, neeonvenait i1 Napo!éon. Le plan le scul bon
a
ses ycux, élait celui qui réunirait .les qualre
condilions suivanles:
1°
de le rcplnce1· dans
des communications certaincs el quotidicnnes
avcc París; 2° de rapprocher l'armée de ses rcs–
sources en yivres, équipement et reerucs; 3º de
conscr1•cr cntier le prestigc de nos armes ;
4.
0
cn–
fin d'appuycr fortemcnt les négociations de paix
réccmmcnt essayécs. Ces quatre conditions, il les
avait, lrouvées dans un plan que son génic iné–
puisablc, et fortemenl excité par le danger de la
siluation, a\lait
eon~u,
et qui était digne de tout
ce qu'il avait jamais imaginé de plus profond et
de plus grand. Ce plan consistail dans une rc–
lrailc oblic¡uc vers le nord, qui, se combinanl
avcc un mouvcmcnt offcnsif du duc de Bellunc
sur Saint·Pétersbourg
1
aurait
le
doub!c avantage
de nous ramener en Pologne, en nous lnissant
aussi
mena~ants
que jamais, dCs lors tout aussi
puissants pour négocier. Voici le détail de ce
plan que Napoléon voulut rédigc1., el rédigea en
cffcl, commc il ovail coutumc de fairc quand il
chcrchail
a
se bien rcnd1·c complc de ses JH'oprcs
idécs.
Napoléon, ainsi
lfll
1
0Il
ra
vu,
s'étail ménngé,
outrc l'arméc du princc de Schwarzenbcrg sur
le Dniépcr, et l'armée des maréchaux Saint-Cyr
et Macdonald sur la Dwina, le corps du duc de
Bcllunc au centre, Jeque! attcndait
a
Smolensk
des ordrcs ultéricurs. Le corps de ce nrnréchal,
fort de50 millc ho1_nmes, pouvait ct1·c élcvé :i
1,0
millc pai· la réunion d'unc parlic des lroupcs
wcslphalicnncs, saxonncs, polonaiscs qui n'a–
vaicnl pas cu le temps de rcjoindre, et des ba–
laillons de marche dcslinés au recrulemcnt de
l'arméc.
JI
était focilc de le porlcr au nord de la
Dwina, sur la routc de Saint-Pélcrsbourg par
Wilcbsk el Veliki-Luki. (Voir la carle n'
51>.)
lléuni l:i au maréchal Saint-Cyr el
a
une dirisiou
du maréchal Macdonald, il dcvait complcr 70
millc hommcs au moins, prCls
a
se dil'igersur la
sccondc capitule de la Russic, siégc actucl du
gouvernemcnt. Dcvanl ce corps, le p1·incc de
Wittgenstein n'au1·ait aulrc chosc ,\ fairc qu'a se
rclircr promptcmenl sur Saint-Pétcrsbourg. Au
momcnl oú le duc de Bcllunecommcncc1·ait son
mouvcment, Napoléon avcc la gardc, le princc