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LIVRE QUARANTE-NEUVIEME.
J'occupation de toutes les routes par les bandes
insurgées. 11 en coutail beaucoup
a
Joseph,
comme nous venons de le dire, cl'abandonner
Madrid, car son autorité sur les Espagnols, ses
finances, et les familles des afrancesados, allaient
égalcmen t en souífrir. Mais déja sa r aison et Je
maréchal
Jourd.anlui avaient dit qu'il fallait se
résoudre
l1
ce sacr ifice. Les ordres de Napoléon
ne servirent qu'a l'y déterminer définitivemcnt.
I\Iieux cut valu saos doute le faire plus tót, car
les tro upes qu'on nllait preler au général Clausel
sernient redevenues libres plus promptement,
mais Joseph, quoique inclinant par bon sens a
celte résolulion, n'avait pu s'y décide-r- qu'a la
dernicre extrémité. En conséquence
il
ordonna
la translation ele sa cour et de son gouvernement
a
Valladolid, mais en laissant une division a
Madrid. La masse des blessés et des malades a
évacuer (il
y
en avait neuf mille), du matéríel a
mettre en surcté, des familles de fon clionnaires
a
transporter' étai
t
si grande, que cette évacua–
tion exigea pres d'un mois. Le nouvel étaLlis e–
mcnt ne fut pas terminé avant le commence–
ment d'avril. Les troupes furent distribuées de
la maniere suiv:mtc. (Voir la carte nº
4·5. )
L'ar–
rnée de Portugal fut transférée de Salamanque a
Burgos. Elle avait été réduite, par le r envoi des
cadrcs inutiles et le versemcnt de l'eífectif dans
un moindre nombre de régimen ts, de huit divi–
sions
a
six, et elle y avait gagné eo 01·ganisation
ce qu'elle avait perdu en force numérique. Trois
de ces divisioos furcnt envoyées au général
Clausel pour l'aider
a
soumettre les bandes; une
fut
relenue a Burgos; deux furent échelonnées
en avant de Palencia, pretes
a
soutenir la cava
lerie le long de l'Esla , et observant l'armée
espagnole de la Galice. L'arméc d'Andalousie,
lransportée de la vallée du Toge daos cellc du
Do uro , et se liant par sa droite avec celle de
Portugal, occupa le Douro et la Tormes pour se
tenir en garde contre l'armée anglo-portugaise
campée daos le Béira. Elle occupait Zamora,
Toro, Salamanq ue, Avila. Une de ses divisions,
celle du génér al Leva!, fut laissée a Madrid , pour
conliouer l'occupalion apparente de la capitale,
et en pcrcevoir les produils. Enfin l'une des
deux divisions de l'armée du Centre fut établie
a
Valladolid mcme, l'autre
a
Ségovie, afin d'ap–
puycr la division Leval, qui reslait en l'air au
milicu de la Nouvelle-Castille.
Ces trois armées, qui au rnois de janvier pré–
sentaient encore 86 mille hommes aguerrís, dont
12
millc de superbe cavalerie, n'en comptaient
plus en avril que 76 mille, par suite du départ
des cadres et des hommes d'élite que Napoléon
avait appelés en Saxe. Leur division en lrois
armées oífrait bien des inconvénients, car mal–
gré la révocation des chefs qui avaient opposé
a
l'a utorit.é de Joseph de si funestes résistances,
il
rcstait encore dans les trois états-majors des ten–
dances
a
l'isolcment, des habitudes d'exploiter
le pays pour le compte de chaque armée·, extre–
mement dangereuses. Fondre ces armées en une
seu!e, bien compacte, placer celle-ci sous un
chef unique, tel que le général Clausel, aussi
vigoureux sur le champ de bataille que soumis
a
l'état-major royal, la réunir tout entiere entre
Valladolid et Burgos , lui procurer du repos ,
réparer son matériel , composer ses magasins,
eut été probablement un moyen de tout sauver.
l\falheureusement on n'en
fit
ríen.
On laissa les t.rois armées séparées, car Napo–
léon n'aurait pas vu avec plaisir la réunion dans
les mains de Joseph d'une pareille masse de for–
ces. Chaque étal-major conserva ainsi ses pré–
tentions, et quand, par le conseil de Jourdan ,
Joseph ordonna aux administrations de ces trois
armées les mesures nécessaires pour la création
des magasins, chacune d'elles refusa d'obéir
a
l'état-major général. 11 fallut un ordre nouveau
de Paris, qui mit plus d'un mois
a
parvenir a
Madrid, pour obliger chacun des trois inten–
dants
a
déférer aux injonctions de l'intendant en
chef. Le temps le plus précieux pour la forma–
tion des approvisionnements fut ainsi perdu.
Enfin, apres avoir envoyé trois divisions de l'ar–
mée de Portugal au général Clausel pour l'aider
a
soumettre les bandes,
il
fallut lui en expédier.
une quatrierne·, puis en acheminer une cinquieme
jusqu'a Briviesca, de maniere que le général
Reille n'en conserva qu'une avec lui. Il dut meme
la partager en deux, et placer l'une de ses bri–
gades
a
Burgos, l'aufre a Palencia, derriere la
cavalerie qui gardait l'Esla. On n'avait done,
si les Anglo-Portugais arrivaient brusquement,
que deux des trois armées
a
leur opposer, et déja
le bienfait de la concentration, auquel on avait
du, apres la malheureuse bataille de Salamanque,
le rétab!issemcnt de nos affaires, était presque
annulé. Si encore ces renforts envoyés au géné–
ral Clauscl l'avaient mis en mesure d'anéantir
les bandes de guérillas, le mal de la dispersion,
quoique irréparable, n'aurait pas été saos eom–
pensation. :Mais celte Vendée espagnole était
aussi difficile a vaincre que l'avait été la Vendée
fran <¡aise, et
il
devenait évident que la force sans