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LIVRE QUARANTE-NEUVIEME.
nos jeuncs soldats, et qu'une ration de riz les
guérissait tres-vite. On s'cmpara de ttmt ce qu'il
y avait de riz
a
Hambourg,
a
Breme,
a
Lubeck;
on prit de meme les spiritueux, les viandes
salées, le bétail, les chevaux, les cuirs, les draps,
les toiles. Ces matieres furent embarquées sur
l'Elbe, en suivant le procédé que nous venons
d'indiqucr, de prendre
a
l\'Iagdebourg ce qui s'y
trouvait déja, et de le remplacer par des envois
de Hambourg. Tous les bateliers du fleuve, requis
et payés avec des bons sur Hambourg, furent
mis en mouvement des les premiers jours de
juin, dans le moment meme ou, sous prétexte de
fatigue, Napoléon refusait de recevoir M. de
Bubna. Ainsi dans les mains de Napoléon, l'Elbe
était tout a la fois une puissante ligne de défense,
et une source inépuisable d'approvisionnements.
Mais il ne borna pas ses précautions
a
cette
ligne seule. Au dela de Dresde
a
Liegnitz, et en
dc~a
de Drcsdc a Erfurt,
il
voulait avoir aussi
des magasins bien fournis. Profitant de la
richesse de la basse Silésie, sur laquelle était
campée l'armée qui avait combattu
a
Bautzen, et
n'ayant guere
a
ménager cette province'
il
ordonna qu'on employat les deux mois de l'ar–
mistice a réunir une réserve de vingt jours de
vivres pour chaque corps, en confectionnant tous
les jours bcaucoup plus que le nécessaire. En
arriere de Dresde,
a
Erfurt,
a
Weimar, a Lcipzig,
a
Nuremberg, a Wurzbourg, pays saxons ou
franconiens,
il
était chez des alliés, et il n'usa de
l'abondance du pays qu'en payant ce qu'il pre–
nait. Il y ordonna la formation
a
prix d'argent
de tres-grands approvisionnements. Toutefois il
s'écarta de ces ménagements a l'égard de la ville
de Leipzig, qui s'était montrée ouvertement
hostilc. Il prit les tissus de toile et de laine, les
grains, les spiritueux, dont les magasins de
Leipzig étaient abondamment pourvus, et de
plus
fit
occuper les établissements publics pour y
créer des hópitaux. Il
y
joignit la menace de
faire bruler la ville au premier mouvemcnt
insurrectionnel. Les villes d'Erfurt, de Naum–
bourg, de Weimar, de ·wurzbourg, furen t éga–
lement remplies d'hópitaux. Erfurt dont
il
s'était
toujours réservé Ja possession depuis 1809,
Wurzbourg qui était la capitale du grand-duché
de Wurtzbourg, places qui l'une et l'autre
étaient susceptibles d'une certaine résistance,
furent armées, afio d'avoir une suite de points
fortifiés sur la route de l\fayence, si ·des événc–
ments qu'on ne prévoyait pas alors r endaient
une relraite nécessaire, car, ainsi
qu~
nous
l'avons déja fait remarquer, Napoléon, qui dans
ses calculs politiques ne voulait jamais admettre
la
possibi!ité des revers, l'admettait toujours
dans ses calculs militalres. Enfin ne pouvant
trouver qu'en France les armes, les munitions de
guerre, et certains objets d'équipemcnt, tandis
que
les vivres il les trouvait partout,
il
conelut
avec des compagnies allemandes, des marchés,
soldés comptant, pour transporter de Mayence
a
Dresde, par les trois routes de Cassel, d'Eisenach
et de Hof, les objets d'armement et d'équipe–
ment qu'il était impossible de se procurer en
Saxe.
Telles furent les mesures imaginées par Napo–
léou, pour qu'a la reprise des opérations sa ligne
de bataille ftit tou-t
a
la fois fortement défendue,
et largement approvisionnée. Restait un dernier
soin a prendre, celui de proportionner le
nombre des soldats
a
l'étendue que la guerre
allait acquérir, et Napoléon ne l'avait pas négligé,
car dans son vaste esprit toutes les mesures
allaient ensemble, sans attendre que l'une
fit
nailre la pensée de l'autre. Toutes étaient
con~
~ues
simultanément, avec un accord parfait, et
ordonnées sans perle d'une heure.
On a déja vu qu'en se flattant de l'idée que
l'Autriche accéderait peut-etre a ses plans, il
avait pourtant pris ses mesures dans une hypo·
these contraire, et qu'il avait préparé en West–
phalie, sur le Rhin, en Italie, trois armées de
réserve capables d'entrer prochainement eu
ligne. Les deux mois de l'armistice, qu'il voulait
étendre
a
trois mois, étaient destinés a terminer
vers le commencement d'aout cette reuvre com,..
mencée en mars.
En Westphalie c'étaient, comme nous l'avons
<lit, les régiments réorganisés de Ja grande armée
de Russie qui
devaie.ntcomposer deux grands
corps sous les maréchaux Víctor et Davoust,
celui-ci de scize régiments, celui-la de douze.
Les autres régiments de la grande armée avaient
été renvoyés en Italie d'ou ils étaient originaires.
Les bataillons de chaque régiment ne pouvant
etre réorganisés tous a la fois, on avait d'abord
reconsti tué les seconds bataillons, puis les qua–
triemes, enfin les premiers , selon l'époque du
r etom· des cadres, et on avait successivemcnt
composé les divisions de seconds, de quatriemes
et de premiers bataillons, de maniere que chaque
régiment était réparti en trois divisions. Napo–
léon, pressé de faire cesser un état de choses
vicieux, vouiut réunir les trois bataillons déja
prets, et former les divisions par régimcnts, non