LE CONCILE. -
AVRll.
1811.
remplacé M. Fouché pnr le duc de Rovigo, et il
ne pouvnit pas mieux fnirc, la faute ele renvoycr
M. Fouché une fois commisc.
JI
avait remplacé
M. <le Talleyrand par M. deChnmpagny, duc de
Ca<lorc, hommc sage et tcmpéré, ne rctranchant
ricn des volontés de Nnpoléon, mais n'y ajoutant
ricn, et plutót les amortissant un pcu par In
modération de son caraclcrc. M. de Cadore fai–
sait sur chaque objet des rapports excellents,
mais il parlait peu, et en parlant peu n'amenait
guere les diplomates étrangers
a
parlcr. Napo–
léon se plaignait souvcnt au prince Cambacércs
de ce que son ministre des afTaires étrangcrcs
manquait
de
co11versatio11,
et
il
finit par cédcr
aux désirs de son secrétairc d'État, M. de Bas–
sano, qui soupirait apres le role de ministre des
affaires étrangcres et de représcntant du granel
empire auprcs de l'Europc. Napoléon se décida
a
ce choix précisément en avril ·18
H,
époque ou
l'état de l'Europe se compliquait, el ou une pa–
rcillc nomination pouvait avoir les plus grands
ínconvénients.
Nous avons déja parlé de M. de Bassano. L
grand rólc qu'il ful nppclé
a
jouer depuis exige
que nous en parlions cncore. Ce ministre avait
exactement tout ce qui manquait a M. de Ca–
dore. Aulnnt cclui- ci était modeste, timicle
mcme, autant
~l.
de Bassano l'élait peu. Hon–
nCtc homme, commc nous l'avons dit,
iié,
1
oué
il
Napoléon, mais de ce dévoucmenl fatal aux prin–
ces qui en so&t l'objet, poli, ayant le gout et le
tnlcnt de la rcprésentation, pal'iant bien, s'écou·
tant parler, vain
a
l'cxecs de l'éclat cmprunté
¡,
son maitrc, il élait fait pour ajoutcr i1 tous les
défnuts de Napoléon , si on avait pu ajouter
1¡uclquc chose i1 Ja gra11deur de ses défauts ou de
ses qualités. Quand les volo11tés impéricuscs de
Napoléon passaicnt par Ja bouche hésitantc de
M. de Cadore, clics pcrdaicnt de lcur violcnce;
c1uand elles passaic11t par la bouche lente et
railleuse de 111. de T:dleyrand, clics perdnicnt de
Jeur séricux. Cctte maniere de tra11smcttre ses
ordres, Napoléon l'appelait de la malndressc
chcz le premier, de Ja trahison chcz le second :
heurcusc trahison qui ne trahissait que ses pas·
sions au profit ele ses intérCts
!
JI
n'avait ricn de
pareil 1craindrede Ja part de 111. de Bassano, et
il était assuré que ¡rns une de ses intraitables vo–
lonlés ne scrait lcmpéréc par Ja prudente ré–
scrvc de son ministre. Le plus orgueillcux des
mnilrcs allait avuir pom·
agcnl
le moins mo–
dcste des ministres, et celn dans le momcnt
méme ou l'Eu1·opc, pousséc
a
bout, a11rait eu
CO'\'SULH.
4,
plus que jamais besoin d'clrc rnénagéc. JI faut
njouler, pour )'excuse de M ..de Bassano, c¡u'il
regardait Napoléon non-sculement commc le
plus grand des capitnincs, mais eomme le plus
sage des politiques, qu'il ne trouvait done pres·
que rien a changcr i1 ses vues : bonne foi quien
faisait innoccmment le plus dangcrcux des mi–
nistres.
Le 17 aVl'il, Napoléon appcla J'arehichancclicr
Cambncércs, qu'il ne consultait plus que rarc–
mcnt, cxcepté en fait de législation pour J'écou·
ter prcsque toujours, en fait dereligion pour ne
l'écouler presque jamais, en fait de pcrsonncs
pour les préparer
ii
ses brusques volonlés. JI luí
exposa ce qu'il reprochait
a
M. de Cadore, lout
en l'estimant et l'aimant bcaucoup, et sn résolu–
tion de Je rcmplacer par 111. Je duc de Jlnssano.
Le princc Cambncércs dit quclqucs mots en
l'n–
veur de M. eleCadore, se tut sur 111. de Bassnno:
silence suffisant pour Napoléon qui dc•·inait l()IJt
mais ne tennit comptc de ríen, et prit la plume
pom• rédiger le décrct. Napoléon Je signa, et
chargea cnsuilc le prince Cambacércs d'nllcr
avcc M. de Dassano redcmandcr
ii
M. de Cadore
Je pol'lcfcuille des afTaires étrangcrcs. Le princc
Cambacércs, suivi de M. de Bassnno, se rendit
chcz 111. de Cadore, le surprit extrémcmcnt par
son mcssagc,cm· cct cxccllcnl hommcn'avnit
JlilS
deviné en quoi il déplaisait
ii
son mait1·c, et ne
trouva chez lui qu'unc résignation tra11quillc et
silencieusc. M. de Cadore remit son portcícuille
a
M. de Jlassano avcc un chagrín dissimulé rnais
visible, et M. de llnssano le
rc~ut
avec l'aveuglc
joie de l'ambition satisfaile, Je prcmicr ignoran!
Je c¡ucl fardeau cruel il se déchargeait, le se..
cond de quellcs épouvantablcs catastrophcs il
allait prendre sa part
!
lleu1·eux et tcrrihlc mys–
lérc de la destinéc, au milieu duque) nous mar–
chons commc nu scin d'un nu:igc
!
Le princc Cambacércs, aynnt disccrné le cha–
grín de M. de Cadore, en rcndit,comptc
ii
Napo–
léon, qui, toujours picio de rrg1·cts Jorsqu'il
follait affiigcl' dJnncicns scrvitcurs, nccordn un
hcau dédomnwgcmcnt
b
son minisll'C <fcsti–
tué, et Je nomma intcndant général de Ja cou–
ronnc.
Napoléon avait été plus heurcusemcnt inspiré
en choisissanl son nouvcl mnbassndcur
:1
Snint–
Pétcrsbourg. 11 avait, commc nous
l
1
avo11s dit
plus haut, clonné pour succcsseur
ii
M. le duc
de Viccnce M. de Lauriston, l'un de ses aiclcs de
c:imp, qu'il avait déj:\ crnployé nvec prolit d:ins
plusieurs missio'ns délicatcs oú il f:dl:iit du t:lf'l,
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