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PASSAGE DU NlÉMEN. -

JUIN

1812.

·179

dcur cmprunlée qu'un 1·cvcn11 momcnlané, qui,

sagcmcnl économisé par une épouse prudente,

procurcrait un bicn-élre assuré

h

ses c11fonls.

Vivanl toujours daus les plaincs du Nord, au

milieu de ses soldats, au point ele n'avoir pas en

dix ans passé trois mois

n

Paris; occupé exclu–

sivemenl de son mélicr, tacilurnc, dur pour Jui

autant que pour lesautres, il étail du pctit nom–

bre de ses compagnons

1l'armcs

qui ne s'é.laicnt

pasenivrés au somptueux banquct de Ja fortunc.

Napoléon, sans trop s'cnquérir de Ja véJ.ité, ren–

contranl parloul sur les bords de la Vistule la

trace cl'une profonde obéissance pour le maré–

chal DavousL, une immcnse quantité de choses

mues par sa volonlé, et son nom clans toutes les

bouches, ful non pas jaloux (de qui aurait-il pu

l'etre

?),

mais fatigué d'une importancc qu'il arait

crééc, écouta volonticrs ccux qui, avcc Bcrthicr,

disaienl que ce maréchal faisail toul, ordonnait

lout, tranehail en toul du mailre, en altcnclanl

qu'il tranchal du roi, prcla l'orcillc

n

ceux qui

taxaicnt d'ambilion son active volonté, d'orgucil

sa gravité séverc, d'arrierc-penséc clangereuse

sa taeilurniléhabiLuclle. JI accueillil le maréchal

avcc froideur, et en bcaucoup d'occasions lui

donna torl contre Bcrthier. Le maréchal n'y pril

garde, habitué aux brusqueries de Napoléon,

impulanl leur rcnouvellemcnl plus fréqucnL

a

une irritabililé qui croissail nvec l'age, avee Ja

fatigue, avcc les soucis, etcourut

a

Krenigsbcrg,

tout préparer sur les pas de J'armée, afin de sur–

montcr les difficullés d'une entreprise que dans

son bon sens

iJ

cut appclée folle, si sa forlc

nalure n'avail été courbéc

ó

Ja plus complete

obéissaricc. Pourlanl sa grande favcur élail pas–

séc. Ainsi Lannes était mort, Masséna cntierc–

mcnt disgracié, Davoust en commcnccmcnt de

défavcur

!

Ainsi Nopoléon, inconstanl pour ses

licutcnanlscomme Ja forlunc allail bicntól l'ctre

pour lui-mcme,

devan~anL

pour cux les capriccs

- de celle mobile divinité, scmail de morls et de

disgraces la roulc fatale qui allait bienlól le con–

<luire

a

une chute épouvantable.

Napoléon, arrivé le 7 juin

a

Danlzig, rencon–

lra un aulre <le ses licutenanls; ce fut Mural,

moins hcureux d'clre dcvcnu roi que Davousl

d'cl1·c resté simple commandanl d'armée. Ce

prince, comme nous avons cu

a

le rlirc lanl rlc

fois, bon muis inconséqucnl, capable de devenir

infidCJe par vanilé, ambition, mauvaisconscil, el

loujuurs le plus brillanl des cavaliers, Je plus

téméraire des héros, avait inspiré de tcllcs dé–

fianccs

n

Napoléon, pour quelqucs communica-

tions maritimcs avcc les Anglois, que le général

Grcnicr, ainsi qu'on l'a

vu,

avait

rC'fU

l'ord1·c de

se lenir prét i1 marchcr sur Naples. Napoléon,

qui ne craignniL dans Mural que la Jégcrclé,

l'avait appclé

i1

l'arméc, d'nbord pour avoir

ii

sn

disposilion le meillcur génél'al de cavalcric du

siCcle, et cnsuitc pour

lcnir

sous sa main un

parcnt qui pres de lui scrail loujours soumis el

dévoué, el loin de lui scrnil livré au hasard de

loutcs les suggcstions. Sur Insimple indication

de cetle volonté, Mural s'élaiL halé d'accourir

au quarlicr général, pour servir sous les 01·drcs

de son bcau-frere, el rcprendre son comnrnn–

dcmcntordinnirc,celui de Ja réscrvcde cavnlcric.

Pour évilcr l'inconséqucncc de ses propos, Na–

poléon n'avail pas voulu qu'il vinl

ii

D1·csdc, el

l'avail consigné sur Ja Vistulc. Mural, fatigué,

maladc, s'étail arrété

a

Bcrlin, oú il avail été

dédomnrngé des rigucurs de son suzcrain par

les cmprcsscmcnts de Ja com· de Prusse. Napo–

léon, le voyanl

a

Dantzig, p:ilc, défait, cL n'ayant

pas sa bonnc mine ordinairc, lui demanda brus–

qucmenl ce qu'il avail, el s'il n'étail pasconlcnl

d'clrc roi. " Mais, sirc, répondil Mural, je ne

le suis guCrc. - Je ne vous ai pas f.litsrois, vous

el ves frercs, rcparlil durcmcnl Napoléon, pour

régncr

a

votrc maniCrc, mais pour régncr

it

Ja

micnnc, pour suil'!'e ma polilique, el reslcr

Franqais sur eles tróncs étrangcrs. )) AprCs ces

rnots, Napoléon, vaincu por Ja boahomie de Mu–

ral, el n'étanl dur que par boutadcs, lui rcndil

ccltcramiliarité, inégalccommc lescirconst::inccs,

mais gracieuse el subjuguantc, que ses Jicule–

nanls trouvaienl aupres de lui. 11 rencontra aussi

a

Danlzig le gouvcrncur Ilnpp, qui lui avait dé–

plu par quelqucs avis sinceres sur J'élal de

In

Pologne, el par quclqucs faeililés suspcctcs ac–

cordécs au commcrce de Dantzig, mais nuqucl

il pardonnoil en considérolion d'uncgrande bra–

voure, el d'un esprit franc et original. 11 passo

la plusieursjours avcc Bcrlhie1» Mural, Caulain–

courl, Ouroc, Ilapp, occupé

n

inspector les for–

lifications d'une place qui devait joucr un rólc

si irnporlanl dans cclle gucrre, i1 visitcr les

magasins el les ponts de Ja Vistule, rcctifianl,

cornplétanl lout ce qui avait été fail, avcc un

coup d'mil que ricn n'égalaiL quand il

s'cxcr~ail

sur les choscs cllcs-mcrnes, puis, lorsquc la cha–

lcur, extreme dans cctlc saison el dans ces lali–

tudcs, l'obligcait

a

rcntrcr, s'cnlretcnant fami–

IiCrcmcnt avcc ses compngnons d'armes, el se

montrant plus pcrsuadéc¡u'il neJ'étail de l'ulililé

d'uncguerrc qu'ils paraissaicnl craindre profon-