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51G

l,JVílE QUAílANTE-QUATíllEME.

bles de les apprécicr, ou les brisant avcc une

ignorancc puérilc, el souvcnt s'cni\'rant des

li–

<¡ucurs découvcrtcs dans les caves. Ce spcctaclc

hizarrc et triste prcnait

il

chaquc instant un ca·

raclcrc plus triste cncorcpar

le

rctour des infor–

tunés habitants, qui araicnt

fui

nu momcnt de

l'inccndic ou de l"évacuation, etqui vcnaicnt sa–

voir si lcurs dcmcurcs élaicnt sauvécs ou

bni–

lécs, et s'ils pouvaicnt s'y procurcr les moycns

ele vivrc. Le plus souvcnl ils étaicnt réduits

a

plcurcr sur les ruines de lcurs habitations, in–

ccndiécs jusqu'aux fondcmcnts, ou bien il lcur

fallail elispulcr

1

une populnccc!Trénéc les débris

de lcur aisancc détruitc, et ils n'étaicnl pas les

plus forts lorsquc nos soldats ne vcnaicnt pas les

aidcr. Pour se garantir de l'intcmpéric de l'air,

la pluparl, raruassant les tólcs tombécs des toits

de Moscou, el les

pla~ant

sur des perches a elcmi

cnlcinécs, se construisaicnt ainsi des nbris, sous

lcsqucls ilsavaient pour lit les cendres de lcurs

ancicnncs dcmcurcs. lis étaicnt 111 sans autrc

rcssource que de mcndier auprcs de nos so!dats

pour obtenir un moreeau de pain. Moscou se

rcpeuplait aiusi pcu :\ pcu, mais de malhcurcux

en larmcs. Avcc cux étaicnt rcntrés aussi, en

poussant des croasscmcnts sinislres, les millic1·s

de corbcaux que !'incendie avait chassés, et qui

vcnaicnt rcprcndrc posscssion des antiqucs édi–

ficrs oU ils étaicnt accoulumés l1 vivrc. A ces

' pcclaclcs désolants, il en faut ajoulcr un plus

désolant, s'il cst possiblc, c"était cclui que pré–

scntait l'intéricur de ccrtaincs maisons incen–

diécs, oú l'arméc russe arnit en partant accu–

mulé ses blcssés. Ces pauvrcs gcus, ne pouvant

se mouvoir, ava.ient péi'i dans les fl:numes. On

évaluc

Íl

<Juinzc millc

le

nombrede ces victimes

du barbarepatriotismc de Jlostopchin

1

t es sccncs qu'o!Trait Moscou étaicnt

i1

la fois

déchirantcsel dangercuscs pour la discipliuc de

l'arméc,

et

il

était

urgcnt de les !'aire ccsser.

Nos soldats n'étaicnt pas coupablcs , car ils

n'nvnient foil qu'arracher aux ílammcs ce c¡uc le

fanalismc d'un Jlusscy avait jeté; 111ais il ne fal–

lait pus lcur pcrrncttre de s'obstincr

1

une occu–

pation abrutissante, et de s'habiLucr

¡1

la ruine

des populations conquiscs, n'cn fusscnt-ils pas

les autcurs. D'aillcurs ces déb1·is de la superbc

Moscou, il imporlait de les snuvcr, non pour

servir

a

l'intcmpérance du soldat, mais pour

alimenter l'arméc, etapaiscr la faim eles malhcu–

rcux habitantsrcstés clanslcurvillcparconílancc

pour nous. Des orclrcs étaicnt néccssaires.

Napoléon rentra dans Moscou le -19 scptcm–

brc, le co:mr a.ttristé ,- et l'csprit gravemcnt

préoccupé ele cct horrible événcment. 11 avait

poussé sa marche jusqu'a Moscou, quclqucs oh–

jcctions que son génic élcvat contrc ccttc course

témérair.c, dans l'cspérancc d'y trouvcr la paix,

commc

il

l'avait trouvéc

il

Vienne et

i1

·Bcrlin:

mais qu'attcndre de gens qui vcnaient de com–

mcttrc un acle si épouvantablc, et de clonnc1·

une prcuvc si crucllc d'unc hainc implacable?

Sur chacun de ces palais incencliés, donl il ne

rcstait que les murs noircis, Napoléon scmblait

lirc ces mots écrits en traits de sang et de fcu :

POINT DE

PAIX ...

GUEl\RE A

~IORT

!

Aussi les réflcxionsqu'il ílt pcndant cct a!Treux

incendie furcnt-cllcs les plus ameres, les plus

sombres de sa 1·ie. Jamais, dans sa longuc et

orngeusc carriCrc, il n'avait douté de sa fortunc,

ni 3 Arcolc sur le ponl qu'il ne pouvait franchir,

ni

a

Saint-Jcan d'Acrc au momcnt elebuit assauts

rcpoussés, ni

3

Marengo au momcnt d'unc bn–

taillc pcrduc, ni

il

Eylau au momcnt d'unc ba–

lnillc longtcmps douleusc, ni mCmc

Íl

Essling au

momcnt el'étrc précipité dans le Danuhc. Mais,

pour la prcmicrc fóis, il cntrcvit In possibilité

d'un grand désastrc, car il se savait placé au

sommct d'un édificc d'unc haulcur prodigicusc,

dont un simple ébranlcment pouvait entrainc1·

la ruine.

Pourlant, srinss'appcsrintÍI' cncorcsurles

con~

séqucnccs ullfricUl'CS de l'inccndic de Moscou,

il

s'occupa d'cnprévenir les conséqucnccs immé–

clialcs pou1· l'humanité et pour l'arméc. 11 donna

les orclrcs les plussévcrcs afin de mclll"c un tcrmc

au pillngc, qui s'était établi sous le prélcxtc d'ar–

rachcr

a

!"incendie ce que l'inccndic allait dévo–

rer. On cut quci<¡uc peine ;, délourncr les soldals

<le ecttc cspccc de jeu de hasard, oú au prix de

bcaucoup d'c!Torls, quclqucfois mcme d'assez

grnnds dang:crs

1

ils faisnient d'hcurcuscs trou·

vnillcs, et découvraicnt des richcsscs qu'ils se

promcttnicnt de rnpportc1· en Frunce siir lcurs

/