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l,JVílE QUAílANTE-QUATíllEME.
bles de les apprécicr, ou les brisant avcc une
ignorancc puérilc, el souvcnt s'cni\'rant des
li–
<¡ucurs découvcrtcs dans les caves. Ce spcctaclc
hizarrc et triste prcnait
il
chaquc instant un ca·
raclcrc plus triste cncorcpar
le
rctour des infor–
tunés habitants, qui araicnt
fui
nu momcnt de
l'inccndic ou de l"évacuation, etqui vcnaicnt sa–
voir si lcurs dcmcurcs élaicnt sauvécs ou
bni–
lécs, et s'ils pouvaicnt s'y procurcr les moycns
ele vivrc. Le plus souvcnl ils étaicnt réduits
a
plcurcr sur les ruines de lcurs habitations, in–
ccndiécs jusqu'aux fondcmcnts, ou bien il lcur
fallail elispulcr
1
une populnccc!Trénéc les débris
de lcur aisancc détruitc, et ils n'étaicnl pas les
plus forts lorsquc nos soldats ne vcnaicnt pas les
aidcr. Pour se garantir de l'intcmpéric de l'air,
la pluparl, raruassant les tólcs tombécs des toits
de Moscou, el les
pla~ant
sur des perches a elcmi
cnlcinécs, se construisaicnt ainsi des nbris, sous
lcsqucls ilsavaient pour lit les cendres de lcurs
ancicnncs dcmcurcs. lis étaicnt 111 sans autrc
rcssource que de mcndier auprcs de nos so!dats
pour obtenir un moreeau de pain. Moscou se
rcpeuplait aiusi pcu :\ pcu, mais de malhcurcux
en larmcs. Avcc cux étaicnt rcntrés aussi, en
poussant des croasscmcnts sinislres, les millic1·s
de corbcaux que !'incendie avait chassés, et qui
vcnaicnt rcprcndrc posscssion des antiqucs édi–
ficrs oU ils étaicnt accoulumés l1 vivrc. A ces
' pcclaclcs désolants, il en faut ajoulcr un plus
désolant, s'il cst possiblc, c"était cclui que pré–
scntait l'intéricur de ccrtaincs maisons incen–
diécs, oú l'arméc russe arnit en partant accu–
mulé ses blcssés. Ces pauvrcs gcus, ne pouvant
se mouvoir, ava.ient péi'i dans les fl:numes. On
évaluc
Íl
<Juinzc millc
le
nombrede ces victimes
du barbarepatriotismc de Jlostopchin
1
•
t es sccncs qu'o!Trait Moscou étaicnt
i1
la fois
déchirantcsel dangercuscs pour la discipliuc de
l'arméc,
et
il
était
urgcnt de les !'aire ccsser.
Nos soldats n'étaicnt pas coupablcs , car ils
n'nvnient foil qu'arracher aux ílammcs ce c¡uc le
fanalismc d'un Jlusscy avait jeté; 111ais il ne fal–
lait pus lcur pcrrncttre de s'obstincr
1
une occu–
pation abrutissante, et de s'habiLucr
¡1
la ruine
des populations conquiscs, n'cn fusscnt-ils pas
les autcurs. D'aillcurs ces déb1·is de la superbc
Moscou, il imporlait de les snuvcr, non pour
servir
a
l'intcmpérance du soldat, mais pour
alimenter l'arméc, etapaiscr la faim eles malhcu–
rcux habitantsrcstés clanslcurvillcparconílancc
pour nous. Des orclrcs étaicnt néccssaires.
Napoléon rentra dans Moscou le -19 scptcm–
brc, le co:mr a.ttristé ,- et l'csprit gravemcnt
préoccupé ele cct horrible événcment. 11 avait
poussé sa marche jusqu'a Moscou, quclqucs oh–
jcctions que son génic élcvat contrc ccttc course
témérair.c, dans l'cspérancc d'y trouvcr la paix,
commc
il
l'avait trouvéc
il
Vienne et
i1
·Bcrlin:
mais qu'attcndre de gens qui vcnaient de com–
mcttrc un acle si épouvantablc, et de clonnc1·
une prcuvc si crucllc d'unc hainc implacable?
Sur chacun de ces palais incencliés, donl il ne
rcstait que les murs noircis, Napoléon scmblait
lirc ces mots écrits en traits de sang et de fcu :
POINT DE
PAIX ...
GUEl\RE A
~IORT
!
Aussi les réflcxionsqu'il ílt pcndant cct a!Treux
incendie furcnt-cllcs les plus ameres, les plus
sombres de sa 1·ie. Jamais, dans sa longuc et
orngeusc carriCrc, il n'avait douté de sa fortunc,
ni 3 Arcolc sur le ponl qu'il ne pouvait franchir,
ni
a
Saint-Jcan d'Acrc au momcnt elebuit assauts
rcpoussés, ni
3
Marengo au momcnt d'unc bn–
taillc pcrduc, ni
il
Eylau au momcnt d'unc ba–
lnillc longtcmps douleusc, ni mCmc
Íl
Essling au
momcnt el'étrc précipité dans le Danuhc. Mais,
pour la prcmicrc fóis, il cntrcvit In possibilité
d'un grand désastrc, car il se savait placé au
sommct d'un édificc d'unc haulcur prodigicusc,
dont un simple ébranlcment pouvait entrainc1·
la ruine.
Pourlant, srinss'appcsrintÍI' cncorcsurles
con~
séqucnccs ullfricUl'CS de l'inccndic de Moscou,
il
s'occupa d'cnprévenir les conséqucnccs immé–
clialcs pou1· l'humanité et pour l'arméc. 11 donna
les orclrcs les plussévcrcs afin de mclll"c un tcrmc
au pillngc, qui s'était établi sous le prélcxtc d'ar–
rachcr
a
!"incendie ce que l'inccndic allait dévo–
rer. On cut quci<¡uc peine ;, délourncr les soldals
<le ecttc cspccc de jeu de hasard, oú au prix de
bcaucoup d'c!Torls, quclqucfois mcme d'assez
grnnds dang:crs
1
ils faisnient d'hcurcuscs trou·
vnillcs, et découvraicnt des richcsscs qu'ils se
promcttnicnt de rnpportc1· en Frunce siir lcurs
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