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312

Lll'llE QUAl1ANTE-QUATlllEME.

ses invincibles légions, mais lravcrsa une villc

déserlc, et pour la premiere fois ses soldats, en

cnlrant

dans

une capitalc, n·curcnL qu'cux–

mCmcs pour témoins de lcur gloirc. L'imprcssion

qu'ils ressenlirenl ful triste. Napoléon, arrivé

au Krcmlin

1

se

h3.ta

de monlcr

a

la tour élcvéc

du grand !van, ctde conlcmplerdceclle hauteur

sa magnifique conqucte, que la Moskowa lravcr·

sail lcntcmcnt en

y

décrivanl de nombreux con–

Lours.

Des

rnilliers cPoisc<iux noirs, co1·bcaux et

corncillcs, aussi mullipliés clnns ces régions que

les pigcons

ft

Venisc, voltigcant nutour du faite

des palais et des égliscs, donnaicnL

a

ccltcgrande

ville un aspect si11gulicr, qui contrastait n\'cc

l'éclat ele ses brillantes couleurs. Un mo1·nc

silence, inlerrompu seulcment par les pas de la

cavalcric, avait remplacé la ''ic de ccltc cité,

qui la veillc cncorc élait l'une eles plus animées

de l'univers. Malgré la tristessc de cctte soli–

lude, Napoléon, en trouvant Moscou aba11clonnéc

comme les nutres villcs russcs, s'cstima hcurcux

cependant de ne pas

i.

t1·ouver inccndiéc, et ne

déscspéra pas ele ealmer pcu

i1

peu les haines

<JUi depuis Witebsk accueillaicnt la p1·ésc11ce de

ses drapeaux.

L'armée fut distrib11éc dans les di1•e1·s quar–

ticrs de Moseou. 11 ful déeidé 11u'Eugcne occu–

pcrait lc quarlicr clu norcl-ouest, comp1·is entre

la 1·oute ele Smolcnsk et cclle de Saint-Pélers–

bourg, cequi répondail

i1

ladirection par laquclle

il était arrh•é (voir la carte n• 57). D'aprcs le

mémeprincipe, le nrnréchal Davoust cl11t occuper

la pt11'lie <le la villc qui s'étenrlait de la porte <le

Smolensk

ii

cclle deKalouga, e'cst-a-<lire toul le

quarlier situé au sud-oucst. et le princc Ponia–

towski lequarticr situé au sud-est. Le maréehal

Ncy, qui avait traversé Moscoude l'ouesl

it

l'esl,

clut s'établir dans les quarlicrs compris entre les

routes ele Riazan el de Wladimir.

La

gardc ful

11al11rcllcrnent placéc a11 Krernlin et dans les

CO\'il'ons.

Les

maisons regorgcaienL

de

vivrcs

de

toutc espcce. Avec un pcu ele soin 011 pul satis–

foirc largerncnl a11x p1·cmiers bcsoi11s des solclals.

Les officicrs supérieurs furcnl accucillis

ii

la

porte des palais par de nombreuxvalelscn livréc,

cmprcssés de leur olfrir unebrillante hospilalité.

Les maitres de ces palais, ne prévoyant pas que

Moseou fút cleslinée ¡, pfrir, avaicnt cu granel

soin, quoiqu'ils partas,casscnL la haincnationalc,

de préparcr des

prolcctcurs

¡.

:curs richcs

demcures en y reccrnnt les officiers

fran~ais.

On s'établitainsi a1·ec un vif sentiment <le plaisir

dans ce luxe, qui clcrnit durer si peu. On se

promenait avec curiosilé dans ces palais oit

étaie11t prodigués lous les ranincmcnls de la

mollcssc, oli l'on lrouvait des salles de bal splcn–

didcs, eles lhétitrcs partieuliers aussi grancls que

eles thétitres publics, des bihliolhcqucs remplics

des livres

fran~ais

les plus liceneicux du clix–

huiticme siccle, des peinlurcs respiran! le gout

clféminé de Watteau et de Bouchcr, tous les

signes cnfin tl'unc liccncc qui formait avcc l'ar–

clenteclévotion du pcuplc, arce la sauvage éncrgie

de l'nrmée>un coutraste singulicr mais fréquent

chez les nations parrenucs brusqucmcnt de la

ba1·baric

a

lacivilisation, car ce que les hommcs

c111prunlcnt 11vec le plus ele facilité

il

ccux qui

les ont clcvancés dans l'art do vivrc, c'cst l'art

de jouir. 11 pouvait pt1raitrc étrange de rcncon–

trcr partout l'irnilalion de la France dans un

pays arce lequel 11ous étio11s si violcmmcnt e11

guerrc, et pcu ílallcu1·ausside nous voir spécia–

lcmcnL

imités dans ce que nous avions de moins

louablc.

Sorlis de ces brillantes dcmeures, nos officiers

crraicnt avcc une égale curiosité

au

milieu de

ccttc cité, qui ressemblait

a

un

eamp Lartarc,

scmé

~a

el la de palais ilalicns. lis contcmplaicnl

avec surprise plusieurs rilles concenlriqucrnent

placécs les unes da11s les aulres: cl'abor<l au ce11-

t1·c

rnCmc, su1·

une

éminenec, et au bo1·d Lle la

Moskowa, Je Krcmlin, cnvironné de tours anli-

1ues el rempli cl'églises dorccs; au pied du

K1·emlin, sous sa protcclion en quclque sortc,

la ''icille villc, di te ville ehinoise, 1·e11ferma11t

l'nncicn et le

nai

cornmcrce russc, celui de

l'Orient ; puis lout autour, el envcloppant la

précéclcnle, une ville largc, espacéc, brillante

de palais, ditc la vil le blanchc; pu is enfin, les

englobanl toutes trois, la ville dile de tcl'l'c,

mélange ele villagcs, de bosqucls, d'édifices nou–

veaux et irnposants, ceinle d'un épaulement cu

tcrrc. Ce qu'on voyait surlout répandu égale–

menl dans ces quatre villes enfc1·mées les unes

dans les nutres, c'étaient plusicurs .ccnlaiucs

cl'égliscs Slll'montées de dómes c¡ui affcctaienl

commc en OricnL la forme

<l

1

immcuscs turbans,

de clochcrs qui élaicnt aussi élancés c¡ue des

minareis, et révélaicnt d'ancicnncs fréqucnta–

t.ions avce la Persc

el

la Turquie, cae{ chose

étrangc, les rcligions, en se combaunht, s'imi–

tent clu moins sous le rapport de l'art

!

Moscou

quelqucs jours aupai·a1·a11l conlenait un peuple

de trois cent rnille times, el de ce pcuplc, donl

il

rcstait un sixiCme

~l

peine, une pnrtic étaiL

cachée clans les nrnisons et n'c11 sorlait pas, une