PASSAGE DU
NIÉMEN. -
llARS
1812.
15~
Fran~nis
n'avaicnt pns rcnoncéséricuscmcnt aux
décrcts de Bcrlin et de Milan; que Ja renoncia–
tion qu'ils en.avaient failc n'élaitpas authcnlir¡uc
dans la forme, que d'ailleurs ou arrclait cncorc
bcaucoup de butimcnts américains
a
l'cnlrécdes
ports fran(}ais , ce qui était vrai et inévita–
blc, l'Anglcterre ayanl laissé établir clicz elle
une fabrique de faux ¡rnpicrs qui·commandait de
grandes précautions; qu'cnfin les Arnéricains
n'avaienl pas cxigé de la Francc la faculté d'in–
troduire chcz clic les produils de !'industrie bri–
lanniquc, ce qui étail puéril, car si les Améri–
cains étaicnl fondés
a
dcmander que sous Jcur
pavillon on ne saisit par les propriétés anglaiscs,
ils ne pouvaient pas cxiger que la Fmnee admit
chez elle les produils anglais que son systeme
commcrcial rcpoussait. Ces raisons élaicnt done
insoutcnablcs, et les Américains les traitaient
commc tcllcs. Un dernicr tort de l'Anglctcrrc,
infinimcnt grarn, et rcnouvclé tous les jours
avcc autant d'audacc que de violcncc, rcndait
immincntc Ja gucrrc avcc l'Amérir¡uc. Sous pré–
tcxtc que bcaucoup de ses matclols, pour échap·
pcr aux chargcsdu scrvicc deguel'fc, émigraicnt
en Amériquc, elle foisail visilcr les navircsamé–
ricains, ce qui cst toujours pcrrnis riux vaisseaux
de gucrrc, quand la visite se borne
a
constatcr
la sincéritédu pavillon, mais jamais aulrcmcnl,
et clic profitait de l'occasion pour cnlcvcr tous
les matelols parlan! anglais. Or, les dcux na–
tions parlan! le mernc langage, la marine bri·
tanniquc cnlcvait prcsquc autant de malclots
américains que de rnalclols anglais, et parcon–
séqucnt
cxcr~ait
Ja
¡iresse
no11-sculcmcnt sur les
sujcts britanniques, muis sur les sujcts étran–
gcrs, en abusanl d'une conformilé d'idiomc duc
a
laconformilé d'originc. Plusicu1·s fois la résis–
tance
des
ln\timcnts américains avaiL foil naitrc
en mcr des collisions, dont loutc l'Amériquc
avait retenti. Aussi l'cxaspéraliou étail-cllc pous–
séc au comblc, et les csp1·its prévoyanls rcgar–
daicnl-ils la guerrccommc inévilablc.
L'opposilionanglaise avait la de nombrcux et
justes gricfs contre le cabinel, el l'un des plus
grands orateurs de l'Anglctcrrc, lord Drougham,
dans tout l'éclat de la jcuncssc el du talcnl, avail
accablé les ministres en montranl
a
que! point
lcur systcmc maritimcétait dcvenu inscnsé. En
elfct tandisqu'ils s'obstinaicnt daos lcurs ordrcs
du conseil
a
l'égard des Américains, sous prétextc
d'empCchcr les communications nvcc la Francc,
ils avaicnl, por le systcmc des liccnccs, autorisé
une quantité de pelits pavillons, suédois, norwé-
gicns, prussiens,
U
communiqucr avec Ja Francc,
de
fa~on
que la marine marehande anglaise avait
été rcmplacée par de petits nculres, auxquels ils
pci·rnctlaicnt par cxccption ce qu'ils rcfusaicnl
aux grands ncutrcs, c'cst-ii-dircaux Amérieains,
qui pouvaicnt invoqucr en lcur favcur le droit
des nations. De plus, l'habitudc de
dégui~er
son
origine, introduitc par le systcmc des liccnccs,
avaitdonné naissancc i1 une foulcdcsubtcrfugcs,
el pro¡rngé parmi les
commer~ants
des pratiqucs
immorales qui dcvcnaient véritablcmcnl alar–
mantes.
Sans ooute l'opposition cxagérait, commc il
a1'J'ivc souvcnt, les torts
du
gouvcrnemcnt, ou
ne les caractérisail pus toujours avcc asscz de
justcssc ; mais clic les attaquait avcc une véhé–
mcncc légitimc. Elle aurait cxprirné la vérité
cxactc et complete, si elle cút dit que l'inlérct
ele !'Anglelcrrc étail de s'ouvrir les aeecs clu
monde cnticr, tandis que l'intércl de Napoléon
étail de les luí fcrmcr; c¡u'cn donnant i1 la
Francc du sucrc, du café, du colon
a
mcillcur
marché, J'Anglctcrrc lui faisait cent fois moins
de bien qu'cJlc ne s'cn foisail
a
cllc-mcmc,
Cll
dévcrsant au dchors le trop-plcin de ses maga–
sins. 'fout ouvrir élant son intércl, lout fcrmer
cclui de Napoléon, c'étail une concluitc souvc·
raincmcnl déraisonnablc que de s'obstincr dans
ses ordrcs du conscil, ele se préparcr ainsi la
plus fdchcusc des privations, ccllc des relations
avce l'Amériquc, et de plus une gucne inOni–
rncnt dnngereuse, si
it
ccllc gucr1·e vennit se
joindrc un nouvcau triomphc ele Napoléon dans
les plaincs du 'ord.
La Cité de Londres, irriléc au plus haut poinl,
avail préscnté une pétition au princc de Calles,
rég:cnL
depuis un an,
pour
dernandcr le rcnvoi
des
ministres, eLune
grande
prirlic du commcrcc
avail appuyé de ses vroux ccttc pétition auda–
eicusc. Le princc de Galles, au pouvoi1· duque!
on avail misdes restrictions pou1' la cluréc d'unc
annéc, vcnait d'cntrcr en plci11e posscssion des
prfrogaLives
de la royauté,
et louL
nnnon~ait
c¡u'il en jouirait défiuilivcmcnl, Ja sanlé de son
pcre Gcorges
111
ne laissant plus aucunc cspé–
rance d'11méliorntion. Quoiqu'il se fúl habitué
aux ancicns ministres de son pCrc, cL :\ demi
brouillé avec les hommcs d'Élat c¡u'il dcstinait
d'abord
a
clrc les sicns, ccpcndant il aurait
voulu réunir les uns el les aut1·cs dans un minis–
tcre de
co1dition,
11fin de donner quclquc satis–
faction
il
l'opinion publique1•iolcmmrnl cxciléc.
Malhcurcusemcnt le marquis deWcllcsley, frerc