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LIVRE
QUAH.ANTE-NEUVIEl\IE.
secoode moiti é du jour. En tra versant les anti –
chamb1;es du palais Marcolini, M. de l\'.Ietternich
les
trouva r empJies de mini stres étrangers, d'of–
fi ciers de tous grades, et rencontra notamment
le prince Berthier, qui souhaitait la paix, saos
I'oser dire
a
Napoléon, et ne savait rnanifesteP
ses désirs qu'aupres de ceux auxquels il aurai t
fallu les cacher. A l'aspect de l\I. de Metternich ,
une sorte d'anxiété parut sur tous les visagcs. Le
prince Bcrthier, en le conduisantjusqu'a l'appar–
tement de J'empereur, Jui <lit: Eh bien, nous
apportcz-vous la paix?... Soyez done raison–
nabJe... terminons cette guerre, car nous avons
besoin de la faire cesser, et vous autaot que nous.
- A ce ton, M. de Metternich put juger que les
rapports de ses espions étaient parfaitement
vrais, que partout en France on désirait ardem–
ment la paix, meme dans l'armée, ce qui malheu–
reusement n'était pas une maniere de disposer
nos ennemis a la conclure. II eut mieux valu en
effet montrer plus d'amour de la paix a Napo–
léon, et moins a l\f. de Metternich ; mais ainsi
sontfaites les cours oú l'on n'ose pas parler: sou–
vent on dit a tout le monde ce qu'il faudrait ne
dire qu'au maltre. M. de Metternich, introduit
dans le cabinet de Napoléon , le trouva debout ,
l'épée au cóté, le chapeau sous le bras, se conte–
nant cornrne quelqu'un qui ne va pas se contenir
longtemps, poli mais froid. - Vous voila done,
monsieur de Metternich, lui dit-il, vous venez
bien tard
!...
Et sur-le-champ, suivant le langage
convenu du cabinet fran1tais ,
il
s'effor~a,
par un
premier exposé de la situation, de mettre sur
Je compte de l'Autriche le temps perdu dep.uis
l'armistice, et il n'y avait pas moins de vingt–
quatre jours écoulés sans aucun résultat, pufo–
qu'on était au 28 juin, et que l'armistice avait été
signé le 4. Puis,
il
fit
un détail de ses r elations
avec l'Autriche, se plaignit d'elle amerement, et
s'étendit fort au long sur le peu de su1'Cté des
rapports avec cette puissance. - J 'ai, dit-il,
rendu trois fois son tróne
a
l'empereur Fran<¡ois;
j'ai meme commis la faute d'épouser sa tille,
espérant me le r attacher, mais ríen n'a pu le
ramener a de meilleurs sentiments. L'année der–
niere, comptant sur lui, j'ai conelu un traité d'al–
liance par lequcl je lui garanLissais ses États, et
par lcqu el
il
me garantissait les miens. S'il m'a–
vait <lit que ce traité ne luí convenait point, je
n'aurais pas insisté, je ne me serais meme pas
eogagé da ns la guerre de Russie . Mais enfin,
il
l'a signé, et aprcs une seule campagne, que les
éléments ont rendue malheureuse, le voila qui
chancelle, et ne veut vius ce qu'il semblait vou–
loir chaudement, s'interpose entre mes ennemis
et moi, p¡rnr négocier la paix,
a
ce qu'il dit,
mais en réalité pour m'arreter daos mes victoi–
r es, et arracher de mes mains des a,dversaires
que j'allais détruire... - Si vous ne teniez plus
a
mon alliance, ajouta Napo1éon, qui commen–
~ait
a s'animer eo parlant ' si elle vous pesait,
si elle vous ent.rainait avec le reste de l'Europe
a
une guerre qui vous répugnait, pourquoi ne
pas me le dire? Je n'aurais pas insisté pour vous
contraindre ; votre neutralité m'aurai,t suffi, et
a
l'heure qu'il est la coalition serait déja dis–
soute. Mais, sous prétexte de ménager la paix on
interposant votre médiation, vous avez armé, et
puis, vos armements term.inés, ou
presq.ueter–
minés, vous préteñcíez me dicter des conditions
qui sont cellcs de mes enoemis eux-memes; en
uo rnot, vous vous posez comme gens qui
so.ntpréts
a
me déclarer la guerre. Expliquez-vous:
est-ce la guerre que vous voulez avec moi ?...
Les hommes seront done toujours incorrigi–
bles
!. ..
les lei;ons ne leur serviront
do.neja–
mais !... Les Russes et les Prussiens, malgué de
cruelles expériences, ont osé, enhardis par les
succes du dernier hiver' venir
a
ma rencontre, et
je les ai battus, bien battus, quqiqu'ils vous aient
dit le contraire. Vous voulez done, vous aussi,
avoirvotre tour? Eh bien soit, vous l'aurez ... Je
vous donne rendez-vous
a
Vienne, en octobre.-
Cette maniere si étrange de traiter, cette
fa<;on méprisante de qualifier un mariage dont
au reste il ne paraissait nullement faché comme
homme privé, offensa et irrita l\L de MetLernkh,
sans lui imposer beaucoup, car une fermeté
froide luí aurait causé bien plus d'imp11ession1.
-:--- Sire, répondit-il, nous ne voulons pas vous
déclarer la guerre; mais nous voulons mettrc fin
a
un état de choses devenu intolé;rable pour
l'Europe, a un état de choses qui nous menace
tous, a chaque instant ' d'un houleversement
universel. Votre Majesté y est aussi intéressée
que nous , car la fortune pourrait bien un jour
vous trahir, et daos cette mobilité effrayante
des choses,
il
ne serait pas impossiple que vous–
meme rencontrassiez des chances fatales. -1\fais
que voulez-vous done, reprit Napoléon, que
venez-vous me demander? - Une paix, ajouta
lU. de 1\Ietternich, une paix nécessaire, indispen–
sable, une paix dont vous avez besoin autant que
nous, une paix qui assme votre situation et
la
nó tre... - Et alors, avec des ménagements in–
finis, insinuant plutót
q.u'énon~ant
une condi-