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LIVRE QUARANTE-QUATRIEME.
qui unissait l"ancicnne villc et la nourcllc, pas
asscz loutcfois pour empécher nos hardis fan–
tassins de franchir le fleuve en chcminant sur
la tele des pilolis incomplétcmcnt brU!és. Quel–
qucs-uns avaient usé de ce moycn pour allcr
liraillct• au dela du Dniéper, mais ils avaicnt été
promplcmcnt rcpoussés ou pris. L'Ernpcrcur or–
donna au général Éblé de jclcr des ponls, et
cclui-cise luita d'y cmploycr aclivcmcnt ses pon–
tonniers et les troupes du maréchal Ncy.
Napoléon, bien que parlout il cut triomphé
de l'cnnemi , éprouvait mémc au milieu de la
victoirc, mCmc au sein d'une
l'ilJC
cnlcvéc d'as–
saut, le plus triste mécomplc. C'élait la lroisicmc
de ses grandes manreuvres qui échouait dcpuis
l'ouverturc de ccllc eampagnc. 11 avait manqué
Bagration
a
Bobruisk, avait en vain cssayé de
déborder Barciay de Tolly entre Polotsk et Wi–
tcbsk, et mainlenant, aprés un mouvcmcnt des
plussavanls et des plus lwrdis pour tourncr les
dcux armées réuniesde Bagralion et de Barclay,
il vcnait d'élrc arrclé par Smolcnsk, qui, touten
suceombanl, lui avail fait perdrc les journécs du
·16
et du
17
aoiit, ctallaitlui fairc pcrdrc cncorc
loulc cclle du
·18.
Des lors l'espérancc de débou–
chcr au dela <lu Dniépcr asscz
a
lcmps pour
déborder la gauchc de l'cnncmi, n'avait plus
aucun fondcmcnt, car il fallait la journéc au
moins pour jctcr des ponts, et, dans cct intcr–
vallc, les Russcs devaient avoir gagné asscz de
tcrrain pour se soustrairc
l1
toulcs nos manoou–
vrcs. Napoléonsongca bien cncorc
a
chcrchcr un
guéau-dcssus de Smolcnsk, et enchargca Junot,
qui, s'élant égaré pcndant la journéc du H ,
s'étaiL élevé assez hauL sur nolrc clroite. Mais
ricn ne pouvaiL foirc que les Russcs n'cusscnL
pas sur nous un jour d'avancc, et ne fusscnt pas
des lors enmesure de nous précédcr sur Ja route
de Saint-Pélcrsbourg ou sur ccllc de Moscou.
Napoléon rcnlra done triste cL afTcclé dans la
dcmcure qu'on Jui al'ait r·éscrl'éc
u
Smolcnsk, et
se vcngca deses déplaisirs en bl:imanL bcaucoup
Ja malhabilcté des généraux cnncmis, <¡ui vc–
naicnL, sclon lui, de sacrificr
12
mille hommes
sans aucun motií raisonnablc. Si , en cfTct, ils
n'al'aicnt pas obéi
it
un sentimcnt puissant, lcur
conduilc cut été injuslifiablc; mais ils avaicnt
cédé
a
un entrainemcnl irrésisliblc en cherchan!
a
nousdisputcr Smolcnsk, cL, bienqu'habitucllc–
mcnt laraison soil lavrnic lumiC1·c
it
suivrc dans
la guerrccommc dans la politiquc, il faut recon–
naitrc que le creur n'égarc pns toujours, cL les
Russcs, en nous rclenant dcux jours dcvant
Smolcnsk, s'étaient souvés, sans qu'ils s'en dou–
lassent, de laplusdangcrcuscdes combinaisonsde
lcur rcdoulablc aclvcrsaire. Quoique ayant pcrdu
Smolensk el des millicrs d'hommcs, ils étaicnt
moins confondus par l'événement que Napoléon
lui-mCmc.
Des juges sévfrcs, <lcl'enus aprcs Ja chute de
Napoléon aussirigourcux pour lui que la forlune,
JuionL attribué l'insucccs de ses cornbinaisons,
aussiprofondément conQues cependant que toules
cellcs qui ont immorlalisé son génie. lis Jui ont
ndressé des reproches donL les foits ci-dcssus
rapportés peuvcnL montrer le plus ou moins de
·fondcmcnL. Dans le projet d'cnvclopper Je princc
llagralion, ou de l'isolcr au moins pour le reste
de la carnpagnc, on avu, en efTct, queNapoléon
n'a\'ait pas asscz exaclemcnLapprécié les diffi–
cullés que le pays et les dislonces opposeraient
it
Ja jonction du roi Jérómc avec le maréchal
DavousL, qu'il nvait trop maltrailé son jeunc
frérc, et mis trop pcu de troupes
a
Ja disposition
du maréchal. On pouvaiL done Jui imputcr une
part de ce prcmicr insucccs. Dans le projct de
défiler dcvanL Jccamp deDrissa,dc passcrensuite
brusquemcnt laDwina entre Polotsk cLWitcbsk,
pour déborder llarclay de Tolly et le ]ll'cndrc
a
rcvers, l'cxécuLion arnit répondu
a
la concep–
tion,el on ne poul'ait lui reprocher qu'nnc chosc,
c'était d'avoir lui-mCmc,
a
force degucrrcs,appris
la gucrrc
a
ses enncmis, lcsqucls, s'étnntaperQus
a
lcmps du dangcr qui les
mena~ait,
s'cn étaient
Lirésen fnisant violencc
i1
lcur maiLrc.Enfin,dons
Je dcrnicr projct, on a bJamé Napoléon d'avoir
poussé lrop loin son mouvcmcnL tournant, de
J'avoir poussé jusqu'a franchir le Dniépcr pour
venir rcpasscr ce fleuvc
a
Smolensk; on adit qu'il
aurait dú s'arrclcr a\'ant d'arriver au Dniépcr,
rcmonler ce flcuvc par la rivc clroitcau licu deJe
rcmontcr par la rivc gauchc, et tourncr les
Russcs par Nadwa. (Voii·la carle nº 55.) Mais les
foits montrcnL qu'il avaiL pesé toulesces chances,
de conccrL a1•cc le maréchal Davoust, el quec'cst
aprcs de múrcs réflcxions qu'il avaiL résolu de
chcmincr par la rivc gauchc, que les Russcs
n'occupaicnL pas, ce qui lui ofTrail pour les lour–
ncr un trajr.t plus prompl et plus sur, quoiquc
plus long.
11
rcssort , en cfTct, des événcmcnls
c¡uc, s'il eút suivi !'avis
contrairc,
il cUt trouvé
a
Nadwa Ilagration se battant :wcc déscspoir, que
pl'obablcment il cúL attiré les llusscs enmassc sur
lcur gauchc, cLcouru le risque de se foil'c acculcr
lui-mcmc au Dniépcr. Les foits le justificnt done
ici complélcmcnL. D'autrcs juges cncorc ont di!