{00
LIVRE QUARANTE-NEUVIE.l\JE.
porlugaise, qu'on lui donna t Jcs étrangcrs pour
la conduire. Il élait parti du r este cncore plus
applaudi qu'attaqué , et r ésolu
a
s'occuper pres–
quc exclusivemcnt de l'armée espagnole de
Gnlice, qui devait servir sous ses ordres immé–
dials.
Revenu
a
Fresnada, sur la fronti ere nord du
Portugal,
il
avait employé tout l'hi ver
a
préparer
Ja campagne prochaine. Son proj et était d'avoir
environ 41) mille Anglais, supérieurement orga–
nisés, 21> millc Por tugais, et environ 50 mille
Espngn~Is
instruits et équipés Je moins mal pos–
sible, et de s'avancer ainsi avec une cen.taine de
mille hommes sur le nord de la Péninsule, afin
de cou per au pied de l'arbre la puissance des
Fran<;ais en Espagne. Toutefois , depuis que la
concentralion des trois ar mées de Portugal, du
centre et du midi , avait r éuni
a
Madrid une
force de 80
a
90 millc Frani;ais, égaux pour Je
moins aux Aoglais, et bien supérieurs aux Por–
tugais et aux Espagnols,
il
regardait son entre–
prise comme trcs-hasardeuse , ne voulait la tenter
qu'avec beaucoup de eireonspeetion , et
a
condi–
tion que les insurgés de Catalogue et de Murcie,
soutenus par l'armée anglo-sieilienne, fer aient en
sa fav eur une forte di ver sion sur Valence, et que
les flo ttes anglaises, secondant les bandes des
Asturies et des Pyr énées, donneraient de con–
tinuel!cs occupations
a
notre armée du nor d.
Consul té sur un projet d'invasion dans le midi
de la France pendant qu'on se baltait en Saxe
avec Napoléon ,
il
avait répondu que le premier
soin des Anglais devait etre de foreer les Fran<;ais
a
repasser les Pyrénées pour n'entrer en France
qu'a leur suite. Mais ce r ésultat, il avait été bien
loi n de le promettre en présence des 8ü mille
hommes actuellement concenlrés sous Joseph
autour de l\Iadrid .
Ces idées du général en chef britannique, qu'i l
était fa cile de dcviner , meme sans le secours d'au–
cune informa tion , indiqucnt suffisamment quel
aurait du ctre le plan des Fran<;ais pour r endre
cette campagne plus heureuse que les précé–
dent.es,et ce plan devait etre ava nt tout de rester
r éunis, et puis de bien choisir la position ur
laquelle ils s'établi ra ient. Malheureusement le
choix de leurs positions en ava nt et en arriere de
Madrid n'était pas des mieux entendus. Lorsque
en etfet il faud rait se replier pour tenír tete aux
Aoglo-Portugais dans la Vieille-Castille, entre
Salamanque et Valladolid,
i1
étai t
a
craindre
qu'on n'arrivat point a temps, et surtout qu'on
ne fUt obligé de se priver, pour la gar de de
•
1
.Madrid, de forces tres-regreUables un jour de
bataille. Le mieux eut done été d'évacucr Madrid,
de se transporter
a
Valladolid , de n'y garder
que ]'indispensable en fait de matériel , d'expé–
dier sur Villoría, maladcs, blessés, vivres et mu–
nitions, et d'etrc ainsi dans la nouvelle capitale
qu'on aurait adoptée, concentrés et en meme
temps allégés de tout poids inutile. C'était l'avis
du maréchal Jourdan; mais, quoique d une par–
faite sagesse, ses avis étaient doonés sans énergie,
et
i1
en eut fallu beaucoup pour vaincre la répu–
gnance de Joseph
a
évacuer Madrid. Depuis qu'il
avait vu lord Wellington fuir devant lui, et qu'il
avait pu renlrer triomphant dnns sa capitale,
il
s'était encore une fois cru roi d'Espagnc, et sans
les événements de Russie, il n'aurait pas meme
conservé de doutéSur son établissement définitif
dans ce pays. Lui proposer maiotenant de sorlir
de Madrid, c'était luí proposer de redevenir
roí vagabond, de rendre au x Espagnols toutcs
les cspérances qu'ils avaient perdues, de trainer
de nouvcau sur les routes une foule de malheu–
reux attachés
a
son sort, et de se priver du plus
clair de son rcvcnu , qui consistait daos l'octroi
de Madrid, et daos le produit des deux ou trois
provinces environnantes. Pourtant Joseph avait
l'esprit si juste , qu'il n'avait pas absolument
r epoussé l'idée de quitter Madrid lorsque le ma–
récbal Jourdan lui en avait parlé, et que si ce
dernier eti.t insisté davanlage, on aurait pu éva–
cuer l\ladrid en janvier, cmployer les mois de
févricr et de mars
a
réprimer les bandes du nord,
puis r evenir en avril pour etre tous réunis au
mois de mai contre Je duc Je Wellington, en
prenant un mois entier pour faire reposcr les
troupes et les préparer
a
Ja campagne décisive
de 18i 5. Ces idées, parfaitement corn; ues par le
maréchal Jourdan, resterent done en projet jus–
qu'a ce qu'on re<;ut de Paris des dépeches de
Napoléon, contenant pour cettc campagne des
inslructions fort arretées.
Nous avons exposé déjales pensées deNapoléon
a l'égard de l'Espagne pour l'année 1815.
Dégouté d'unc entreprise qui avait déplorable–
ment divisé ses forces,
il
y aurait volontiers
renoncé s'il l'avait pu , mais ayant attiré les
Anglais dans Ja Péninsule,
il
ne dépendait plus
de lui de se débarrasser d'eux
a
volonté. En
ouvrant par exemple
a
Ferdinand VII les portes
de Valen<;ay , il au rait eu les Angla is
a
Toulouse
ou
a
Bordeaux au lieu de les avoir
a
Burgos ou
a
Valladolid . 11 fallait done continuer
a
combat–
tre au dela des Pyrénées pour n'etre pas obligé