PA SAGE DU NIÉMEN. -
AV1111.
1812.
1ü5
Napoléon avait sous la main un personnage eles
plus ¡ll'oprcs i1 ce !'ole : e'était
~J.
<le Narbonnc,
entré
a
son service en l
8Qg
comrne gouverncur
tic Jlaub, 'dcpuis employé eomrne minist1·e en
Bavicre, et aetuellemcnt en mission
a
Bcrlin, ou
il
y
avail bien des choscs
a
faire supporter au
malhcureux l'Oi ele Prusse, clont on saccagenil le
terriloirc en le travcrsant avcc quelc¡ucs cen–
tainesele mille hommcs.Napoléon ordonna clone
ii
M.
de Na1·bonne de se rendre au quai·ticr gé–
néral d'Alcxandrc pour eomplimenter ce prince,
et, tout en évitant des discussions étrangcrcs
:,
sa rnission, de Jui témoigncr le désir, mémc
l'cspérnncc <l'unc négocintion arméc, qui aurnit
lieu sur Je Niémen entre les dcux souvcrains, et
aboulirait presque ccrtaincmcnt non pas
il
la
guerre , mais au rcnouvcllcmcnt de l'alliancc
entre les deux empires. M. de Narbonne dcvait
douncr pour motif i1 sa mission la ''olonté de
prévcnir ou de réparer les fautcs des généraux
1¡11i, par impatience ou irréflexion, auraicnt pu
se livrer
o
des acles agrcssifs saos ordre ele lcur
¡;ouvcmcmcnt. Si les Russcsétaicnl dans cecas,
M. de Narbonne devail monlrcr la plus grande
indulgence, et si, par cxcrnplc, duns le désit·fort
naturel de border le Niémen commc nous bo1·–
dions la Vistule, ils avaient envahi les pcliles
portions <lu lcrriloire prussicn qui aux environs
de Mernel formaicnt la rive droite <le ce llcuve,
il devait considérer cclle conduite de leur part
comme une préeautioo militaire fort excusable,
offrir de s'en cnlcndre
a
l'arniable, et enlretenir
Alexanclre pendanl vingt ou trente jours elans
J'i<léc et la confiauee d'unc négoeialion, donl
l'issue 11e serait pas la guerre.
11
était chargé en
outrede lui faire connaitrc lacirconslance di¡ilo–
matique qui suit.
Napoléon n'avait jamais commcncé une scule
de ses grandes guel'!'cs sans débutcr par une es–
pcce de sommation pacifique adrcssée
il
l'Anglc·
tcrre.
11
imagina <l'agi1· de mcme cctlc fois,
d'cnvoycl' un mcssngc au princc
rég~nL
p:1r
In
marine de Boulogne, et de lui proposcr Ja paix
aux conditions suivantcs. La Francc el l'Angle–
lcrre conscrveraicnt ce qu'ellcs avaicnt acquis
jusc¡u'a ce jour, sauf quelques arrangemenls
particulicrs soit en llalie, soit en Espagne. En
llalie, Murat gar<lerail Naplcs et renoncerail
a
la Sicile, qui serail 1'.apanage des Bourbons de
Naples. Dans laPéninsule, Joseph gurderait J'Es–
pagne, mais Jaisserait le Portugal aux füaganee.
C'était, comme on doil s'en souvenir, la paix
proposée par l'inlermédiairc de M. <le Labou-
chcrc au 11rn1·quis de Wcllcslcy. ll n'y avait pas
grande chance que la prOJlOSition fut mcmc
écoutée, muis c'élail une manifcstalion pacifique
qui pouvait ctre d'un certain eJTct moral
¡,
la
''eille de la plus terrible gucr1·e de J'hbtoire,
qui devait d'ailleurs fournir maticre i1de nou·
veaux c11treliens avec Alexandre.
M,
de Nar–
bonne étail spécialement ehargé d'cn fairc pa1·t
a
ce prince, et de lui donncr cetle nouvrllc
preuve des disposilions amiealcs el concilianlcs
du puissant empcreur des
Fran~ais.
En chargeant M. de Narbonne de lenir un pa–
reil la»gage, Napoléon, du reste, lui fil connaitre
ii
lui-méme la vfrité tout enticre, afin qu'il 1·c111-
plit mieux sa mission.
11
lui déelara qu'il ne
s':.igissaiL pas de ménagcr une pnix llont on
11c
voulail point, mais de gagner <lu temps, pou1·
diJTére1· d'un mois les opérations militaires, el
lui recommanda, eomme il était bon oílicier el
bon obscrvateur, de tout cxamincr autour de
lui, hommcs et choscs, soldats, ¡;énéraux et
cliplomalcs, afin que l'élat-major de l'armée fra11-
9aise pul tircr un ulilc parti eles lumic1·es 1·e–
cueillies au quarticr généi'al russe.
~l.
de Na1·–
bonne avail ordre de quitter Ilcrlin lettre rc9uc.
11
devail ctre en roule pour Wilnu eles les
premicrs jours de mai.
Ces dcrnicrcs préeaulions priscs, Napoléon se
disposa lui-mémc
a
partir. Son Jll'Ojet, en quit–
lanl Paris, était de se rcn<lrc
a
Dresdc, <l'y faire
un séjour ele dcux ou t1·oisse111ni11csavant <l'all r
se mcllrc
a
la tete ele ses urmécs, d'y tenit· une
cour magnifique, et d'y donncr un spcctacle ele
puissancc que le monde n'avail jnmais présenté
pcut-ct1·c, mcmc aux temps de Charlemagnc, <le
César. et d'Alcxan<lre. L'empereur d'Autriche
sollieitait l'autorisalion d'y venit» pour voir sa
filie, et pour y ménager lui-mcme le róle cliffi–
cile qu'il aurait bicntól ii jouer cnlrc la Francc
et InUussie. Le roi de Prusse exprimait aussi le
dési1· d'y paraitrc, pou1• réelamcr en faveur <le
son peuplc, que des milliers de solelats foulaie11l
nux pieds. Quancl de tels souvrrains clcmandaionL
1 visilcr,
a
cnlrrtcnir,
¡\
implorcr Je futur vain–
qucur du monde, il n'cst pas bcsoin de dire eorn–
bien d'nutrcs invoquaicnl le mcme honncur.
L'cmprcsscmcnt étail général, el Napoléon, qui
voulail frapper sonnelvcrsairc par ledéploicmenl
ele sa puissancc politiquc autanl c¡ue pnr le dé–
ploicrnenl de sn puissanee militairc, accueillil
toutcs ces demandes, el elonna en quelc¡uc so1·te
rendez-vous
n
l'Europe entierc
il
Drescle. Vlm–
pérat1·icc et sucour devaient
l'y
aecompngncr.