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MOSCOU. -

SEPTE

!lr.RE

1812.

515

aulrc était au picd des autcls qu'clle cmbros–

sait avcc fcrvcur. Les rucs élaient de vraies soli–

tudcs, oú l'on n'entcndait que le pas de nos

soldats.

Quoiquc dcvcnus posscsscurs sans partagc, et

enquelquc sorlc légitimes, d'unc villc délaisséc,

nos officicrs et nos soldals, loujours sociables,

rcgrcttaient <l'ctrc si richcs, et de n'avoir point

i1 partagcr avcc les habitants cux-mémes l'abon–

dancc qu'on lcur cédait. 11 Jcur plaisait en gé–

néral, quand ils cntraicnt dans une ''illc, de

trouver la population sur lcurs pas, de la ras–

surcr, <le s'cn fa.irc aimcr, de rcccvoir de ses

mains ce qu'ils auraicnt pu prcndrc, et de

l'étonncr par lcur bonhomie aprcs l'avoir cf–

frayéc par lcur audace. La

solitud~

de Moscou,

quoiqti'clle fút une ccssion volontairc en lcur

faveur des richessesde ccLle villc, les affiigcait,

et pourlant ils ne

soup~onnaicnt

ricn, car l'ar–

méc russc, qui sculc jusqu'ici nvait mis le

fcu, étant partie, l'inccndic ne semblait plus

a

craindrc.

On espérait done jouir de Moscou,

y

trouver

Ja paix, et, en tous cas, de boas canlonncmcnts

d'bivcr, si la gucrrc se prolongcait. Ccpcndant

le Jcndcmain du jour oú l'on y était entré, qucl–

qucs colonncs de ílammcs s'élcv,;rent au-dessus

d'un batimcnt fort vaslc, qui rcnfcrnrnit les spi–

ritucux que le gouverncmcnt débitait pour son

comptc au peuplc de la capilalc. On y courut,

sans étonncmcnt 11i eJTroi, car on attribuait

a

la

nature des maticrcscontenues dans ce b1itimcnt,

ou

a

quclque imprudcncc commisc par nos sol–

<lals, Ja cause de cet incendie particl. En elfct on

se rcndit maitrc du fcu, et on cut. Jicu de se

rassurcr.

Mais tout i1 coup, et prcsquc au mcmc instant,

Je feu éclala avcc une extreme violence, dans un

ensemble de b<itimcnts qu'on appclait le bazar.

Ce bazar, situé au nord-est du Krcmlin, comp1·e–

nait les magasins les plus richcs du commcrce,

ceux ou l'on vendait les beaux lissus de 1'111dc

et

de Ja Perse, les raretés de l'Europe, les den–

récs coloniales, Je sucrc, Je café, le thé, et enfin

les vins précieux. En pcu d'instanls )'incendie

ful gé¡1éral dans ce bazar, et les soldats de la

gnrde accouruse11 foule fircnt les plusgrands ef–

forls pour l'arrcter. Malheureusemcnt ils n'y pu–

rcnt réussir, et bientót les richcsscs immcnscs de

cctél<1blissemcnt devinrcnl Ja proie des ílammes.

Pressés de dispuler au fcu, et po11r cux-mcmes,

ces richcsscs désomrnis

SflllS

posscsscurs, nns sol–

dMs n'ayanl pu les sauver, essaycrent d'cn re-

tirer quelques débris. On les vil sortir du bazar

emporlant des founurcs, des soicrics, des vins

de grande valeur, sans qu'on songC<it

o

Jeur

adrcsser aucun reproche, car ils ne faisaicnt

tort qu'au fcu, scul maitre d<¡, ces trésors. On

pouvait le regrctter pour lcur discipline, on n'a–

vait pas

a

le rcprochcr

a

lcur honneur. D'ail–

leurs, ce qui rcstait de pcuple Jeur donnait

l'cxemple, et prenait sa large part de ces dé–

pouilles du commcrce de Moscou. Toutefois ce

n'était

quiun

vnstc bdtimcnt, extrCmemcnt richc

il csl vrai, mais un scul, qui étail alteint par les

flammcs, et on n'nvnit aucune craintc pour la

villeclle-méme. On attribuail i1un accidcnt trcs–

naturcl et trcs ..ordinai1·e, plus explicable encorc

dans le tumulte d'unc évacualion, ces premiers

sinistrcs jusqu'ici fort limites.

Dans la nuit du ·I

au ·16 scplcmbrc, la sccne

changea subitcment. Comme si tous les malheurs

avaient du fondrc

a

la fois sur

h

vicillc capitalc

moscovite, le vent d'équinoxe s'éleva loul 11 coup

avce Ja double violence propre

a

Ja saison et

aux p::iys de plaincs, oú ricn n'arrCtc l'ouragan.

Ce vcnl souffiant d'abord de l'cst, porta l'inccn–

die de l'oucst, rlans les rucs comprises entre les

routcs de Twcr et de Smolcnsk, et qui sont con–

nues pour les plus bellcs, les plus riehes de Mos–

cou, cellcs de Tversknia, de Nikitskai<1, de Po–

vorskaia. En quelques heures le feu, violcmmcnt

propagé au milicu de ces constructions en bois,

se communiq11a eles unes aux nutres avcc une

rapidité clfrayanlc. On le vit, s'élan9ant en lon–

gues ílcchcs de ílammes, cnvahir les autres

quarticrs situés

a

l'ouest. On apcr9ut aussi des

fusées en J'air, et bientót on saisit des miséra–

hlcs po1'lant des maliéres inílamrnables au boul

de grandes perches. On les arrcla, on l,cs inter–

rogea en les

mena~ant

de mort, et ils révélc–

rent l'alfrcux sccret, l'ordre donné par le comtc

de Rostopchin de metlrc le feu

n

Ja ville de

~los­

cou, comme au plus simple villagc de la route

de Smolensk.

Cctlc nouvelle répandit en un instan! Ja con–

sternation dans l'armée. Douler n'était plus pos–

sible, aprcs les arrcstntions failcs et les déposi–

tions rccucillics srn· plusicurs point.s de la ville.

Napoléon ordonna que, danschaque quarlicr, les

corps qui s'y trouvnicnt eantonnés formassent

des commissions mililnir·cs,

pour jugcr sur-lc–

elinmp, fusillcr et pendre i1desgibcls les inccn–

diaircs pris en flagr<1nl délit. 11 ordonna égalc–

ment d'cmploycr lout ce qu'il )' avait de troupes

en l'ille pour étcinrlre le fcu. On courut auxpom-