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LIVRE QUARANTE-TROISIEME.
presquc toulcs les provinces, des bandcsaffamées
couraicnt les campagncs en brisant les rnéliers.
L'issuc que Napoléon 1·cprochait
a
la Russic cl'a–
voir ouvcrtc sur le conlincnt au commercc bri–
tannique, n'avait done pas changé scnsiblcmcnt
la situation de I'Angletcrre, et que serait-il
arril'é, si, en prolongeant cct élat de choscs
quclque tcmps cncore, on cut jeté sur lord Wel–
linglon une partic des forces qu'on se préparait
i1 cnfouir daos les ncigcs du Nord ?
Lecabinct brilanniqucallait ajoutcr
a
tous ces
maux une nouvcllc aggravation, par sa conduite
cxtravngante envcrs l'AmérÍlJUC. Si l'on en ex–
ccplc les colonics cspagnolcs,
fran~aiscs
et hol–
landaiscs, présentant un débouché presque nul
par suite de l'cncombrcmcnt ele marchandiscs
qui s'y éLait formé, l'Amérique du Nord élait le
seul grand ¡rnys dcmeuréaeecssiblc aue,¡rnnnercc
britanniquc. L'Angletcrrc y enYoyait pour 200
ou 250 millions de ses produits, et en tirait une
va!cur
a
pcu pres égalc. C'était, dans l'élat des
choscs, pom· sa marine et son industrie, un
marché fort utile, sans complcr que parmi les
produits avcc lcsquels clic payait l'Amériquc, il
y avait bcaucoup de dcnrées coloniales, que les
Américains, pnr un moycn ou par un autrc,
finissaicnt louj,ours par introduirc sur le conti–
ncnt malgré les rigucursdu blocus. L'Angletcrrc
avait done loutc raison de ménager l'Amérique.
Loin de la, elle se conduisait cnvcrs clic commc
Napoléon cnvcrs les États du continent, éga1·éc
commc lui par la jl<ISSion et l'orgucil de syslcmc.
Ses famcux ordrcs du conscil, auxqucls Napoléon
avait opposé les non moins famcux décrcts ele
llcl'iin et de Milan,étaicntlacausede la querelle,
qui était fort pres de se convertir en guerrc dé–
claréc.
Nous rappellcronscncorc une fois que, par ses
orelres du conseil, l'Anglctcrrc avaiL d'ahord
bloqué (au moycn elu
blocussur le¡iapier)
loutes
les cólcs de l'Empirc
fran~ais
et deses alliés, puis
cxigé que, pour
y
pénétrcr, lout bálimcnt vint,
en payanL, prendrcdans laTamisc la pcrmission
de navigucr ;
a
quoi N'apoléon avaiL répondu en
déclara,nt dénationalisé et de bonnc prisc tout
batimcnt qui se soumetlrait
a
uneparcilledicta–
turc. On a vuqueles Américains, pour soustrairc
leurs batimcnts 1 cctlc doublc violcnec, lcu1·
avaicnt d'abord intcrdit, pa1· la loi <le
l'emlmrgo,
de fréqucnter les eólcs dºEuropc, puis avaicnt
limité cctte interdiction aux cótcs de Francc et
d'Anglctcrrc, ajoutant que la mesure scrait ré–
voquéc
a
l'égard de cellc des dcux puissanccs
qui rcnoncerait
a
son systemc de rigucurs. Na–
poléon, se conduisant ici avcc une habilc modé–
ralion, avait rcnoncé, quant aux
Américnins, U
ses décrcts de llcrlin et de Milan, et avait, disait–
il, agi de la sortc dans l'cspérancc de voir les
Américains défcndrc cnfin lcur pavillon contrc
ccux qui l'outragcaient. En réponsc
a
ccttc sagc
conduilc, les Américains avaicnt levé l'inlcrdit
a
l'cgard de la Francc, l'uvaicnt maintcnu
1t
l'é–
gard de l'Anglctcrrc, et se trouvaicnL 1t ce sujct
en contcstalion ouvcrlc avcc ccllc-ci.
Si l'Anglctcrrc avait été inspiréc par laraison,
clic aurait du purcmcnt et simplemcnt imitcr la
conduitc de Napoléon, révoqucr ses ordrcs du
conscil, et pcrmctlrc aux Américains de commu-
11iqucravcclaFrance. Le bicnqui cnscraitrésullé
pour nous n'cüt ccrtaincmcnt pas égu!écclui qui
en scrait résulté pour les Anglais. Nous aul'ions
suns doutc payé moins chcr le sucrc et le café,
et, ce qui était plus important, l'indigo, le colon,
si utilcs
a
nos manufactures ; mais une partic du
sucrc, du café, du colon, introduits en Francc,
scraicnt venus des colonics anglaiscs. Or si le
haut prix des denrées coloniales était pour les
F1·an~ais
une gene, lcur mévcntc était pour les
Anglais une calamilé. L'Anglctcrre auruit done
bien plus gagné que la Frunce a laisser les Amé–
ricains circulcr librcmcnt; muis !'esprit de
do~
mination maritimc prévalant jusqu'a la folie
chcz les ministres britanniqucs, comme !'esprit
dedomination contincntalc chcz Napoléon, l'An–
glclcPre n'avait que trcs-légcremcnt modifié ses
ordrcs du conscil, au licu de les rapportcr com–
plétemcnt. Ainsi clic avait ccssé cl'cxigcr des
Américains qu'i!s vinsscnt paycr tribut sur les
bords ele la 'famisc, mais clic avait déclaré blo–
qués les ports de l'Empirc
fran~ais,
depuis les
bouches de l'Ems jusqu'aux fronticrcs du Portu–
gal, depuis Tbulon jusqu'it Orbitcllo. C'élait lou–
jours la prélenlion du blocus fictif, ou
blocussur
lepapier,
consistan[
a
vouloir fcrmcr des riv•–
ges et des ports qu'on était dans l'impossibilité
de bloqucr cffectil'cmcnt par une force récllc.
Les Américains ª''aicnt réponduquece 11'était
pas la rétablir ledroit. commun des ncutres, car
ce droil rcpoussait absolumcnL leblocus fictif, et
ils avaicnt déclaré que l'Anglctcrrc pcrsislant
dans une partic de ses ordrcs du conscil, ils
pcrsistcraient envcrs clic dans lcur loi de
non–
intercourse,
quoiqu'ils s'cn fussenL désistés i1
l'égard de la Frunce. Les ministres anglais répli–
quoient par des argumcnts miséroblcs aux rai–
sons des Américains. Jls prétendoicnt que les