Table of Contents Table of Contents
Previous Page  336 / 570 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 336 / 570 Next Page
Page Background

522

LIVRE QUARANTE-QUATRIEME.

ment changéc au profit des Husses. Bien qu'en

foit Kutusof etH lort, puisque Mural ne dispo–

sait que d'un détachement, il avait théoriquc–

ment raison, ·et sa penséc fondamentale élait

pa1'faitcment sage. En conséquence il résolut <le

se relirer plus loin sur la route de Kalouga,

aussi loin qu'il le faudrait pour éviter Murat,ca1·

il n'y avait pas de milieu, il fallait ou l'attaquer

ou l'éviter.

Ayant pris re dcrnicr partí, on rélrograda en–

eore le 27, en lcnant tele cependant i1 Murat,

qui dcvcnait pressant sur la droitc, landis que le

marécbal Ilessicres se mont1·ait entreprenant sur

la gauche, et les jours suivants on alla s'établir

suceessivement o Woronowo, it Winkowo, et

enfin 1Taroulino derricrc la Nara. (Voir la carte

n'

55.)

Dans son projct d'évitcr une bataille, le

général Kutusof ne pouvait pas mieux faireque

de rét1·ogradcr jusqu'au point oú il trouverait

une posilion asscz forte pour anCtcr les Fran–

g;lis.

LaNara

cst une

riviCrc

qui

'naissanl

commc

la Pakra pres de la route de Smolensk, aux en–

virons de Krimskoié, vicnt tourncr aulour de

Moscou, mais en <léerivant un are plus étendu

que la Pakra, ce qui, au lieu <le la fairc aboutir

dans la Moskowa, la conduit jusqu'o l'Oka. Ses

rivcs sonl escarpées, surtout sa rivc droitc, oti

s'étaient postés les Russcs, et on pouvait y éta–

blir un carnp prcsque inexpugnable. C'est ce

r¡uc résolut le général Kutusof, et ce qu'il mit

bcaucoup de soin i1 exéeutcr. 11 se proposait la,

landis qu'il scrait bien nourl'i par les magasins

de Kalouga, d'appclcr ses rccrues, de les verser

dans ses cadrcs, de les instruire, et de rcporter

son armée

h

un nombre tcl, 11u'il ptlt enfin af–

frontcr les

Fran~ais

avcc avantagc. llcssiCrcs et

Murat l'ayant suivi jusque-li1, s'arrcterent dans

l'attitudc de gens qui n'avaient pas renoncé

a

l'offensivc, mais qui allcndaient de nouvcaux

ordres. lis étaicnt en effet i1 vingt licues en ar–

riere de Moscou, presquc sur la route que nous

avions suivie pour nous

y

rcndrc, et assez prCs

de Mojaisk oú s'était livrée la bataille de la

Moskowa. Pousser plus loin ne pouvait étre que

le résultat d'unc grande et <léfinitivc détcrmi–

uation, que lcu1· maitre scul était capable de

prcndre.

C'étaiL pour Napoléon un moment grave, qui

allait décidcr de eette campagne et probablc–

rnent de son sort. Aussi ne ccssait-il au fond du

Kremlinde médilcr sur le parti auqucl il dcvait

se résoudre. Exposcr l'armée

a

de nouvclles

fa–

tigues pour courir 3prCs les Russcs, sans laccr·

titude de les atteindre, et pour l'unique avan–

tage de leu1· livrcr cncorc quclque eombat plus

ou rnoins mcurL1·ier, n'étaiL pas aux yeux

de

Napoléou unerésolution admissiblc. L'infantcrie

était tres-fatiguéc et fort amoindrie par lama–

raudc; lacavaleric étnit ruinée. L'arrnéc cntiCrc

a

peineentréc i1 Moscou, et depuis qu'cllc y était

ayant passé presquc toutes ses journées

a

se dé–

battre contre !'incendie, n'avait pas eu le loisir

de respirer. C'est tout au plus si clic avait gouté

cinq a six joursd'un vrai repos.

JI

fallait done la

ménagcr, et ne la tirer de son immobilité qu'au

momcnt de prcndre un partí décisif. Mais ce

partí, le tcmps était venud'y penser, car le mois

de septembre s'élant écoulé, et aucune répouse

aux ouvcrturcs qu'on avait cssayées n'élant ar–

rivéede Saint-Pétersbourg, il fallait songer ou i1

s'établir a Moscou , ou a quitter cette capitale

pour se rapprocher de ses magasins, de ses ren–

forts, de ses communications avec la F1·ancc,

c'cst-a-dire de la Pologne.

Hiverner

it

Moscou était une résolution qui au

premicrabord n'avait l'approbation de personnc,

car pcrsonnc n'admcttait qu'on pút s'immobiliscr

peodant six mois o dcux cents licues de Wilna,

a

trois cents de Dantzig,

a

sept cents de París,

avec le plus grand doute sur les moyens de

nourrir l'arméc, avec la perspect.ive d'ctre bloqué

non-seulcment par l'hiver, mais par toutes les

forces russcs. Quitter Moscou, po111· retourncr

en Polognc, était au contraire une idé'é qui ré–

pondait

a

la pcnséc de tous, Nnpoléon seul

excepté. Pour luí, quitter Moseou c'était rétro–

gradcr, c'était avouer au monde qu'on ava)t

commis une grande fautc en marcliant sur ccttc

capitale, qu'on <lésespérait d'y trouvcr ce qu'on

était \'enu y chcrcher, la 1•ictoirc et la paix;

c'était rcnonecr a cette paix, ressource la plus

prompte,et inconlestablemcnt la plus stire de se

tircr de l'crnbarras oú l'on s'était mis en s'avan–

~ant

si loin; c'était déchoir, c'était perdre en

partic, peut·Ctrc en enticr, ce prcstigc qui te·

nait l'Europc subjuguéc, la Francc el!c.mcme

docilc, l'armée confiante, nos alliés fidclcs; c'était

non pas dcscendrc, mais lomber de l'irnmcnse

hauteur

ii

laquelle on était parvenu.

Aussi fallait-il s'attend1·e que NaporélflÍ nc

prendrait ce partí qu'o la dernicrc extrémité; el

ce n'était pas l'orgucil scul de ce grand hommc

qui répugnait

a

un mouvcmrnt rétrogradc,

c'était le sentimcnt profond de sa siluation pré–

sentc; ca1· ilsuffisait d'un doutc inspiréau monde

sur la réalitéde ses forces, pour que tout l'édificc