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LIVRE QUARANTE-TROISIEME.

ii

rcsler, puisqu'elle lui laissait faire en Europe

tout ce qu'il désirait, nrnis infériorité qu'cllc ne

voulnit rendrc ni aussi manifcstc ni commcrcia–

lement aussi dommageable qu'il l'cxigeait. En

vérité, on aurail bien pu se conlenlcr d'une pa–

rcille soumission de

la

part d'une puissanee qui

était alors la premicre du eontinent aprcs

la

France, el ccrluincmcnt l'égalc de l'Anglelerrc

en Europc.

Napoléon se transporta ensuitc

a

Saint-Cloud

avee toute la cour, bien que la saison ftit eneorc

rigourcusc, car on était

a

la fin de mars; il

s

1

y

transporta par un rnotif qui, nu milieu de sa

toute-puissance, doit paraitre bien étrangc:

c'était pour se dérober aux murmureselu pcuplc,

qu'il n'avait pas cssuyés cncorc, maisqui se foi–

saient cnlendre de toute part, el

mcna~aient

d'éclatcr

m~mc

en sa préscncc. Depuis long–

temps celle hardiesse

1i

se plaindre n'était plus

ordinaire au peuple de Paris, et clic révélnit la

profondeur de ses sou!Trances, qui avaicnl plu–

sicurs causes, la disclte, la conseription, la lcvéc

des gurdes nntionalcs, la guerrc enfin, qui pro–

duisait ou aggravait tous ces maux.

Une a!Treuse sécheressc, qui s'était prolongée

pcndant tout l'été de

·18H,

et avait été melée

dans quelqucs contrées d'ornges violents, nvnit

ruiné les cérénles dnns presque toute l'Europe,

en donnant du reste des vins excellenls connus

sous le nom ele uins

de la comete.

La moisson

nvnit

été

mnuvaisc mCmc en

Po~ogne,

sans

y

pro–

duire toulcfois la eliseltc, que eles récolles nccu–

mulécs et invcnducs rcndnicnt impossiblc, mais

sans

y

fai1·e cesser la rnisel'C résultnnt du défaut

de débouchés. En Allemngne, en France, en lla–

lic, enEspngnc, en AnglctCl'rc, ledornmagc pour

les céréalcs avait élé irnrnensc. En France, le

prix des blés était rnonté

n

~O,

h

GO,

11

iO

franes

l'hcclolitre, prix bien supérieur

1

cclui que les

mCmcs chiITrcs rcpréscntcrnicnl aujourd'hui. Le

pcuplc n'y pouvnit plus attcinclrc, et dans bcau–

cot1p de localiLés troublait le comrnerce, arrétnit

les rnitures, envahissail les

mnrchés,

crinit :rnx

nccc1parcurs, 'et nvcc son

ordinnirc nvcuglcmcnl

allail ainsiconlrc ses prop1·c' inlércts, caril étail

cnusc que la denréc se cachait, ne vcnait pos au

marché, et nugmenlait de vnlcur t1on-seulemcnt

en proportion de so 1•nrcté réellc, mnis en pro–

portion de sa rnrcté npparcnlc.

Nnpoléon , cnncmi nulrefois des doctrines

révolulionnnircs (et nous enlcndons par cettc

désignntion non les purs et nobles principcs rle

89, mnis lesopinions inscnsécs nées de l'exnlla-

tiondes passions populaires), Nnpoléon ennemi

aulrefois de ces doctrines, y revenait pcu

¡,

peu,

en se laissant emporter en toutes choses au dela

des bornes de Ja raison. Ennemi du régicide, on

J'avnit vu, dans un jour de colerc, faire fusiller le

ducd'Enghien; censeur amer de la constitution

civile du clergé, il tenait le pape prisonnier

ii

Savonc; improbalcur sévére des violences <lu

Direcloirc, il avait en ce moment )&s prisons

plcincs de détenuspour cause religicuse; mépl'i–

snnt la poliLique révolutionnnire quiavait suscité·

Inguerre partout, il élait enguerreavec.l'Europe

pour placer ses frcres sur la plupart des trones

ele J'Occidcnt ; cnfin, aynnt poursuivi de ses

sarcasmes les prineipes administratiís de i795,

tcls que le maximum, et les rigucurs commer–

ciales :\ l'égnrel de l'Amérique,

il

venail, par sa

législation sur les denrées coloniales , de créer

dnns l'Europc cnticre le systcme de commerce

le plus étrange et le plus violen! qui se pút ima–

Giner. Sous ce dernier rapport au moins, sa

guerre nu commerce anglais, suivie d'elTets trcs–

sérieux, pouvait lui servir d'excuse. Mais,

h

l'égnrd des céréales, prcssé de ne plus entendre

les murmures populaircs, de décharger sa poli–

tique de toute connexion nvec In cherlé des

vivrcs, ele ílntler, en un mol, les masses qu'il

faisnit sou!Trir par tnnt d'cndroits, il avnit formé

un eonseildes subsistances compasé du ministre

de l'intéricur, du directeur générnl des vil'l'es,

des eonscillcrs cl'État Rénlet Dubois, des préícts

de la Seinc et de policc, cnfin ele l'archichance–

lier, et il

y

soulennit des doctrines indignes de

sa hnutc raison, nepnrlait de ricn moins que de

tarifcr les grains, et d'cn dét.crminer le prix au

gré des ndministralions locnlcs. 11 se fondait sur

ce fait que les propriélnires, les fcrmiers, abu–

snient de la détresse du peuplc pour élever les

prix hors de toute mesure, ce qui était vrai et

déplornblc, mnis ce qui ne pouvait etre ni

cmpCché ni répnré ptlr un

tnrir

nrbitrairc, car

les posscsseurs de cérénles, ne se trouvnnt pas

assez pnyés , cesscraient d'approvisionner les

mnrchés , gurdernient chez eux les grains qu'ils

vendraicnt

il

des prixencareplusélevés, fcrnient

nnitre chez le peuple In tentntion du.pillnge,. et

provoqueraicnt ninsi eles désordres bien plus

graves que lous ccux auxquels on cherchnit ;\

pourvoil·.

Le princc archichancclicr Cnmbncércs avnit

résisté aux fausscs théories ele Napoléon , et

l'avait délourné jusqu'ici de suivre sa premiére

impulsion. Mais il ne dcvait pas ré11ssir long-