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LIVllll QUARANTE-QUATRIEME.

avaient voulu suinc, scnlait s'évnnouir le sc11-

timent de ses peines i1l'approchc de la lirillanle

capitalc de laMoscovic. Dans ses rangs il

y

nrniL

une quantité de soldots et d'officicrs r¡uiavaicnt

été aux Pyramides, aux Lords du Jourdain,

a

Uomc,

i1

1\Jilnn,

b

Madrid,

ii

Vicnnc,

ii

Bcrlin, et

qui frémissaient rl'émotion

a

l'idée qu'ils allaicnt

aussi visilcrMoscou, lapluspuissantc des métro·

poles de l'Orient. Sans doulc l'cspoir d'y trouver

Je repos, l'abonda11ce

1

la paix probablcmcnl.,

enlrait pour quelquechose rians leur satisfaction,

mais l'imagination, ccttc dominatricc des hom–

mcs, surtout des soldats, l'im:-iginrition étaiL

fortement ébranlée

a

la pcnsée d'cntrcr dans

~loscou ,

apres avoir pénétré dnns toules les

aull·es capitalesde l'Europe, Londres, la protégée

des mers, seule exccptée. Tandis que le prince

EugCnc ''cnu par laroutcde Zwcnigorocl s'avan–

~aiL

sur la gauche de l'arméc, que le princc

Poniatowski, vcnu par ccllc ele Wércja, s'nvan–

i;ait sur sa dl'oitc, le gros de l'arméc, )Jurat en

tCte, Davoust

el

Ncy

au centre, la g;irdc en

¡u•riere, suivaient la grande roule de Smolensk.

Napoléon,

a

eheval de bonnc heurc, était au

milieu de ses soldats, qui

ii

sa vue et i1l'nppruche

de Moscou, oubliant bien eles jours de mécon–

tentemcnt, poussnient eles ncclanrnlions pour

eélébrcr sa gloirc et la leur. Le ternps était bean;

on hfttaiL le pas nrnlgré In chalcur, pour

g1·:n

ir

les hauteurs d'ou l'on jouiraiLenfin de la vue ele

eelle capitale tant annoncée et tanL ¡wornise.

J}officier envoyé pn1·

~liloraílovitch

élnnt sur–

venu, ful parfaitcmcnt nccucilli, oblint ce qu'il

dcmandail, car on

11

1

aniiL

pas Ja moindrc envio

ele mcttre le fcu i1 Moscou, eLon promit de ne

pas Lircr un coup ele fusil, 3 condition, ;1jouta

Nnpoléon, que l'nrméc russc continucrait, sans

s'arrcler un instant, de défilcr i1 lravers la l'il!e.

Enfin, arrivéc ausommcl d'uncotcau, l'nrméc

déeouvrit lout

U

COUJl aU·deSSOUSd'eJJe, et

a

une

distancc assez rapprochéc, une villc

immc11sc,

brillante de mille coulcurs, surmontéc d'une

foule de elómcs dorés rcsplenelissnnlsde lumicre,

mélange singulicr de IJois, de lacs, de cliau–

micrcs, de palais, d'égliscs, de clochcrs, l'ille

a

la fois gothiguc

el

byzanlinc, réalisnnl tout ce

t¡uc les contes oricntnux racontcnt des mervcillcs

de l'Asie. Tandisquedes monaslcrcs flanqués ele

tours for1rniicnt

la

ceinturc

de

ccttc

grande

cilé,

nu centres"élc\•ait sur une émincncc une forte

citadelle, espcee de Cnp1tole ou se rnyaient

la

fois les temples de la Divinité et les polais des

erupercurs, oú au-<lcssus de muraillcs crénclécs

surgissaient des dórncs majestueux, portanl l'cm–

blcmequi représente toulc l'hisloirede la Russie

el loute son ambition, Ja croix sur le croissant

rcnvcrsé.Cctlccilnclcllcc'élaiLJeKrcrnlin, ancicn

séjour des czars.

Aeet aspcet magique l'imagination, le senti–

mcnt.<le lagloire, s'exallant

á

la íois, les sol<lals

s'écriCrenL tous ensemble :

1(

l\Joscou

!

~Ioscou

!

n

Ccux qui étaicnt rcstés au picd de Ja colline se

h:itCrcnt cl'accourÍ!'; pour un momcnt tous les

rangs íurcnt confondus, et tout le monde voulut

conLcmplcrJagrande capitalc oú nous av:lil con–

duils unemarchesiavcntureusc. On ne pouvait

se rassasicr de ce spcetacle éblouissant, et fail

pour évcillcr tantde scntimcnts divcrs. Napoléon

survint

li

son tour, et, saisi de ce qu'il voyait,

lui qui nvait, eomrne les plus vieux soldats de

rarrnéc, ''isitésucccssivcmcnt le Caire, Mcmphis,

le JoUI·dain, Milan, Vicnnc, Bcl'lin, Madrid,

il

ne pul se défendre d'une profondc émotion.

Ai'rivé

il

ce faite de sa grandeur, aprcs lcqucl il

allail deseentlre cl'un pas si rapidc vers l'ahime,

il éprouva une sortc cl'cnivrcmcnt, oulilia tous

les reproches que son bonsens, seule conseienee

des eonquérants, lui adressait dcpuis deux mois,

etpour un momcnt c1·ut cncorc que c'était une

grande et mcrvcillcusc cntrcprisc que la sicnnc,

que c'était une grande et hcureuse témé!'ité

justifiée par l'événement que el'avoir osé courir

de Paris 1 Smolensk, ele Smolensk

a

Moscou

!

Ccrtain de sa gloirc, il crut cncorc

~1

son bo11-

hcur, el ses liculcnants, émcrvcillés commc lui,

ne se souvcnant plus de leurs mécontentements

fréquents dans cellc eampagne, retrouvcrcnt

pou1· lui ces elTusions de la vicloire auxqucllcs ils

ne s'étnient pns livrés

a

la fin de la sanglonte

journée de Borodino. Ce moment de satisfaction,

vif et court, fut !'un des plus profondément

senlis de sa vie

!

llélns

!

il dcvait clre le eler–

nicr

!

~lurat 1·c~ut

l'injonction de marcher a1•ee célé–

rilé pour prévenir loul désorelre. Le général

Durosncl fut envoyé en ;want pour aller s'en–

lcndre a1•ec les autorités, et lesameneraux pieds

du wlinqucur, qui <lésirait rcccvoir lcurs horn–

magcs el calmcr leurs craintcs. M. Denniée fut

chargéd'allcr préparer les vivres et les logcmenls

de l'armée. )Jural, galopant

a

la tete de la cava–

lct•ie légCre, paninLcnfin, 11

lravcrs le íaubourg

de Drogomilow. au pont de la Moskowo. 11 y

trouHt une arriCre-gardc

russc qui se

rctirait,

et s'informa s'il n'y arnit pas !i1 quclque officier

qui sút le

fmn~ais.

Un jcunc llusse qui parlail