PASSAGE DU NIÉMEN. -
AVlllL
1812.
essuyé la grandeur de la Prusse et de l'Aulriehe.
C'était surtoul la nouvelle des deux trailés signés
par la Prusse et l'Autriche qui avait dévoilé ;\
l'empercur Alexandre et au chancelic1· de Ho–
roanzoJI l'imminencc du danger. L'empcreur
Alexandre, instruit assez exaclement de ce qui
se passait dans la diplomatie
fran~aise,
par des
infidélilés dont la sourcc malgré braucoup <le
reeherches était reslée inconnue, savail que Na–
poléon faisait dcpuis longlemp attcn<lrc
u
la
Prusse un lraité d'alliancc, afin de ne pas
donner trop d'ombragc i1
Saint-Pétersbourg.
Puisqu'il s'était décidé
i;
conclurc ce lraité, la
conséquencc
a
tirer, c'est qu'il avait pris son
parti, et l'avait pris au point de ne plus garder
de rnénagcmenls. Les dissimulalions de la eom·
de Vienne
a
l'égard des engagemenls qu'ello
avait pris, ne pouraient tromper Alexandre,
parfailement informé de toulcs les transaetions
européennes, et n'élaienl que risiulcs pour qui
était témoin des embarras de M. de S<1int-Julicn,
ambassadeur d'Aulriehe
a
Saint-Pétersbourg.
Celui-ci en elfet
s'eJior~ait
de se dérober
1\
tous
les rcgards, de peur d'clro obligé d'avouer les
nouveaux liens contractés par sa cour, ou <l'clre
confondu s'il les niail. Quant
a
la Prussc, moins
hardie daos le mcnsongc, clic était conre1111e de
lout. Nous avons <lit qu'cllc arait cnvoyé M. de
Knesebcck
a
Sainl-Pétcrsbourg, pour cxposcr 1
l'cmpcrcur Alexandrc la triste néccssité oú clic
s'élait lrom•éc de prendre part a la guerrc, el.,
en y prenant part, de se rangcr du cólé de la
France. Soit que M. de Kncsebcck y fut autorisé
par le roi, soil qu'il céd•\t
a
ses passions natio–
nales, il avait poussé plusJoin les confidcnces. 11
avail clit que Je roi agissail i1 conlrc-creur, nrnis
<JUC lous ses Yreux étaicnt pour les Husscs, et
qu'il ne désespérail pa> d'ctrc bicnlót amcné!1se
joindrc
a
cux; que cet événcmcnt mcmc élait
inévitable si on lenail une conduile habilc, el,¡
ce sujet M. de Knesebcck, qui étnit un officicr
éclairé, avail fail enlcnclrc des conseils t1·cs–
sagcs, trcs-funcslcs pour nous, trcs-utilcs au
czar, qui ne savail
a
qui cnlcndrc au milicu des
opinions militaircs de loulc sorle provoquécs :1u–
tour de Jui par la gravité descirconstanccs.
11
lui
avait conseillé de ne pas s'cxposcr
n
rcccvoir Je
prcrnicr choc de Napoléon, de rélrograder au
contraire, d'atlircr les
Fran~ais
dans l'intéricur
de la Russic, et de ne les allaqucr que Jorsqu'ils
seraient épuisés de fatigue et de faim. 11 avail
promis que pour ce cas toule l'Allenrngnc se
joindrail aux Husses, afin d'achevcr Ja ruine ele
l'cnvahisseur amlacicux qui désolait l'lluropc
depuis douzc annécs.
N'étail-ce Jil qu'unc simple prévoyancc de
M. ele Knescbcck, qu'il lransformail en conscils
sous Jaseule inspiralionde ses sentiments nalio–
naux, snns aucun ordrc ele son
mailrc,
ou bien
élait-il nulorisé
1i
pousscr aussi loin les excu es
de Frédéric-Guillaumc aupres d'Alcxandrc, c'est
ce qu'il cst impossiblc de savoir nujourd'hui,
bien qu'on ait l'avcu de M. de Kncscbcck, qui
peul·ctrc s'cst fait depuis plus coupable qu'il
n'a,•ait été alors, pour se foire plus prévoyant
et plus iJalriolc qu'il fl'avait été ''éritablcment.
Quoi qu'il en soit, l'opprcssion sous Jaquellc la
Prusse vivait
a
cclle époque excuse beaucoup de
choscs; pourtant nous rcgrcllcrions que M. de
Knesebcck cut été autori é a tcnir ce Jangagc,
nous le rcgrellerions pour la rlignité d'un roi
qui était un parfaiL honncle hommc. Alcxanclrc
accueillit avcc une indulgencc asscz haulainc les
cxplications de Frédéric-Guillaumc, avec infini–
mcnt d'attcntion les habilcs conscils de son en–
voyé, lui <lit qu'il déplo1·ait Ja clétcrminalion de
JaPrussc, mais que, défcnclant Jacause de l'Allc–
magne autant que cclle de la Hu sic, il ne déscs–
péraik pas d'avoir bienlot les soldals prussicns
avcc lui. 11 fut moins indulgcnt cnvers M. de
Saint-Julicn. Celui-ci, aprcs s'clre longlcmps
caché, avait fini par ne pouvoir plus él'itcr la
rcncontre de l'crnpcrcur Alexandre.
JI
nia d'a–
borcl le trailé d'alliancc, el il parait que ce
n'était pas sans un ccrtain fondcmcnl, ca1· son
cabinet, pour qu'il lromp:\t micux, l'avail trompé
Jui-mcme en lui Jaissaat tout igno1·c1'.
11
ne sa–
vait rnémc ce qu'il avait appris qnc par quclqucs
confidcnccs de
M.
deLauriston, qui lui en avait
dit plus qu'il n'aurnit voulu en apprcndrc. 11
cssayn done de révoqucr en doulc l'cxistencc clu
récenl lrailé de l'Aulrichc avcc la Jlrancc, sur
lemotif qu'on ne lui avait ricnmandé ele Vicnnc,
mais Alexnndre l'intcrrompit sur-lc-champ. "Ne
nicz pas, lui clit-il, je sais tout; des intermédiai–
rcs sürs, qui ne m'ont jamais induiL en crrcur,
m'ont envoyé la copie du tt'aitéque voll'e cour
a signé; puis Ja monlrant i1
M.
de Snint-Julicn
confonelu ,
il
ajouta qu'il était profondément
étonné d'unc parcille conduite de In parl ele
l'Autrichc, et qu'il la considérait comii1c un vé–
ritnblc obandon ele Ja cause curopécnnc; que ce
n'était pas lui sculcmcnt 11ui était intércssé dans
cetlclultc, mais tous les princcs qui Jll'élcndaicnl
conserve!' une ombre d'intlépcndancc; que tant
qu'il n'nvait
YtI
dans l'alliancc de la Ft'ancc que