DRESDE ET VITTORIA. -
JUIN
i8i3.
91S
Cette mémorable entrevue, qui a e décida pas
la question de la paix et de la guerre , ainsi qu'on
Je verra bientót, mais qui
fit
éclater d'une
maniere si peu opportune les dispositions inté–
rieures de Napoléon, cetle mémorable entrevue
avait duré cinq
a
six heures. ll était presque nuit
lorsqu'elle se termina'
a
ce point que les deux
interloeuteurs pouvaient
a
peine distinguer les
traits l'un de l'autre. Napoléon ne voulant pasen
quittant
M.
de Metternich se séparer brouillé,
luí dit quelques mot.s plus doux , et luí assigna
un nouvcau rendez-vous pour les jours suivants.
La longueur de l'entretien avait fort préoceupé
les habilués de l'antichambre impériale. L'anxiété
des visages était plus grande encore que lorsque
l\L
de Metternich était entré. Le major général
Berthier, accouru pour savoir quelque chose de
ce qui s'était passé, demanda
a
l\f. de Metternich
s'il était content de l'Empereur. - Oui, répon–
dit le ministre autrichien, j'en suis content, car
il a éclairé ma conscience, et, je vous le jure,
votre rnaitre a perdu la raison !
Ce n'était pas la violence de cet entretien qui
en cette occasion avait causé le plus de tort aux
affaires de l'Empire, c'était
la
triste conviction
que Napoléon avait du laisser daos l'esprit de
M. de Metternich, que jarnais
il
n'accepterait les
conditions si rnodérées dans lesquelles l'Autri–
che s'était renfermée. Heureusement néamoios,
1\1.
de Mettcrnich, attachant sa gloire et sa sureté
a
obtenir par la paix les conditions qu'il croyait
indispensables, était homme
a
sacrifier l'orgueil
a
la politique ' et
a
ne pas prendre
f
eu tan t qu'il
restcrait une chance deréussir; Napoléon pouvait
des lors donner carriere a son humeur, pourvu
qu'au dernier moment
il
cut un retour de bon
seos, et qu'il agréat la paix encore si prodigieu–
sement belle qu'on lui offrait. Les cxplosions de
son caractere, on était tout pret a les pardonner
a son génie et asa puissance, et on aurait volon–
tier supporté un désagrément pour un grand
résultat. Du reste, quand ou avait souffert de
son humeur impétueuse, on était promptement
dédomrnagé, car lorsqu'il s'était livré
a
ses pas–
sions,
il
en était honteux, revenait bien vite, se
tion les plus certoins. 11 se contenta d'en parler a
i\I.
de Bos-
ooo, qu i plu tnrd ful l'auteur des diver e versions pobliées
par des écrivains avec lesquels il était lié. Cet entretien mé–
morable crnit done
a
peo pres perdu, i
i\I.
de letternich
n'en avait éel'it lui-méme, avee le plus g1·and détail, et en
temps utile, toutes le particulnrités. Ayant oblenu de son
obligeuuce In commuoicntion de ce récit, qui m'a pnru trop
óvere pou1· Nnpoléoo, mais géoéralement exuct, j"ai conservé
dnns ce qu'on r ient de Jire tout ce qui ro a semblé inconte La-
hatait de caresser ceux qu'il avait le plus blessés,
et leur prodiguait les séductions pour leur faire
oublier ses écarts. La situation que nous retra–
c¡ons devait bientót en fournir un nouvel exem–
plc.
A peine s'était-il séparé du ministre autrichien
qu'il était déja plein de regret de s'etre autant
abandonné
a
son emportement naturel' car
il
n'avait obtenu de ceLte entrevue rien de ce qu'il
s'était promis. Loin de pénétrer les secrets du
ministre autrfohien,
il
luí avait r évélé les siens
en lui Jaissant voir l'obstination invincible de son
orgueil, et il avait nui surtout
a
son principal
dessein, celui de faire prolonger l'armistice, en
monlrant trop clairement que cet armistice ne
conduirait point a la paix. Aussi ordonna-t-H
sur-le-champ a M. de Bassano de courir apres
l\I.
de l\'Ietternich, et de lui parler de l'objet essen–
tiel, dontil n'avait pas étéditgrand'chose daos l'en–
trcvue, c'est-a-dire de Ja médiation autrichienne,
de sa forme, de ses conditions, du délai dans
lequel elle devrait s'exercer. M. de Metternich
avait meme pu croire qu'elle était refusée, au
langage de Napoléon. Pour détruire cette idée,
M. de Bassano eut l'ordre d'entreprendre, de con–
ccrt avec
l\f.
de Metternich, la rédaction d'une
com:ention relative au mode de
1a
médiation, ce
qui prouverait au ministre autrichien que, maJgré
.les emportements de Napoléon, tout n'était pas
pcrdu, et que la résolution de repousser tout arbi–
trage pacifique n'était pas définitivement arretée
dans
la
pensée du gouvernement franc¡ais.
La journée suivante fut en effet consacrée par
MM. de Mettcrnieh et de Bassano
a
débattre la
question de la médiation, et
il
ne fut plus ríen
dit de ce traité d'alliance, dont on avait eu la
maladresse de fournir a l'Autricbe le moyen de
se dégager un article apres l'autre, et dont les
tristes restes ne valaient pas Ja peine qu'on s'ir–
ritat pour les sauver. On parla uniquement de la
rnédiation , de la maniere dont elle s'exereerait,
et du sentiment que l'Autriche y apporterait
a
l'égard de la France. M. de l\Ietternich renouvela
l'assurancc d'une médiation toute partiale pour
nous, mais parut tenir heaucoup
a
la forme qui
ble, d'aprcs la connais anee que j'avuis des négociations du
moment, et d'apres les autres réeits publiés par les écrivains
auxquels
i\I.
de Bas ano avait communiqué ses souvenirs. Je
n ai, comme daus toutes les occasions semblables, conservé
que
ce que j'ni con idéré comme
a
l'abri de toute contestation.
Ce qui est incontestable me parai ai t d'ailleurs suffisant pour
donocr. de cetle scene historique une idée qui
füt
á
la fois
exacte et complete.