PASSAGE DU
NIÉMEN. -
otttltcRE
!8ft.
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s~ulcmcnt
du tcrrain, mais du tcmps, sans pro–
voquer une ruplure. Pour réussir daos un tcl
dessein il n'y avait ríen de micux que cct état
de querelle obscurc, indécisc, ou l'on se répétail.
indéfinimcnt : Vous armcz... Et vous aussi ...
C'est voús qui avcz commencé... Non, ce n'cst
pas nous, c'est vous... Nous ne voulons pas la
guerre... Nous ne la voulons pas non plus.....
et
aulrcs propos scmblables, fort insignifiants en
apparence, mais fort calculés de
la
part de cclui
qui, avec ces ennuyeux reproches, occupait des
mois enticrs, gagnait de déccmbrc
a
janvicr, de
janvicr
a
févricr, et cspérait gagncr encore jus–
qu'cn juin
18-12.
Or une explication claire et
catégorique dcvait faire ccsscr une situation si
ulilc aux dcsscins de Napoléon, et l'arrivée de
M. de Ncsselrode, en provoquant eetle explica–
tion, ne lui convenait aucunement
1 •
Quelque
adrcsse qu'il pul y mcttre, quelque empirc qu'il
sut prendresur lui-mémc lorsqu'il s'y appliquait,
il était impossiblc qu'avec un homme aussi péné–
trant que
M.
de Nessclrode,
il
ne fiit pasbicntót
amepé 1 un éclaircisscment complet,
1i
une solu–
tion par oui ou par non, aprcs laquelle il n'y
aurait plus qu'i1 marcher tout de suite les uns
contre les aulrcs. Or il lui importail, eomme on
vicnt de le voir, qu'on arrív<it, les
Fran~ais
sur
la Prégcl, les Russes sur le Niémen, avant de
s'élre déelaré la guerre, et en se répélant sans
ccsse qu'il fallait s'cxpliquer, sans pourtant s'ex–
pliquer jamais.
11 forma done la résolution ele donner sur-le–
champ ses derniersordres militaires, et en mcme
ternps il s'y prit de la maniere la plus convenable
pour empéeher M. de Nesselrode de venir
a
Paris, en se gardant toulefois de blesser la
Russie, et de la pousscr 11 une rupture immé–
diale.
JI
voyait le prince Kourakin fort souvent;
il savait, car le bruit en était déja répandu dans
toute l'Europe, que l'envoi de M. de Ncsselrode
ii
Parisétait proclrnin, et il n'en dit mot au prince,
silenee tout
a
fait inexplicable s'il n'étail impro–
batcur de la mission projctée.
JI
ne s'en tint pas
lu : s'cxpliquant sur ce sujet avcc le ministre de
Pl'usse, qui devait néccssairement rccucillir ses
paroles el les mander
i1
llerlin, d'oli le désir
d'ctl'e utile a la cause ele la paix pourrait bien
les fnire arriver jusqu'a Saint-Pétcr;hourg, il ne
dit rico préeisémcnt qui resscmblat
a
l'intcntion
1
Dnns une mntiCrc nussi grnvc, pns plusdureslcquc d:ins
une quilesernitmoins, jc nc\'OlHlrais ricnsupposcr. Mt1is les
lcttres les plus pl'éciscs de Napoléon nux trois ou <¡uatrc
hommes innstis ele sa confiancc, le prince
Eug~ne,
le maré·
de ne pas rcecvoir M. ele Nesselrodc, mais il se
montra froid, relenu, presquc méeontcnt, parut
désapprouvcr l'éclat. donné i1
eellc espi:ce de
mission cxlrnordinairc, car c'élait, sclon lui,
engagcr l'amour-propre des deux puissances,
les rcndre plus difficiles, plus altentives
a
ne ricn
concéder ele lrop. Acette désapprolrntion indi–
rccle de la mission de M. de Nesselrode, il
joignit, dans une occasion asscz importante, une
froidcur marquée pour la légationrusse. Le pre–
mier de l'an, jour eonsacré aux Péeeptions, e'est
a
peine s'il adrcssa la pÓrolcau prince Kourakin.
qui, for't attentif aux petitcs choses, ne manqua
pas de le remarquer, et en eonclul que la mis–
sion de M. de Nesselrodc ou 1•enant trop tard,
ou ne plaisant pas, n'avait paschancede réussir.
Ce qu'il y cut de plus grave cneore, ce ful le
bruit des ordrcs donnés par Napoléon, bruit
toujours suffisant, si petit qu'il soit, pom· frappcr
l'oreille d'un ambassadeur quelque peu informé.
Napoléon avait rceommanelé la discrétion la plus
absoluc, mais tant de gens devaient ctrc daos
la confidcnce, quclques-unsde cesordrcs étaicnt
si difficilcs :\ eachcr par lcur nalure et lcur gra–
vité, gue le mystere, possiblc pour le gros du
public-, ne l'élait pas pom· une diplomatic qui
payait fort bien les lrahisons. En efTct M. ele
CzcrnichcfT, aidc de camp de l'cmpereur Alexan–
drc, som
1
cnt en mission
:1
Paris
1
:wnit achcté un
eommis qui lui livrait les sr.crels les plus impor–
tants du ministcrc de la guerrc. Par ces dil'crses
causes, le princc Kourakin parvint
~
savoir
Lout
ce que Napoléon arait ordonné, et ce qu'il avoit
ordonné ne pouvait laisser aucnn doule sur la
résolution irrél'ocable d'hostiliLés proehaincs.
D'abord il avait prcscrit i1 M. ele Ccssac, dc–
·,1cnu ministre de l'administrntion de In gucrrc,
de préparcr le sénatus-consullc pour la lcl'ée de
la conscription de
1812,
mesure nécessaircmcnt
trcs-signilie;otil'c, puisque les cadrcs ayant déjá
rc~u
laconscripLion de 1811 toutentiere, étaicnt
suffisammcnt rcmplis pour un armemcnt de purc
précaution. Napoléon avait cnsnite elcmandéaux
gouvcrncmcnls nllcmnnds de fournir lcur con·
tingcnt complct, et l'avait cxígé non pns sculc–
ment des principanx d'cntre eux, comrne la Ba–
vicre, la Saxe ou le \Vnrt.cmberg, capaliles de
gardcr un sccrct, mnisde tous les petits princcs,
auxquels on ne pourail s'adresscr sans que le
chal Davousl, M. 1lc Ccssac, M. tic L:mriston lni·mCmc, ne
lal.sscnt aucun
1\011tei:u1·
In réalitéde ce Cíllct11. Nonsencilc–
ronsplus tal'dlies p1·euve•malériellcscl i1Téfragablcs.