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LIVRE QUARANTE-NEUVlEME.
tout o_n ne l'aurait pas puni d'avoir prise. Jour–
dan se consolait trop de tout ce qu'il voyait par
le mépris peu dissirnulé d'un honnele homme;
Joseph se désolail, mais les choses n'en suivaient
pas moins leur cours parfois heureux , plus
ordinairement malheureux, et destiné
a
devenir
désastreux daos un temps lres-prochain.
C'est ainsi que lord Wellington, en marche
des le
·11
mai pa1· sa gauche, le 20 par sa droite,
trouva l'arméc d'Andalousic dispersée de l\Iadrid
a
Salamanque, celle du Centre de Ségovie
a
Valladolid , celle de Portugal de Burgos
a
Pam–
pelune.
Le prcmier soin dcvait etre de rappeter de
l\Iadrid la division Leval, et de luí faire repasser
le Guadarrama pour
Ja
transporter
a
Valladolid.
Le général Gazan aurait pu en donner l'ordre
sur-le-champ, mais comme
il
s'agissait d'aban–
donner définitivement la capitalc, il crut devoir
venir,
a
Valladolid meme, s'en entendre avec
Joseph. On perdit ainsi deux jours. L'autorisa–
tion d'évacuer fut cxpédiée le 2!> de Valladolid.
En meme temps on cnvoya
a
toutes les troupes
sur les lignes de la Tormes, du Douro, de l'Esla,
l'ordrc de rétrograder lentement, afin de ména–
ger
a
la division Lcval le temps de se replier, et
comme le général Reille n'avait pour appuyer
sa cavaleric le long de l'Esla qu'une des deux
brigades de la division l\faucune, on lui preta
une division de l'armée du Centre, celle du géné–
ral Darmagnac. On laissa Je reste de l'armée du
Centre échclonné sur Ségovie pour recucillir la
division Leval. L'arméc d'Andalousie, la plus
entiere des trois,dutsc retirer de Salamanquesur
Tordesillas (voir la carte nº 45), en cédant le ter–
rain pcu
a
peu, afio que toutes nos troupes dis–
persées eussent le temps de se concentrer. A ces
mesures, dictées par la situation, on en ajouta
une derniere, ce fut d'averfir le général Clausel
de l'approche des Anglais, de luí redemander
les cinq divisions de l'armée de Portugal, de
l'engager
a
venir lui-meme avec quelques trou–
pes de l'armée du Nord, afin d'avoir au moins
80 mille hommcs
a
opposer aux Anglais. Enfi n
011
écri vit au ministre de Ja guerrc Clarke, pour
lui faire connaitrc l'état des choses et le prcs–
scr d'ordonner de son coté la concentration des
forces. Ce ministre, demeuré seul
a
París depuis
que Napoléon était parLi pour l'Allemagne, ne
savait que répéter sans discernement les ordres
de l'Empereur, qui presc1-ivaient, comme objet
essentiel, de rétablir les communications avcc
la France, de rester maitre avant tout des pro-
(
¡
vinces du nord, et de prcndre une attitude
offensive
a
l'égard du Portugal, afio de détour–
ner les Anglais de toutc tentative -contre les
cotes de France. Quelques jours meme avant
l'apparition des Anglais, il n'avait pas craint
d'ordonner l'envoi en Aragon d'une nouvelle
division de l'armée de Portugal, pour maintenir
les commuoications avec le maréebal Suchet. 11
n'y avait done pas grand secours
a
attendre du
duc de Fellre. Le seul service qu'il put rendrc,
c'était de transmettre de son coté au général
Clausel !'avis de la marche des Anglais, ce qui
n'était pas indifférent, car, malgré tout ce
qu'on avait fait pour communiquer surement
avec l'armée du Nord, on n'était pas certain d'y
réussir avant trois ou quatre scmaines. Au sur–
plus, le général Clausel était si bon compagnon
d'armcs, et comprenait si bien l'importancc de
battre les Anglais, qu'aussitot averti il ne pou–
vait manquer de renvoycr les divisions de l'ar–
mée de Portugal, et de venir lui-meme avec les
troupes disponibles de l'armée du Nord.
Heureusement pour les premicrs jours de la
campagnc, on avait affaire
a
un ennemi solide,
mais eirconspcct, et nos soldats, aussi vaillants
que bien commandés, n'étaient pas faciles
a
déconcerler. Le général Reille rccueillit sa
cavalerie, se retira en bon ordre sur Palencia,
et avcc la division d'infanterie Maucune, la seulc
qui lui restat, avec
In
division Darmagnac qui
lui avait été pretée, mit hors d'atteinte la route
de Valladolid
a
Burgos, laquclle était la ligne
de retraite de l'armée . Le général Villatle,
placé sur la Tormes,
la
défendit vaillamment,
meme trop vaillamment, car s'il était utile de .
retardcr l'ennemi, il était dangercux de préten–
dre l'arreter, et il perdit ainsi quelques eentaincs
d'hommes, mais apres en avoir fait perdre
beaucoup plus aux Anglais. Grace
a
cettc attitude
et
a
la prudente lenteúr de lord Wellington, le
général Lcval put évacuer Madrid, et repasser
sain et sauf le Guadarrama, ramenant avec lui
les dcrniers restes de notrc établissement
a
Mad rid. Il rejoignit J'armée du Centre
a
Ségovie.
Le 2 jui n
011
se trouvait dans les positions
suivantes : le général Rcillc entre Rio-Seco et
Palencia avec sa cavaleric el dcux divisions;
l'armée d'Andalousic
a
Tordesillas sur le Douro,
avec ses quatre divisions; enfin l'armée du
Centre
a
Valladolid avec une division
fran~aise
et une cspagnole. C'était un total d'environ
o2
mille hommes , au licu de 76 millc qu'on
aurait pu réunir, si on n'avait pas silót renoncé .