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LIVRE QUARANTE-'fl\OISIEME.
sitions de l'Anglctcrrc, qu'il avait rcnvoyé ses
poudres, qu'il rcnvcl'l'ail égalcmcnl M. 'fhorn–
lon, si M. Thornton se préscntait, r1u'il endon–
nail sa parolc d'honncur d'hommc el de souve–
rain. Alcxandrc dil cnfin que dansccl étal de
choses, l'cnvoi de M. de Ncssclrodc n'élait plus
possiblc, que sa dignilé le lui défcndail, el le
bon scns égalemcnt, car ccttc missionn'nbouti–
rail
a
ricn. M. de Lauríslon insislanl, soulcnant
que M. de Nessclrode scrail bien accucilli
a
Paris, Alcxandrc lui rapporla alors toul ce que
nous avons raconlé du silcncc significalif de
Napoléon
a
l'égard de la missionde M. de Nessel–
rode, de sa froidcur cnvcrs le princc Kourakin,
dalant de la nouvcllc mémc de cctle mission, el
finil par déclarcr qu'on avail su par d'aulres
voics que Napoléon la désappl'Ouvail. Celle
voic, qu'Alcxandrc indiquail sans la nommcr,
étail cellc de la Prussc, qui
a
tres-bonne intcn–
tion, croyanl clrc ulilc au mainticn de la paix,
avail foil parl des réOcxions de Napoléon sur
l'inconvénicnl de donner tl'Op d'éclal au voyagc
de M. de Ncssclrodc. Ainsi ccllc puissancc, daos
son désir honnélc de la paix, avail nui
a
cctlc
cause au licude la servi1'.
Alcxandrc, en lcnanl ce langagc, avait paru
plus ému que jnmais, mais aussirésoluqu'ému,
el avait parlé évidemmcnl en hommc qui ne
crnignait pas de
mont1·c1·
son chngrin de la
gucrrc, parce qu'il élait détcrminé
a
la fairc, el
11 la fairc terrible. 11 laissa M. de Lauriston aussi
affccté qu'il l'étail lui-mcmc, car cct cxccllcnt
citoycn voyail la gucrrc avcc une sorlc de déscs–
poir, prévoyant tout ce qui pourrait en résulter.
Du reste, il avail
rc~u
d'Alcxandrc un accucil
parfailcrncnt amical, et il en avait été comhlé de
soins. Sculcmcnl, pour répondrc aux froidcurs
qu'avait cssuyécs le princc Kourakin, on l'invi–
tail moins souvcnl
a
diner
il
la cour et dans
l'inlfricur de la farnillc impériale. Mais partoul
ou on lercncontrail, les prél'enancesélaicnl les
memcs. L'cxcrnplc donné par Alexandrc
il
la
société de Saint-Pétersbourg avait élé compris
par clic.
~l.
de Lauriston lrouvail en lous licux
des égards infinis, une politessc réservée, une
résolulion lranquillc el sans jactance, en un
mol, du chagrin saos faiblesse.
11
ne voyail de
tout cóté quedes gensqui craignaicnl la gucrrc,
mais qui étaicnL décidés 1 l'acccpter plutól que
de rétrogradcr en
dc~i1
des li:niles tracécs par
lcur cmpcrcur. Les
Fran~ais
n'éprouvaic11t nullc
partni injurcs ni maul'ais
lrailcmcnls.Onallcn–
dait dans une sortc de calme le momcnl de se
livrcr aux furcurs du patriolisme et de la
hainc.
M. de Lauriston, qui avait
rc~u
du
2~
janvier
au 5 février toutes les communications que nous
venons de rapportcr, les transmil i1 sa cour par
un courricr du 5 fél'ricr avcc une serupuleusc
cxaclitudc, et en y ajoulant une pcinlurc aussi
vraie que saisissanle de la situation descsprils
a
Sainl-Pétcrsbourg. Son courl'icr arriva du 1
?í
au
17 fél'rier i1Paris.
11
avait été d'aillcurs précédé
par d'aulrcs, qui indiquaicnl
¡,
pcu pres le mcmc
élat dechoscs, el qui faisaienl présumcr, ce que
le dcrnicr
annon~ail
cnfin positivcmenl, que
M. de Ncssclrorlc ne partiraiL pas.
Napoléon, en obtcnanl l'assurancc que M. de
Nessclrodc ne vicndrail point
a
Paris, étail ar·
rivé
a
ses flns, mais il trouvail pourlanl la
Russie lrop résolue, et., bien qu'cllc lui parul
sullisammenl intimidéc pour ne pas prendre
l'offcnsivc, il appréhcndail loujours que des
csprits ardcnts ne l'entrainassent
a
franchir le
Niémcn, et
a
dcvancer les Fran9ais
a
Kronigs–
berg et
a
Danlzig. En conséquencc, il jugea op–
portun de conclurc ses allianccs, el de mcttrc
définilivcmcnt ses troupes en marche, afin de
ne pas arrivcr le dernicr sur la Vislule, et
prit soin d'accompagner ces acles décisifs de
quclqucs démarches poliliqucs qui fusscnt de
nalure
a
calmc1>les émolions du cabinct russc
en lui rcndant ccrlaincs cspérances de paix.
Jusqu'ici Napoléon n'avait pas voulu condure
ses allianccs de pcur de donncr trop d'évcil
a
la
Russic, el
il
faisait allcndrc notarnmcnt la mal–
hcurcusc Prusse, qui craignail toujours que ces
longs délais ne cachasscnt un piégc abominable.
On doil se souvcnir que Napoléon avait impé·
1·icuscmcnt cxigé d'cllc l"intcrruption de ses
armcmcnts, en la mcna9ant d'cnlcvcr Ilcrlin,
Spandau, Gl'audcnlz, Colbcrg, le roi, l'arméc,
toul ce qui rcstail de la monarchic du grand
Frédfric, siclic ne mcttail fin i1ses prépm·atifs, ·
el en lui cngageant au contrairc sa parolc, si
clic cédait, de condure avcc clic un traité cl'al–
liancc, clonl le prcmicr arliclc slipulcrait l'inlé–
grilé du lcrriloirc prussicn. Depuis le mois
rl'octobrc dcrnicr il la lcnait en suspens sous
divcrs prétcxlcs, el enfin il lui al'ail dil le vrai
motif de ses ajournemenls, qui étaiL parfaitc–
mcnt al'onable. Le mois de févricr venu, el les
choscs étanL arrivées au poinL de ne devoir
plus différc1', il prit son parti, el causa un sen–
sible mouvcmcnl de joic au roi et i1M. de llar–
dcnbcrg, en lcur
annon~anl
qu'on allait signcr