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LIVRE QUARANTE ET UNIE!!E.

de la réserve, de !'esprit d'obscrvalion, des eon–

naissanees ndministrativcs el mililaircs. M. de

Lauriston étail un hommesimple el scnsé, n'ai–

mant point

a

déplairc" son mnitrc, mais aimant

cncore micux luí déplairc que le !romper. Au–

eun ambassadcur n'étail micux fait que lui pour

rnpprochcr les dcux cmpcreurs de Russie et de

France, s'ils pouvaient

~tre

rnpprochés, en mé–

nagcnnt le prcmicr et eu fui iuspirnul coufiancc,

en persuadan! au sccond que la guerre n'était

point iné1•itoblo et dépendnit uniquement de sa

volonté. 11 y avait peu de chances assurémenl de

réussir daos une telle mission, surtout au point

oti en étaicnt arrivées les choses, mais il était

ce1·tain qu'ellcs n'cmpireraicnt point par la fauto

de M. de Lauriston.

Napoléon, depuis qu'il avait tant précipité ses

armements sur la nouvellc du rappcl des divi–

sions russes de Turquie, avait bien sentí 1¡u'il

n'étaitplus temps de les dissimuler, et avait or–

donné

a

M. deCaulaincourl, au moment de son

départ,

a

M. de Lauriston, nu momenl de son

arril·ée, de ne plus riencacher, d'avouer au con–

traire tous les préparalifs qu'il avait faits, de les

étalcr avec complaisance, de maniere

n

intimi–

der Alexandro puisqu'on ne pouvail plus l'en–

dormir. Mais il les nvait égalcmcnt autorisés

l'un et l'autre 6 déclarer formellement qu'il ne

désirail point la gucrrc pour la gucrre, que s'il

la préparaite'était uniquemenl pareequ'il croyail

qu'on se disposait

:i

la lui faire, parce qu'il était

eonvaincu que, les offoiresdeTurquie tcrminées,

la Russic se rapprocherait de l'Angleterre, ne

füt-cc que pour rétablir son commcrceavecclic,

et jouir en égolstc de ce qu'ellc aurait dti a l'al–

liancc

fran~aise

j

que déja meme clic l'avail fait

a

moitié en reccvant les Américains dans ses

ports; que, sclon lui, rccevoir les fraudcurs,

c'était presquc se mcllre engucrre; que s'il était

possiblc qu'on lui en voulc1t pour une miscrc

commccellc d'Oldcnbourg, on n'avait qu'a dc–

mandcr une indemnité, qu'il la donncrait, si

grandequ'ellc flil, mais qu'il fallait cnfin se par–

lcr franchemcnt, ne rien garder de ce qu'on

avnit sur le crour, nfin de prcndre ou de dépo–

scr les armes tout desuite, et de ne pas s'épuiscr

en préparatifs inutilcs. Toutcs ces choscs, il les

avait diles lui-mcmc au princc Kourakin et

lt

M. de CzcrnichcfT, avcc un mélangc de gr:icc, de

hautcur, de bonhomie, qu'il savait tres-bien cm–

ployer

a

propos, et il avait pressé M. de Czerni–

cheff d'aller les redire ll Saint-Pétcrsbourg.Tou–

tcfois, comme

il

ne voulait s'cxpliquer aussi

catrgoriqucmcut que lorsque ses armemcnts sc–

raicnt suffis::immcnt avancés,

il

avait rccom–

mandé

a

M.

de Lauriston, en le faisant partir de

Paris en avril, de

n'arrivc1·

qu'cn mai

a

Snint–

Pétcrsbourg, momcnl oú ses préparalifs les plus

significntifs pourraicnt

~trc

connus. Lui-méme

n'avait parlé ouvertement

a

MM. de Kourakin

et de Czernicheff qu'un peu avanl celtc époque.

Mais tout ce soin de Napoléon

.lt

mettrc une

habile gradntion dans son langagc était super–

llu , car Alexandre avait été informé jour par

jour, et avcc une rare cxaclitudc, de ce qui se

faisait en France. Quelques Polonais qui étaient

dévoués

a

la Russie, bcaucoup d'Allemands qui

nous ha"issaicnt avee passion, la plupart des hn–

hitants ruinés de Dantzig, de Lubcck, de Ham–

bourg, s'étaicnt emprcssés de l'avcrtir de tous

les mouvements de nos troupes. Enfin, un misé–

mble employé des bureaux do la guerrc, gagné

a

prix d'argcnl par M. de Czcrnicheff, n1•ait li–

vré l'elTectif de tous les corps. Aussi, a chaque

cfTort de M. de Cnulnincourt pour nier ou ntté–

nucr au moins les faits donl la connaissance

parvenait journcllcmcnt

a

Saint-Pétersbourg,

Alexnndre luí répondait : " Ne nicz pas, car je

suisccrtain do ce qucj'avancc. Évidcmment on

Yous laissc tout ignorcr, et on n'a plusconfianee

en vous. Toute Inpeine que je me donne.pour

vous éclairer , et que je me donne volontiers

parce que je vous estime et vous aime, est per–

<lue. L'cmpcreur Napoléon ne vous croit pas,

parce que vous lui dites la vérité;

il

prétend que

je vous ai séduit, que vous eles

a

moi eL non

a

lui :

il

en sera de mcme de M. de Lauriston, qui

luí aussi est un honnéle homme, qui ne pourra

que répétel' les mcmcs choscs, et votre mattre

dira eneore que M. de Lauriston est gagné. "

M. de Caulaincourt, duque! Napoléon disait

en effct toureela, et sur qui la grace séduisante

de l'cmpcrcur Alexandrc nvail agi, mais pas

jusqu'a lui fairc écrirc autre ehose que lavé–

rité,

Al.

de Caulaincourl ayant a son tour ré-·

pondu, et dit

i1

son augusto interlocutcur qu'ef–

fcclivement on nrmait en France , mais qu'on

armait parce qu'il armait lui-memc, lui ayant

parlédes ouvrages qui s'cxécutaicnt sur laDwinn

et sur le Dniepcr, du mouvcmcnt des troupes de

Finlandc, de cclui des troupes de Turquie ,

Alexandrc, se voyant découvcrt, s'cn était tiré

par un cntier déploicmcnt de frnnchisc, qu'il

pouvait du reste se permcttrc sans inconvénient,

car

il

était vrai qu'il n'nvait pris ses premicres

précautions qu'a la suite de nombrcux nvis ve-