DRESDE ET VITTORIA. -
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les moyens moraux et politiques serait insuffi–
sante pour y réussir. .
La marine anglaise, cótoyant sans cesse le
rivage des Asturies de Santander a Saint-Sébas–
tien,
y
versant des armes, des munitions, des
objets d'équipement, des vivres, concourant
a
l'attaque ou
a
la défense des postes maritimes,
apportait aux insurgés un secours qui doublait
Ieurs moyens et leur audace. Porlier , Campillo,
Longa, Mina, Mérino, lantót réunis, tantot sépa–
rés, toujours bien informés, évitaient nos colon–
nes des qu'elles étaient en nombre, ne les abor–
daient que lorsqu'elles s'étaient divisées pour
courir apres eux, et alors avaient l'art de se
rejoindre pour les accabler. Ils n'avaient rem–
porté nulle part d'avantages considérables, mais
il
avaient détruit jusqu'a deux bataillons
a
la
fois, notamment a Lerin, et bien que le général
Clausel eUt cinquante mille hommes a leur oppo–
ser' qu'il mit la plus g'rande activité a les pour–
suivre, il ne parvenait que rarement
a
les attein–
dre, et presque jamais a garantir les communi–
eations, parce que, pour garder efficacement les
routes,
il
eut fallu en occuper tous les points, ce
qui ét.ait absolument impossible. Le général
Clausel avait repris Castro sur le bord de la mer,
rendu les Anglais circonspects , traité Mina
rudement, ravitaillé Pampelune, actes fort méri–
toires sans doute, mais de peu d'importance
pour les affail'es générales de la Péninsule. Il n'en
fallait pas moins trois
a
quatre mille hommes
d'escorte pour voyager en sureté de Bayonne a
Burgos, si l'objet ou le personnage escorté atti–
rait l'attentioñ de l'ennemi; et en attendant,
pour un si mince résultat, on consumait les for–
ces des troupes qui étaient la derniere ressource
qu'on put opposer aux Anglais.!
Tandis qu'on s'épuisait de la sorte en courses
inutiles, les mois d'avril et de mai s'étaient écou–
Jés, et le moment des grandes opérations étant
venu, lord Wellington avait quitté ses canton–
nements. Il entrait en campagne avec 48 mille
Anglais, 20 mille Portugais, 24 mille Espagnols,
ces derniers mieux armés, mieux vetus que de
coutume:
il
avait ainsi plus de 90 mille hommes
a
sa disposition. Son intention était de faire pas·
ser d'abord l'Esla par sa gauche, que comman–
dait sir Thomas Graham, et de n'aborder avec
son centre et sa droite la ligne du Douro, plus
difficile- a forcer, que lorsque sa gauche se trou–
verait par le passage de l'Esla sur les derrieres
des Franc.;ais qui défendaient le Douro. (Voir la
carte ne 45.) Cette fois
il
marchait avec un pare
d'artillerie de siége, et n'était plus exposé a
échouer dcvan t un ouvrage comme le for t de
Burgos.
Le H mai sa gauchc exécuta un premier mo u–
vement, et se répandit le long de l'Esla. La ca–
valerie du général Reille, n'étant soulenue que
par une brigade d'infanterie, n'avait pu se mon–
trer ni hardie ni vigilante, et l'Esla était passé
avant qu'elle füt en mesure de le savoir ou de
l'empecher. Les Anglais ne se haterent pas de
nous pousser vivcment, car une aile ne voulait
pas marcher sans l'autre, et vers le 20 mai
seu~
lement lord Wellington, avec sa droite, se porta
sur Salamanque et la Tormes. Le 24 il fu t signalé
au général Gazan comme s'avanc.;ant a la tete de
forces considérables.
L'armée frarn;aise, qui aurait
du
etre prete et
concentrée des le
1
er
mai aux environs de Valla–
dolid, se voyait surprise dans la situation la plus
fücheuse. Sans doute le maréchal Jourdan plus
jeuoe, Joscph plus actif et plus décidé, n'au–
raient pas souffert que les choses restassent dans
l'état ou l'ennemi allait les trouvcr. Ainsi,
malgré !'extreme difficulté eles informalions en
Espagne, ils auraienl táché de se tenír plus au_
courant des mouvements des Anglais; malgré
les ordres de l'Empereur, qui apres tout étaient
des instructions plutót que des ordres, ils
auraient pu,
a
l'approche du danger, rappe1er
les dívisions de l'armée de Portugal pretées au
général Clausel, attirer au pres d'eux ce général
lui-meme, seul capable de commander en chef
daos une grande bataille; ils auraient pu au
moins concentrer davantage les armées d'An–
dalousie et du Centre, et ce qui restait de celle
de Portugal; en fin, malgré la résistance des
administrations particulieres, qu'il fallait briser
au besoin, ils auraient pu créer
a
Burgos les
magasins sans lesquels
il
était impossible que
daos un tel pays on manomvrat en liberté. Mais
Jourdan, dégouté du régime impérial dont
il
voyait de si pres les abus, d'une guerre dont
il avait depuis longtemps prédit les funestes
conséquences, se ressentant déja des effets de
l'áge, retenu seulement par son affection pour
Joseph, et
n'~spirant
qu'a rentrer en France, se
contentait de signaler avec un rare bon scns les
fautes qu'on allait commettre, et ne savait pas
communiquer a Joseph le courage de les préve–
nir. Joseph, jugeant avec discernement le vice
des choses, savait s'irriter quelquefois contre
son frere et jamais lui désobéir, ni prendre,
comme général
~t
comme roi, l',llutorité qu'apres