PASSAGE DU Nl61EN. - •"""· 1812.
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jeta les yeux sur luí pour le chargcr d'une
mission importante en Orienl, et le ehoix était
bien en!endu, e:n· J'amiralétail propre eneffel
a
la partic prntique, comme
a
In partieehimérique
durólc qu'on l'appelnit
¡,
jouer dansces conlrécs.
Alcxandre lui clonna le commandemenl immé–
diat de l'armée du Dannbc, le eommnndemenl
évcnluel de l'armée du g<'nfrnl Tornrnsof,actucl–
lement en Volhynie, le chnrgea de faire en Tur–
quie ou la paix ou la guerre, l'au!orisa
n
se dé–
part.ird'unc portion des cxigcnces russes,
n
se
contcn!er par excmplede la Dessarahie, en prc–
oant le Pruth pour fronticre au lieu elu Sereth,
1t
négocier
1t
ce prix non-sculcrncnl la paix, mnis
une alliance avcc les Tures, 11 les bru quer au
conlraire s'il ne parveoail pas
a
les fairc enlrer
dans la poliliqnc russe,
a
fondre sur eux afin de
lcur arrachcr par un acle vigourcux ce qu'on
11'aurait pas obtenu par les négociations,
a
s'cm–
parcr peut-ctre deConslantinople, el
a
revenir
cnsuiLc, avcc ou sans les Turcs
1
se jctcr ou sur
l'cmpirc
fran~ais
par Laybnch, ou sur l'arméc
fran~aisc
par Lcmberg el Varsovie. La brillante
imaginalion, le courage égalcment brillant de
l'amiral, convcnaient
il
ces rólcs si divers el si
aventureux.
Au milieu de ces résolulions, que des nou–
vcllcs arr1vant ;\ choque instant i11ter1·om1rnient
ou précipitaient, l'anxiété nllait cr(\issant
a
Saint–
Pétersbourg, lorsqu'ilsurvint !out
b
coup un cm–
ployé de la légation russe, M. Divoff, expédié de
París par le prince Kourakin, pour raconler un
incident f:ichcux et récent. M. deCzcrnichcff, Cll
quitlaut París, avait imprudemmcnl lnissé dans
son appartcment une lellrc, compromctlant ele
Ja maniere la plus g1·avc un cmployé d11 minis–
tere ele lagucrre, celui mcme qui lui avnit livré
une partic des secrcts de la Francc. Ccl!e lettre,
remise uux mainsde la poliec, avait révélé loules
les mcnées au moyen dcsqucllcs M. de Czerni–
cl1cff était parvenn 1 corrompre la fidélité des
burcuux. Par suite des rechc1·cl1es de la police,
un des scrvilcurs de l'ambassadc russc avail élé
nrrCté, et rcfusé au princc Kourakin, qui le ré–
clamait vaincment au nom des privilégcs diplo–
maliques. Une inslruction criminclle étnit com–
mencée, el lout
annon~ailqu'il
tombcrait uneou
plusicurs tetes pour ce erimc de trahison, qui,.a
l'égard des agcnts
fran~ais,
n'admcllait ni excuse
ni indulgence. Mais, cl1ose plus grave cncore,
11. Divoff, qui apportait les picccsdecetle ,Jésa–
gréable ulfairc, avait rencontré les !1·oupcs du
maréehalDavoust au del/\ d'Elbing. Ce n'était pas
le dossier donl il élail chargé, quclque péniblc
qu"il ful, mais le fnil dont il a1iportait la nourcllc,
et don! il avait été le témoin oculaire, qui causa
;\ Snint-Pélcrsbour" une émolion décisive. Les
partisans nnciens el nrdcnls ele lagucrre,comrnc
se parlisans réccnts et ré ignés, prétentlircnt
qu'Alexandre ne pouvait plus se dispcnscr de se
rcnclrc
a
5011
qunrt.icr général, que c'était
toutm1
plus s'il arrivcrnit
il
lemps pour y clrc lorsquc
les
Fran~ais
passeraicnt le Niémen, qu'il ne de–
vnit done pas différcrdavantngc, que sn préscncc
mcmr. étnit nécessoire pour prévenir des impru–
dcncc , cnrles généraux russcs f:taicnt sinnimés
b
l'armée de Litl1unnie, qu'ils étaient cn¡rnblcs
de se lirrel' 11 q11elquc démarche imprudente qui
fcrait évanouir les rlcrnicres chances de pnix,
s'il y en avait encare. M. de Homanzoff voulul
s'opposcl'
li
ce dépal'l, car laisscr partir Alcxan–
dre deSaint·Pétcl'sbourg, e'étail forcer Napoléon
1i
partir de París, el rcncll'e In collision inévi–
lable. Mais il ne put l'cmportcr nu milieu ele
l'émolion qui l'égnait, el Je départ d'Alcxandre
pour le qunrticr génfrnl ful instanlanémcnt ré–
solu. Ce qui contribua SUl'!out :\ précipi!cr celle
résolution, ce ful tout
a
la fois Je désir de don–
nc1· 1Íne satisfoction au scnlimenl public, et Je
désir aussi cl'cmpcchcr les généraux de compro–
mctlre les clernicrcs chances de la pnix par quel–
que acle i1'l'épa1'ablc. Alexanclre n'cut point le
temps de
YOÍI'
M. de Laurislon, mais il lui fit
témoigner la plus grande estime pour sa noble
conduitc, et réitércr l'assurnnce qu'il ne quiltait
pns sa cnpitalc pour commcnccr la gucn c, mais
au contraire pour la rc!ardcr, s'il était possible,
affirnwnt une dcrniCrc fois que mCrnc
a
son
qunrtier général il serait prct :, négocier sur les
bases les plus éqnitahles et les plus morlérécs.
Le 2·1 avril uu rnatin il se rcndil
a
l'égliscde
Cazan pom· nssister
it
l'ollicc divin a\'CC sa fn–
mille, puis il partil cnlouré d'unc populalion
nombreuse, é111ue de sa p1·oprc émotion el de
cclle qu'ellc apercevait sur le visage de sonsou–
vcrain.
11
monta en voiturc au milicu des
hour~
ras, et se rnit en route accompagné des pcrson–
nagcs les plus considéraUlcsdc.·songouvcrncmcnt
et de sa cou1'. On ycomptait le mi11ist1·e de l'in–
lérieur prince de Kolchoubey, le ministre de la
police Jlalnchoff, Je grand mailrc Tolstoy ,
M. de Nessclrodc, le général l'fuhl, Allcmnnd
qui cnscignait
ii
l'cmpcrcur la scicncc de la
gucrrc, et cnfin un Suédois expatrié, fo1'1 melé
nux intrigue Ju tcmps, le comtc d'i\rmsfcld.
M. de Homanzoff dcw1it quelqucs jours plus lal'cl