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)IOSCOU. -

OCTOBílE

1812.

525

lanl dcmnndé

a

ses soldats et¡\ ses licutenanls,

lesayant menéssi Join, et n'ayant

i1

lcur ofTrir

h

Moscou que des ruines, il élait obligé de les mé–

nagcr infinimcnt, de les consultcr plus que de

coutumc, de chcrchcr

ii

les concilicr

i1

ses pro–

jcls, au licu de commandcr impéricuscmcnl,

bricvcmcnl, cornme il avail foil

a

loulcs les

époqucs de sa carricrc, ou chaquc jour amcnnit

un résultat prodigicux, et accroissait son asccn–

dant. Or il

commen~ait

a

régncr dans i'íll'luéc,

outre une irnmcnsc Jassiludc, une tristcssc pro–

fonde, qui naissait de la vue seulc de celte villc

en cendres, et du sccret cfTroi qu'on éprou1•ail

en songeant

a

la Jongueurdu relour' et

a

ce ter–

rible hiver de Russic, duquel on élail sép'1ré par

un mois lout au plus. A des esprits aínsi dispo–

sés il fallait pnrlcr nonplus en maitrc impéricux

qui commande sans cxplication parce que le

succcs quolidicn suffit a tout expliqucr, mais en

maitrcdoux, prcsquc carcssant, qui consulte, el

persuade plutót qu'il n'ordonne. Napoléon en–

tretint done succcssivcmcnl clrncun de ses Jicutc–

nants de son projct, mais

a

peine avait-il dit les

premiers mots qu'ils se récric1·ent lous conlrc

une nou\'cllecourse au nord, contreune nouvclle

conquctc de capitalc. Lemouvcmcnt sur M,oscou,

auqucl, dnns l'cspoir d'un grand résullat, on

avait sacrifié loulcs les considéralions de pru–

dence, avait lrop mal réussi, pour qu'on fUt

tenté de rccommcnccr, en s'cngagcant plus

Join, au milicu d'unc saison plus avancéc, duns

une marche sur Saint-Pétcrsbourg.

11

ne s'agissait pourtant pas d'aller conquérir

la scconde capitalc de la Russic, mais de rélro–

gradcr obliqucmcnt sur la Polognc, et de se pla–

cer, a litre d'appuisculemcnt, dcrricrc un corps

qui lui-méme était appclé non pasa se porlcr

sur Saint-Pétcrsbourg, rnais

h

Je menaccr, ce qui

étail bien dilfércnt, el ce qui a donné licu dcpuis

a

la fausse version d'un projct de marchcr de

Moscou sur Saint-Pétcrsbourg, que Napoléon

aurait, dit-on, formé

a

cclle époquc. La dilfé–

rencc élait esscnliclle; mais les csprits, inquiets

et rebutés, ne s'arrétaicnt pas

a

toutes ces dis–

tinctions, Les uns alléguaicnt les bruycrcs, les

maréc.iges, la stérilité des provinccs du nord,

qu'il s'agissait de travcrscr; les

:mires

faisaicnt

va1oir, m:llhcurcuscmcnt avcc trop de raison,

l'état de l'arméc, l'épuisemcnt de Ja cavalcric,

la ruine des clinrrois de l'artillcrie, l'indispcn–

sablc nécessité de laisscr reposcr hommcs el chc–

vaux, afio qu'ils pusscnl rcíairc la roulc si lon–

guc qui nous séparait de Smolcnsk, la néccssité

aussi de se rctirer avaot la mau,•aisc saison

1

et

d'cnlamer en

attcncfont

quclques négociations

qui pusscnt conduire

11

Ja liaix, moycn toujours

le plus assuré de sorlir sains el saurs du mauvais

pasoú l'on s'étail engagé.

Napoléon s'apergul bien vilc qu'il ne fallait

actucllcmcnl ricn clcmandcr

il

des csprits rcbu–

tés el assombris par le spcclacle qu'ils avaicnt

sous les ycux, et se laissa surtout détourncr de

son projct par J'état de l'arméc, qui cxigcait im–

péricuscmcnt quclque rcpos. Obligé d'abandon–

ncr ou d'ajourner au moins le scul plan capable

de lc.tircr d'cmbarras, il laissa flotlcr son esprit

entre plusicurs projcts, qui d'abord lui avaicnt

pai·u inadmissiblcs, commc celui de s'élablir

a

Moscou mcme, et d'y passcr l'hivcr en étcndant

ses cantonncmcnls pour se procurer

des

fourra–

gcs, commc cclui de placer une garnison it ?tlos–

cou, et d'allcr cnsuilc se fixer dans la riche pro–

vincc de Kalouga, d'ou

il

élcndrail sa main

gauchc sur Toula, sa main droilc sur Smolcnsk.

Mais

a

lous ces projcls il

y

avail de graves objec–

tions, et lcur difficullé lcramcnait saos ccsse vcrs

le désir de cctlc paix qu'il avait follcmenl sacri–

fiée

a

ses prétcntions de domination universcllc,

et qu'il souhaitait maintcnant, quoiquc victo–

ricux, aussi ardemmcnt qu'aucun vaincu ait ja–

mais pu la désircr.

Dans ces conlinuclles perplcxités, il imagina

d'cnvoycr

!11.

de Caulaincourt

a

Saint-Pétcrs–

bourg, afin

d'y

ouvrii· franchcmcnt une négo·

ciation avcc l'crnpcrcur Alcxandrc. Qucls que

fusscnl ses embarras, sonattitude de vainqueur,

lraitant ele Moscou mCme, avait assez de gran–

dcur pour qu'il pul hasardcr une parcillc dé–

marchc.

~fois

M. de Caulaincourt, qui craignait

que sous cettc grandcur apparentc ne perr,ilt la

clifliculté de la situation , qui craignait aussi de

ne plus lrouvcr

11

Saint-Pélcrsbourg la favcu1·

dont il avait joui aulrcfois, rcfusa une tcllc mis–

sion, en aflirmant., du reste avcc raison, qu'clle

ne réussirail pas. Napoléon s'adrcssanl alors

it

M. de Lauriston, dont il avait trop dédaigné le

moclcslc bon scns , le chargca ele se rcndre au

camp du général Kutusof, non poinl pour yolfrir

la paix, mais pour allcr

y

cxp1·imcr au généra–

lissimc russc le <lésir de clonncr

a

la gucrrc un

caractC1·e moins férocc. Le général Lauriston

dcrait prcndrc tcxlc de l'inccndic de Moscou,

pour dire que les Franr,ais, habitués

a

ménagcr

les populations vaineucs'

a

lcur épargncr les

maux inutilcs, avaicnl le creur contristé de ne

rcnconlrcr parlout que des villcs inccndiées, des