DHESDE ET VITTOIUA. -
JUIN
18! 5.
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Aprcs la réunion des trois armées du Centre,
de Portugal et d'Andalousie, la situation des
Fran~ais
daos la Péninsule offrait encore bien
des chances favorables. Le maréchal Suchet,
se niaintenant par son corps le plus avancé
a
Valeoce, et par deux autres corps en Catalogue
et en Aragon, était maitre de la partie de l'Espa–
gne la plus essentielle pour nous, et en avait
toutes les places fortes en sa posses ion. Le roí
!oseph était
a
Madrid avec l'armée du Centre,
ayant devant lui , r épandue sur Je Tage, de
Tarancon
a
Almaraz, l'armée d'Andalousie, et
sur sa droitc en arriere, entre la 'formes et le
Douro, l'armée de Portugal. Dans cette position,
il
n'avait ríen
a
craindre' si' persistant
a
tenir
ensemble ces forces récemmcnt réunies,
il
était
toujours prct
a
tomber en masse sur les Anglais
a
lcur prcmiere apparition. Ces trois armées, en
janvier
t815,
présentaient
86
mille hommes de
toutes armes, comprenaot le reste de ce que la
France avait envoyé de meilleur en Espagne. Déli–
vré des résistances du maréchal Soult que Napo–
léon avait emmené avec lui en Allemagne, débar–
r assé aussi des entetements du général Caffarelli,
il pouvait se promettre une exécution plus fid ele
de ses ordres. Par suite de ces changements, le
géuéral Clauscl commandait l'armée du nord, le
général Reille cclle de Portugal, le comte d'Erlon
celle du Centre, le géoéral Gazan celle <l'Anda–
lousie. Saos le redoutable eífet produit par les
événements de Russie, la situation de Joseph
n'eut pas été mauvaise. l\iais ces événements
avaient singulierement excité les esprits, et
réveillé chez les Espagnols l'espérance d'etre
prochainement délivrés de notre domination.
Les cortes de Cadix gouve'.rnaient loujours
assez confusémcnt, mais avec un ardent patrio–
tisme, les affaires de l'iosurrcction cspagnole, et
lord We:llington, avec beaucoup de suite et de
fermeté, celles de l'insurrection portugaise. Les
cortes avaient, comme nous l'avons rapporté
ailleurs, terminé leur constitLttion, et, copiant
exactement celle que la France s'était donnéc
en
179!,
elles avaient adopté une chambre uni–
que et un roi pourvu seulernent du véto suspen–
sif. En attendant que ce roí put leur etre rendo,
les cortes prétendaient représenter la souverai–
ncté tout entiere, s'étaierH attribué le Litr·e de
l\'Iajesté, et accordaient celui d'Altesse
a
une
régence élective, composée de cinq memhrcs·, et
investie du pouvoir c:itécutif en l'absence de
Ferdinand VII. Les cortes avaient contre el.Jcs,
outre les Fran<;ais et les rares partisans de
Joscph , tous les amis du vieux régime qu'elles
avaient aboli, et se lrouvaient sans ccsse en con–
flit avec la régence, suspccte
a_
leurs yeux parce
qu'elle avait été composéc de grands personnages
du clergé et de l'arinée. C'est ce qui explique
pourquoi Séville et to ute l'Aodalo usie étant abun–
donoées par les
Fran~ais,
les cortes avaicnt
mieux aimé demcurcr au milieu du peuple de
Cadix, plus confiantes dans le pcuplc de celte
ville que dans aucun autre. Sans les malheurs
de Russie, saos la défaite de Salamanque, Joseph,
moins contrarié, mieux pourvu d'argent, aurait
pu avec le temps tirer un grand parti des divi-
sions des Espagnols.
·
En ce momen t une question avaitfor t ajouté
a
ces divisions, c'était celle du commandement <les
armées. Les succes de lord Wellington, et surtou t
les qualités qu e l'armée portugaise avait déployées
sous ses ordres' avaient suggéré
a
certains
membres des corles l'idée de lui offrir le corn–
mandemeot en ch ef des troupes esp:-1gnoles .
L'esprit indépendan t et jaloux de la nation avait
d'abord opposé des obstacles
a
ce projet, mais
l'espé1·ance de voir l'arméc espagnole égaler hien–
tót et surpasser meme l'armée portugaise, et en
particulier la victoire de Salamanque, avaient
fait taire to utes les répugnances, et on avait
nommé lord W ellington généralissime. Cet illus–
tre personnage avait mis
a
son acceptation deux
condilions, la premiere qu'il obliendrait l'assen–
timen t de son gouvernement, et la seconde qu'il
exercerait sur l'organisation et les mouvements
de l'armée espagnole une autorité absolue. Le
cabinet britannique ayant tout naturellement
consentí
a
ce qu'il acceptat l'autorité qu'on lui
oífrait,
il
s'était transporté
a
Cadix pcndant l'hi ·
ver, pours'entcndt'eavec la régence surtoutes les
questions que soulcvait son futur commande–
ment. Accueilli avec de grands honneurs, mais
attaqué en meme temps par les journaux organcs
des jalousies nationales, il avait plus d'uuc fois
r egretté de s'etre exposé
a
un semblable traite–
ment, et aurait rneme refusé le généralat, s'i1
n'avait craint par son r efus de porter un coup
funeste
a
l'insurrection. On lui avait pourtant
nccordé
a
peu pres l'autorité qu'il désirait, mais
il craignait fort de ne pas tirer grand partí des
Espagnols, faute d'argent et faute de bons offi–
ciers. On lui promettait !'argent, sans moycn de
le fourrlir, et quant aux officiers, íl aurait en
vain voulu suppléer
a
ceux qui luí manquaient
par des officiers aoglais. Jamais l'ar>t:née espagnole
n'aurait souffert , malgré l'exemple de l'ar·mée
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