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LlVllE QUAl\ANTE-Tl\OISlEME.
Au moment de s'éloigner, il se décida, malgré
les inslances du princc archichancclicr,
a
une
mcsu1·e adminislrative des plusviolentes, el qui,
il l'échafnud pres, heureusement aussianlipatbi–
'lue¡,son eccur qu'ii sonesprit, rendait songou–
ve1·nement l'égal de lous les gouvernemcnls
révolutionnaircs qui avaicnt précé<lé. Cette me–
sureful la laxe des bles. Ladisclle avail continué
de sévir. Le blé se vendait i1
60
et
70
franes
l'heclolilrc, prix qui scrait exorbilant aujour–
d'hui, mais qui l'était bien plus en ce ternps-!11.
La population poussail le cri ordinaire de la
raim, passion la plus légitime et la plus aveuglc
detoulcs, etaecusait d'accaparement lesfermiers
et les
eommer~anls.
Jusque-lil Napoléon s'élail
borné
a
vcrsersur le marché de Paris les grains
de la réserve, ce qui, sans ctre un acle de vio–
lence, étail pourlanl une maniere d'écarter l'ac–
lion bienfnisantcdu comrnerce en se subsliluant
il
lui. Mais le moycn étant derenu insufnsant
poul' rctcnir les prix mCmc
a
París, oU s'opé-
1·aicnt pourtant les versernents de la réserve,
Napoléon ne résisla pasaudésir d'empécher vio·
lcmmcnt celle cherlé excessive, et croyant pou–
voir agir avcc le commcrcc commc avcc l'Eu–
rope, par un acle de sa loulc-puissante volonté,
il décida par plusicurs décrcts, rendus daos les
prcmie1·s jours de mai, que les prércts auraient
le pouvoir non-seulcrncnt de tarifer les blés sui–
rnnt les circonstances locales, mais de les amc–
ner forcémcnt au marché. Ainsi, la vcille méme
du jour oú il parlait pour une gue1·rc inscnsée,
il cssayait de violentcr ce qu'on n'a jamais pu
violcnlcr, lc commcrcc, enJui imposant des prix
arbitraircs.C'élait commc un témoignaged
1
affcc·
tion qu'il voulail donner
ii
ce pcuple
fr.111~ais
dont
il
allail conduire des 111illicrs d'eníants
a
la
mort, triste témoignage qui n'élait qu'une flat–
leric vaineCl funeste, pOUI' apaiser les
lllUl'IIlUl'CS
que la foim et la conscriplion faisaicnt élcvcr
jus1¡u'i1lui. Le Omai, aprcs aroir confiéses pou–
voi1·s pcrsonnels i1l'archicl1ancclier Cambacércs,
ap1·cs lui
avo.irrceommandé d'cn uscr non pas
lidclcmcnt, ce dont il ne doutait point, mais
éncrgiqucmcnl, ce donL
il
était moins ccrt.ain
;
aprcs lui avoir laissé pour gardcr sa ícmme, son
lils et le ccnl1·c de l'Empire quclqucs centaincs
ticvicuxsoldalsde lagarde inipérinle, incapablcs
d'aucun scl'l'ice actií; aprcs avoir r6pété, non–
sculcrncnt au prince
Cambacér~s,
mais
¡,
tous
ccux qu'il cut occasion d'cntrctcnir, qu'iI ne
liasardc1·ail ricn dnns ccltc
guct'l'C
lointainc,
qu.ilngimit avcc lcntcu1·, avcc mesure, et qu'il
accomplirait endeux eampagnes, mcme en trois
s'il le fnllait, ce qu'il ne croirait passage de vou–
loir fnire en une; apres leur avoir répété ces
assurances sans les tranquilliser entieremcnt,
il
partil pour Dresde avcc l'lmpéralrice, cntouré
non plus de l'affection des pcuplcs, mais de lcur
admiration, de leur crainte, de leur soumission :
départ íuncsle , que nulle
résis~~nce
ni des
hommes ni des institulions n'avait pu cmpéchcr,
car pour les hommes, aucun n'élait capable de
se foirc écoutcr, aucun mCmc n'aurait osé l'cs–
sayer; pour les instilulions, il n'y en a-1•ait plus
qu'unc seule, sa volonté, cellc qui le mcnait au
Niémcn et
il
Moscou
!
Napoléon s'était fait précédcr du prince ller–
thicr pou1· l'expéditiou de ses ordrcs militaires,
et avait laissé en arricre M. le duc de Bassano
pour l'expédition de ccrlaincs affairesdiplomali–
q.ues qui cxigcaicnt encorc quclques soins.
11
marchail accompagné de sa maison mililairc et
de sa maisoncivile, avcc un appareil que lessou–
vcrains les plus m:Jgoifiqucs n'avaient point sur–
passé, sansen ctrc moinssimplede sa pcrsonne,
rnoinsacccssible, comme il eonvenail
ii
un homme
cxtraordinaircqui necraignaitj::unaisde se mon–
lrcr aux autres hommcs, tout aussi sUr d'ngir
sur cux par le prcstigc de son génie que par les
pompes sans égalcs donl
il
était cnvironné.
Arrivé le
J
1
a
Mayence, il employa la journée
du
·12
¡,
visiter les ourrages de la place,
a
don–
ncr des 01·drcs, et
commen~a
le speetaclc des
réccptions souveraines dans lesquelles devaicnt
figurcr , les uns aprcs les autrcs, la pluparl des
princes du continent. 11
rc~ut
a
Maycnce le
grand-ducel lagrande-duchcsse dellesse-Darm–
stadt , el le prince <l'Anhalt-Coethcn. Le
15,
la
cour impérinlc franchit le Rlii11 , s'arrCta un in–
slant
a
Aschaffenbourg , chcz le princc primat,
loujours sinccrcment éprisdu génie de Napoléon
et ne c1·oyant pas l'étre de sa puissancc, rencontra
ensuile dans la journée le roi de Wurtcmbcrg,
ce ficr suurcrain d'un petit Étal , <¡ui , par son
caractcrc Yiolent muis indomplablc, son esprit
pénétrant,s'étaiLatlirédcNapoléon plusd'égards
que n'cnavaicnl oblcnu les plus grands monar–
qucs, cL qui lui foisait la politcsse de se trouver
sur son chemin, mais non In ilattcric de lesuivre
jus<¡u'a Dresde. La cour impériale passa la nuit
aWurtzbourgchez legrancl-<lucde Wurlzbourg,
ancien gran<l-\luc de Toseanc, oncle de l'lmpé–
ratricc,
()l'illCC
CXCcl!cnt, C011SCl'\
1
ílllL
ft
rcrnpc–
l'Clll'
Napoléon l'amitié qu'il avait
con~uc
jadis
en ltalic pour le général Bonapnrte, amitié sin-