PASSAGE DU
Nll~MEN.
-
.JANV"R
1812
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son déparl. Mnlhcurcusemcnt ce COUl'l'iCI' n'arl'i·
vait pas, et M. de HomanzofT abusait elece rclard
par jnlousic <lu jcunc négociatcur. Le courricrdu
prince Kourakin parli le 15 janvier arriva le
27
a
Saint-Pétersbourg, el
y
causa la plus vive
sensalion. A la leclure des dépcehcs qu'il appor–
tait, on pnrtngca le scntimcnt de l'ambassadcur,
el, commc
lui,
on ne
doutn plus de In
gucrrc.
Déja on était.fort enclin
a
eroircque la erisc ae–
luelle aurail ectlc issuc, et plulot que de se sou–
rnellre commc la Prusse ou l'Autl'ichc
¡,
toutes
les volonlés de Napoléon, plulót que de saerifier
les restes du commércc russc, on étaiL résolu
h
b1·avcr les clernii:rcs cxt.rémités. l'ourtanl, de la
prévoyancc du
íait
au
foit
lui-111Cmc,
it
y
n
Lou–
jours une diITércncc que les hornmcs
scnlcnt
lrCs-vivcrncnt, et on en ful profondémc11l affccté
il
Saint-Pélersbourg, i1tel point que M. de Lnu–
riston pul dirc sans cxagéralion qu'on
y
élait
consterné.
C'était <ilors <lnns l'opinion de l'Europc une
si grande chance ;\ courir que de brnvcr Na–
poléon,son génie, ses vaillantcs armCcs; c'Ctaicn.t
de si rcdoulahlcs souvcnirs
que ccux
d
1
Auslcr–
lilz, d'Jéna, <l'Eylau, de Fricdland, que rncmc
avcc le plus noble scnli111cnl de patriolisme, ou
arce les haincs ardcntcs de l'aristocl'alie cu1·0-
pécnnc
contrc nous,
on
étciit saisi d'unc
sorlcde
tcrrcur
i1
la pensée de recommcnccr une lulle
qui avait toujourssi mal réussi. Ccllc fois, d'ail–
lcurs, si In forlune étnil cncorc conlrnire, il se
pourrait. Licn que l'on cut consolidé pour tOU·
jours
In
domination c¡u
1
on voulail
rcnvcrscr,
et
qu'on cut exposé la nussic ¡, tombcr
u
ce second
rang
nuqucl
Ja
Pn1ssc el l'Autriche élnicnl
au–
jourrl'hui dcsccnducs, el donl
011
avail ho1Tcu1-.
La Pl'ovidcncc, qui gardc si bicu ses sccrcls,
n'nvnil pas cncore
dit
le sien, et° les Husscs ne
sarnicnt pas qu'ils élaicut 1 la Ycillc ele lcur
grandcur,
et
Napoléon savail cncorc
moins
1¡u'il
était.
¡,la
''cillc de sa chute! l'ourlant de ces sc–
crcts providcnlicls il en transpire loujou1·s qucl–
quc chosc pour legénie, quclquefois mcme pour
la passion.
La passion, qui le plus souvenl avcuglc, el si
rarcment écluirc, avail cette fois découvcrt une
parlie de la vérilé aux,Husscs. lis se disaient que
Napoléon était venu ¡, houl en
•1807
de lcurs ar–
mécs, rnnis qu
1
il avait
~ailli
s'enfonccr
1.lflns
lcurs
boues, mourir de faim ou de froid au milicu de
leurs frimas. La cataslrophc de Charles XII lcur
rcvcnail en mémoi1·c. La réccnlc détrcsse de Mas–
séna en Portugal, qu'on avail crééc
a
force de
dévnstalions, et publiée dans loulc l'Europc avcc
une cspccc dejactancc hnl'irnrc, les occupait éga,
lcmcnl, et prcsquc partout ils répétaienl que
sans brúler les clJOrnps d'aulrui eommc les An–
glais, en iuccndirmt leurs p1·oprcs campngncs ,
ils placeraicnl Napoléon dans une posilion plus
afTl'cusc encere que cclle de Masséna. Aussi dans
tous les rangs de l'a1·méc russc enlcndnit•ondire
qu'il foudraiL toul bnilcr, tout détruirc, se rc–
tircr cnsuitc dans le fond de la Hussie sans livrcr
de bataillc, qu'on rcn nil alors ce que pourrait
lelcrriblccmpereu1·des
Fran~ais
dansdes plaincs
rnvagéos, dépourvucs de grnins pour ses soldats,
d'hcrbcs pour ses chevaux, etque, nouvcau Pha–
rnon, il périraildans l'immensité
clu
vide,eommc
l'autre dans l'immcnsité des ílots. Ce plan d'é·
vilcr les grnndcs
rencontrcs~
et de
se retircr en
ravugc:rnt,
naissait dans lous les esprils, el
clans
ccttccirconstanec solcnnelle louLle monde, pour
ainsi
dirc,
avnil été général.
11
y
avail mc111c ¡rnrmi les ofliciers de l'cmpc–
rcur Alexandrc eles ca1·actrrcs plus arclcnls que
les nutres, qui tui conseillaicnl <le portcr le clé–
scrt
en avant,
el pour cela de
ne pas
nttc11dre
Napoléon sur le Niémcn. de ne pns tui laisscr
ainsi les richcs grcnicrs de la Pologne et de In
Vicillc-Prussc, mais d'cnvnhir sur-lc-champ ces
eontrécs, les unes apparlcnanl
i1
l'odieuse Po–
lognc pour lnquellc on avait la gucrre
1
les aulrcs
1 la Prussc que sa fai blessc allait foirc l'alliée de
Napuléon, de les occupcr pour quelqucs jours
seulcmcnt, de lout
y
détruirc, el de les éraeucr
i111médiat.cmcnl nprCs.
Alexandrc, pcnsant
a
cct égard commc tousles
soldats et oflieicrs de son arméc, était. bien d'n–
vis el'opposer
a
Napoléon les distances rl In dcs–
lruction, de refusc1· les batailles, el de s'cnfoncer
dans J'intfrieur de la llussic, sauf 1 s'arrctcr et
lt combaUl'e quand on ll'OU\'Crnil les
Fran~ais
épuisés
de
fotiguc et de
faim;
mais
il
n'étnit pns
ele J'a,·is de ceux qui prélcmlaicnt envahi1· sur..
le-cl1amp pour les J'avagcr la Vicillc-Prussc et la
Polognc. Prcndre l'offensivc, se porler en avanl,
c'étnit donncr des chances au grand gagncur de
lJalail!es de \'OUS vaincre dans le pa)'S lllCfllC OU
on irnit le pré\'cnir, e'étniLaussi pai·tagcr avcc
lui
les t.orls de l'ngrcssion, du
moin~
nux ycux
des pcuples, el Alexandrr, nvant de demandcr a
sa nalion les dcrnicrs sncrificcs
1
désirait quc l'u–
nivcrs cnticr
fút
convnincn qu'il n'avait
poinl
été l'agrcsscu1·. Enfin il
y
nvait une raison qu'A–
lcxandre disaiL moins, mais
qui
ngissait forte–
mcnt sur !ui, c'esl que tant que
Ja
paix était ho-