98
LIVIlE
Qt!.
ANTE-NEUVIEl\1E.
en les lui faisant connaitre, il s'ex prima au sujet
de la prolongation de l'armislice comme ;\ l'égard
d'une chose qui allait de soi, et ne communiqua
point son acecptalion officielle par les souverains
de
Prus~e
et de Russie.
Ricn ne convenait mieux
a
Napoléon que des
délais dont
il
n'était pas l'auteur. Il
fit
répondl'e
comme s'il se résignait au lieu de se réjouir.
Dcpuis que la cour d'Autriche s'était transportée
de Víenne aux environs de Prague,
il
avait rap–
pclé
a
Dresde
1\1.
de Narbonnc, l'y avait retenu
quclques jours , et puis l'avait expédié de nou–
veau pour qu'il continuat
a
Prague ain.§L qu'a
Vienne son róle d'ambassadeur. Napoléon le
cbargea d'cxprimer des re.grets au sujet du der–
nicr retard, et en meme temps de se plaindre de
la négligcnce qu'on paraissait mettre a communi–
quer officiellcment le consentement donné a la
pro!ongation de l'armistice, comme si ce concen–
tement avait pu ctre douteux.
Il
l'autorisa de plus
a déclarer que, lorsque les négoeiateurs russe et
prussicn seraient coonus et partis pour leur
destination, la France désignerait et ferait partil'
ses négociateurs, et d'insinuer que ce seraieut pro–
bablement
Mi\!.
de Narbonne et de Caulaincourt.
Tandis qu'il adressait ces réponses, Napoléon
se proposait de tirer des <lélais ímprudents aux–
qucls l'Autrichc s'était pretée, de nouveaux
délais qu'il rattachcrait adroitement a eeux dont
il
n'était pas cause. Depuis longtemps
il
avait
projeté ccrtaines,excursions pour visiter, suivant
son usage, les licux qui allaient devenir le
théatre de la guerre, et il voulait, s'il en avait
le loisir, parcourir les bords de l'Elbc depuis
Koonigstein jusqu'a Hambourg, aller meme pas–
ser quclques jours a l\layencc avec l'Impératrice,
qui était impatiente de le revoir, et
a
laquelle
il
désirait donner des témoignages publics d'affee–
tion.
En
se montrant tendre et soigneux pour
l\Iarie-Louisc,
il
augmentait pour l'empereur
Frani;ois la difficullé d'oublier les liens de pater–
n ité qui l'unissaient
a
la
France.
11
résolut de
commencer par la plus utile de ces excursions,
par eelle qui devait luí procurer la vue des points
importanls de Torgau, de Wittenberg, de Mag–
debourg. On était arrivé au
8
juillet. Napoléon,
qui n'avait aucun doute sur la réunion des
plénipotentiaires russes et prussiens
a
Prague, le
1
12
au plus tard, aurait pu nommer les siens,
rédiger leurs instructions et les faire partir, ou
Jes tcnir prets
a
partir au prcmier signal. Eut-il
meme fallu différer de quelques jours ses excur–
sions, il l'aurait du, car aucun intéret n'égalait
en ce moment celui d'une prompte réunion du
congres, et d'ailleurs les inspections locales
auxquelles il voulait se livrer, les revues de
troupes qu'il se proposait de passer, n'auraient
pas eu moins d'utilité pour etre retardées d'une
semaine. Au contraire, en prenant patienee
encore un jour,
il
aurait rei;u de Prague les
eommunications qu'il se plaignait de n'avoir pas
rei;ues,
il
aurait eonnu les plénipotentiaires
désignés, l'époque précise de leur réunion, et
l'acceptation formelle du nouveau terrne assigné
a l'arrnistice. .Mais
il
lui convenait mieux de se
dire contraint
a
s'absenter immédiatement, paree
qu'alors
il
n'était tenu de répondre qu'a son
retour, et les quatre ou cinq jours qu'il allait
gagner ainsi pouvaient etre considérés comme
une eonséquence au temps qu'on avait perdu
du
!)
au 12 juillet. 11 déclara done tout a coup_
qu'ayant différé son départ jusqu'au
9,
sans
avoir ríen rei;u de Prague,
il
se voyait obligé,
par les affaires urgentes de son armée, de quit–
ter Dresde le
1O. En
meme temps, de peur de
donnér
a
ses ennemis le moyen de le faire
enlever par une troupe de cosaques, malgré
l'armistice,
il
ne <lit pas oú
il
allait, certain que
lorsqu'on apprendrait qu'il était quelque part,
il
n'y serait déji1 plus.
ll
ne dit pas non plus combien
il
resterait absent, laissant espérer que ce serait
trois jours au plus, que par conséquent on n'au–
rait pas 'beaucoup
a
attendre les r éponses que
son départ ajournait inévitablement. La diplo–
matie autrichienne ayant ainsi perdu huit jours
involontairement,
il
allait en pcrdrc encore tres–
volontairement quatre ou cinq, ce qui devait
remettre la réunion des plénipotentiaires, fixée ·
d'abord au
!5
juillet, puis au 12,
a
une nouvellc
époque qui n'était pas déterminée.
Le
10
juillct au matin, il partit done pour
Torga u en toute háte, ne prenant point un vain
prélexle qu and il disait s'absenler pour des
affaires importantes, et ne trompant que sur
l'urgence de ces affaires.
Au moment meme ou
il
quittait Dresde, on y
apprenait les derniers événemcnts d'Espagne,
qui, bien qu'on dut les prévoir d'apres ce qui
s'était passé; n'en devaient pas moins causer une
surprise bien agréable pour nos ennemis, bien
douloureuse pour nous, et d'une influence
fu neste pour l'ensemble de nos affaires.
JI
faut
faire connaitre ces événements, qui par
leurs conséquences poliliques se lient nécessai–
rement a ecux dont l'Allemagne était alors le
théatre.