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LIVHE QU.\1\ANTE-TnOISIEME.
les pelils Élals allemands, ploeés sous la main
de Napoléon, el méme la Prusse, privéc de loules
ses forces,
il
n'avait éprouvé ni surprise ni
dé–
eouragemenl, mais que l'aecession de l'Aulriche
a
eelle espeec de ligueavait lieude le eonfondre,
et de l'ébranler dans ses résolulions les plus fcr–
mcs; qu'il ne pouvnit pasdéfcndrerEuropc
a
lui
seul ; que, puisqu'on le délaissait, il suivrait
l'exemple général, et traiterail avec Napoléon;
qu'aprcs tout il aurail moins
a
perdre qHc les
nutres
¡,
ccttc soumission universclle; qu'il élait
loin de la Francc; que Napoléon Jui demandait
peu deehose; qu'ilenscrail quittc pourquclques
soulfranccs d'amour-proprc, et que, ces souf–
franecs passécs, il scrait lranquillc, indépendant
encorc dnns son
éloigncment~
nrnis que ccux
qui l'ahandonnaient scraient esclaves. " Alexan–
dre, en
pronon~ant
ces paroles, étailému, eour.
roueé, el availquclt1uc chosc de méprisant dans
son attiludc et son langage. M. de Sainl-Julicn,
moins surpris et moins lrouhlé, aurait pu lui
rcpondrcqu'en ·1809 la Hussie ne s'élail pas foil
scrupulc dedéclnrcr Inguerrc i1l'Aulrichc, snns
sinquiéler de l'indépcndanee de l'Europc, et que
si aujourd'hui clic appclait loul le monde :\ la
résislnnee, c'est qu'au lieu de lui ofTrir les dé–
pouillcs de ses voisins, on cxigenit qn'cllc sncri–
füit
son eommcrec
h
la
poliliquc mnritimc de la
France, et qu'alors pour Ja premierc fois clic
commcn~nit
i1
trouvcr l'in<lépcndancc curo–
péc-nnc en péril. M. de Saint-Jnlien, qui étnit
decellc rostecoteric nrislocrnliqucrépnntlncsur
loul le continenl elnnimée d'unchninc¡wofonde
conlrc la Francc, ne sut que s"cxcnscr en nllé–
gunnt sonignorance, et promit que sous pcu de
jours il aurail 1 donner drs explicntions sntis–
fnisanles. Ces cxplicaLions étaicnl facilcs ;) pré–
voir, c'est que l'alliance avec Napoléon 11'étail
pns séricusc, qu'on
y
avait été contraint., et que
dans cctle nouvellc gucrrc on ne porlcrnit pns
grand lorl aux armes russes
1 •
L'crnpereur Alcxandrene conservail clone plus
aucun cloulQ sur l'issue de cellc crise, et regnr–
dail un arrangement ii l'amiablecomme tout
il
foil
impossiblc.
11
élait résolu néanmoins, d'accorcl
nvec M. eleHonrnnzofT, dcmeuré fo1·tallaché
il
la
polilique de Tilsit, ele ne pas prendre J'initiative
des hostililés, et de se réservcr ainsi Ja scule
chance de paix qui rcst:lt cncorc, si, conlrc
loule vraisemblanee, Nnpoléon n'avail armé que
1
Je parle ll'aprCs l111lépCchc
m~mc
de M.
tic
S:iinl-Julicn,
pnn•c1mc
~
la connnissancc
1lu gouvel'llcmcnt
frnn~ais,
et
fo·ilcavcc u11 chagrindc l'ulli<111cc c¡11ic11prouvcla:iincériltl.
pour négocier sous les armes.
11
avait le projet
de lenir ses "''anl-postes sur le Niémen, sans
dépasser le cours de ce flcuve, sans mémc l'at–
trindrc dans les cmirons de Memel ou la l'ivc
clroilc apparlenait en parlic
1t
la Prusse, et de
respcctcr ainsi scrupuleusement le lerritoiredes
alliés de Napoléon.Quelques espritsexaltés, sur–
tout parmi les réfugiés allemands au serviee de
l\ussie, cherchaient
1t
pousscr Alexandrc en
avant, et lui eonseillaient d'e111•ahir non-sculc–
mcnt
la
Vicillc-Prusse, mais le grand-duché,
loujours dans la pensée d'agrondir· le déscrl
qu'on voulail erécr sur les pas de Napoléon. Le
czar s'y rcfusa, et en cela trouva sa famillc, sa
eour et sa nntion d'accord ovce lui ; car si on ne
voulait pos subir l'empirc de Napoléon, on ne
désirait pas davanlagc précipiler la gucrre avee
ce rcdoulable adversaire. 11 prit done le parti
d'allcndre encorc, ovant de quittcr Sainl·Péters·
bourg de sa personnc, quelquc acle non pasplus
significalif, mais plus formellcmenl agrcssif que
celui de la marche des
Fran~ais
jusqu'i1la Vis–
lule.
11
cut avcc M. deLauriston de derniers en–
lretiens ou
il
ne clissirnula aucun de ses scnti–
ments, ou plusicurs fois méme il Jaissa échapper
quclques !armes en parlant de la gucrre qu'il
consiclérnit commc ccrtainc, et de la conlrainle
qu'on vouJait cx:crccr cnvcrs Iui, en l'obligcant
contrc loule justicc, contre Je trailé de Tilsit qui
n'cn disnit ricn,
á
rcnonccr
il
toul
commcrce
avec les neutres.
11
répéla que les décrets deMi–
lan, de Berlin, ne le regardaient pas, ayant élé
rendus sans le consuller ; qu'il n'élait cngagé
qu'il mninlenir l'élat de guerre eonlre l'Anglc–
lcrre, 1 luifcrmer ses porls, qu'il rernplissait cet
rngagement micux que Napoléonavcc lesysleme
des liccnccs, et qu'cxigcr davanlagc, c'était Iui
clemancler l'irnpossihle, Je réduirc
a
la gucrrc,
r111'il ne ferait pas1'olonticrs, on pouvait assez le
voir ;\ a ornniCrc d'Ctrc, mnis qu'il ferait terri–
ble el en dé>cspéré, une fois qu'on J'aurait forcé ·
il
lirer l'épéc.
Toujours préoccupédes nouvelles qui vcnaient
des fr·onlieres , qu'il s'attendait
il
ehaque in–
slnnt i1 voi1· f'ranchics, il demanda
h
M. de Lau·
rislo11 s'il aurail par hasard la faculté de suspen–
dre le mouvemenl des troupes
fran~aises.
M. ele
Lnuriston, qui nºétait aulorisé
Q
s'cngngcr
a
cct
égarcl que pour prél'enir le passagc du Niérnen
par les Husscs, ne s'expliqua pas elaircmcnt,
mnis répondil qu'il prencl1·ait sur Jui d'envoyer
aux avant-postcs
fran~:iis,
et cl'essayer d'arrctcr
leur marche, s'il s'agissait d'une proposition qui