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LIVRE QUARANTE-DEUXIÉ!IE.
l'équipagc de siégc. Toutcs dcux rcfoulcrcnt
l'cnncmi dans les ouvragcs de la place. Tarra–
gone présenlait, outrc une garnison
u
peu pres
égaleen nombre i1l'armée assiégeanle, un sitc el
des ouvrages formidables.
Tarragone, balie sur un rocher, d'un colé
baignée par Ja Méditcrranée, de l'autre par le
ruisscau du Francoli, qui passait sous ses murs
pour se rendre
a
Ja mcr, se divisait en rille
haute et ville bassc. (Voir Ja curte n'
~2.)
La
villc haute était cntourée de vicillcs muraillcs
romaincs et d'ouvrngcs modcrnes cFun grand
rclicf. La villc bassc, situéc au picd de la ville
haute, sur les tcrains plals qu'arrosc le Francoli,
el au bor<l de Ja mcr, élait défenc!uc par une
cnceintc bastionnéc, réguliCrcmcnt et puissam–
mcnL forlifiée. Au - clessus de l'amphithéatre
formé par les dcux villcs, on voyait nn fort,
dit ele !'Olivo, baLi sur un rochcr, dominant·
tous les cnvirons de ses fcux, et communiquant
avcc la villc par un aqucduc. Quatre ccnls picces
de gros calibre garnissaicnt ces trois étagcs
de forlificalions. Dix-huit millc bommcs de
troupes cxccllentes, avcc un bon gouvcrncur,
le général ele Conlrcras, en formaienL Ja garni–
son, qu'unc population fanatir¡ucetdévouée était
résolue
u
sccondcr ele loutcs ses forces. La llotlc
anglaisc pouvait sans ccssc rcnouvclcr le
matéM
riel de la place, soit enmunitions, soiL envivrcs,
et y remplaccr les hornrncs morts ou fatigués
par d'aulrcs amenés de Calalognc et de Valcnce.
Jamais siége ne s'élait
done oITcrt
sousun aspcct
plus eflrayant.
De quelque fo9on qu'on abordat Tarragone,
on Ja trouvait égalcmcnt difficilc 1 atlaqucr. Au
sud et
u
J'csl, Je long de Ja mer, on renconlrail
J'escal'pemcnt clu rocher, une suite de Junctlcs
bien conslruites qui l'eliaient l'cnceinte eles deux
vil les
u
la mcr, et en oulrc les flotles anglaises.
Ense transportant au nord, on avait devant soi
non plus l'escarpcmcnt du rochcr, parce quesur
ce point Jesitede Ja place se liaiL aux montagnes
de
Ja
Calalognc, et qu'on pouvail y m>1.¡vcr de
plain-pied en suivant les hauteurs, mais un sol
picrreux et aride, et le fort de l'Olivo, qui
a
lui
seul exigeait un vél'ilablesiége. Enfin, en redcs–
cendanL par l'oucsl ausud, onse lrouvait devant
les dcux villcs construilcs l'unc au-dcssus de
l'aulrc, devanL deux étages de fortifiealions,
dansJcs tcrrainsLas et marécagcux duFrancoli,
a\'CC le grave inconvénicnt des canonniórcs an–
glaises 1 sa droilc. Tous les abords étaient done
extrcmemcnt diffieilcs de quelque eóté qu'on s'y
pril, et obligeaient
á
un long siége, que les Cata–
lans
et
les Valcncicns, amcnés et soutenus par
les Anglais, ne pouvaicnt mnnquer de lroublel'
par ele fréqucnlcs npparilions.
Tant de
diffic~ltés
ne rcbutcrent point Je gé–
néral Suchct, qui regardait Tnrragonc commc
legage Je plus eerlain de la séeurité de la Cala–
lognc et de l'Aragun, et
cGmmc
la ckf de Va–
Jencc. Ses dcux principaux lieutcnants, dont
nous avons
déji1
parlé, partagcaicnt son opinion
1
et étaicnL prcls
a
le scconder de lous leurs
cf101'ls : c'étaient Je général du génie Hogniat,
esprit pcu juste, mais sagacc, opiniatre, pro–
fon<l dans son art, et le général d'artillcric
Valéc , esprit cxact, fin , élcvé, joignant au
eoup <l'reil du. champ de balaillc la prél'oyanec
administrative indispensable aux officicrs de
son arme. Aprós aroir conféré avcc cux, le
général Suchcl résolut d'atlaquer Ja place par
dcux eólés
a
Ja fois, par le sud-oucst d'abord,
c'csl-1Hli1·c par les lcl'rains has du Francoli,
bordan! Ja ville basse, qu'il était nécessairc de
prendrc avant de songcr
a
attaquer Ja villc
haute, el par le nord, c'est-a-dirc par Je fort rle
l'Olivo , qu'il fallait conquérir absolumcnL si
on voulail lriomphcr de lout ecLensemble d'ou–
rragcs.
Tanclis que l'on com111en9ail les travaux d'ap–
proche devanL Javillcbasse, dcux des plus braves
régimcntsde l'arrnéc, les 7°et 16°delignc, sous
un jcunc général de lrcs-g1·andc espérance, le
général Salme, enlreprircnL l'allaquc de !'Olivo.
lis oul'rircut la lranchée devant ce fort dans Ja
nuit du 2'1 au 22 mai. 11 fallaiL cherniner sur
des hnuteurs aridcs, clans un sol picrreux, sans
abri contrc Ja fraicheur des nuils, conlre la cha–
Jeur des jours, conlrc les fcux de Ja place. 11 y
avaiL en avant
de
l'Oli\'o un ouvragc qui gCnait
nos tranchécs, et qui en passanL dans nos mains
dcvaiL leur servir d'appui. Nos soldats s'y préci–
pitcrcnt
a
la ba'ionnelle et l'enlevcrent. Mais les
Espagnols, qui avaicnt forgucil d'Clrc invinciblcs
dans ladéfcnsc eles places, et qui justifiaienL cet
orgucil, rcparurcnt au nombrede
800,
poussant
des cris furicux, et conduils par d'inlrépides
officiersqui Yinrcntplanlcrlcur drapeaujusqu'au
pied de l'ouvrage qu'il s'agissait de rccouquérir.
Les soldals du 7' et du
'l
6° abattirent ces braves
oflicicrs
a
coups ele fusil, et puis, fondant sur
l'audacicuse colonne qui voulaiL Jeur ravir lcur
conqucle, Ja ramcnercnt Ja ba'ionnetle dans les
reins jusquc sous les rnurs de !'Olivo.
Ce fort préscntait une largc su1·facc sanspro-