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LIVRE QUARANTE-NEUVIE.l'IIE.
~ais
dont vous défendez ici le saog, n'ont pas tant
a
se plaindre de moi. J'ai perdu, cela est vrai,
deux cent mille hommes en Russie;
il
y avait
daos le nombre cent millc soldats
fran~ais
des
meilleurs; ceux-la je les regrctte... oui, je les
regretre vivement... Quant aux autres, c'étaient
des Italiens, des Polonais, et principalement tics
Allcmands... - A ces paroles, Napoléon ajouta
un geste qui signifiait que celte derniere pcrte le
touchait peu. - Soit, reprit l\I. de l\fetternich,
rnais vous convicndrcz, Sire, que ce n'est pas
une raison
a
donner
a
UD
Allcmand. - Vous
parliez pour les Fran<;ais, je vous ai rép9ndu
pour eux, répliqua Napoléon. - Puis,
a
celte
occasion, il employa plus d'une heure
a
raconler
a
M. de Metternich qu'en Russie
il
avait été sur–
pris et vaincu par le mauvais temps; qu'il pou–
vait tout prévoir, tout surmonter, excepté la na–
ture; qu'il savait se batt1·e avec les hommes,
mais non avec les éléments. N'ayant pas revu
M. de Metternich depuis la catastrophe de 18i2,
if
s'éludia
a
refaire
a
ses yeux le prestigc de son in–
vincibilité, beaueoup trop détruit daos !'esprit de
certains hommes, et mit un grand soin
a
prou–
ver que sur le champ de bataille on ne l'avait
jamais vaincu, ce q ui éLait vrai; que s'il avait
perdu des canons, c'était par le froid qui, en
tuant les chevaux, avait détruit le moyen de
traincr l'artillerie. Pendant qu'il parlait, mar–
chant avec une extreme animation,
il
avait ren–
contré et repoussé du pied daos un coio de l'ap–
partement son chapeau resté
a
terre. Au milieu
des allées et venues de ce long entretien, il re–
vint
a
l'idée fondamentale de son discours, c'est
que l'Autriche,
a
laquelle
il
avait fait remise tant
de fois des peines qu'elle avait encourues,
a
la–
quelle
il
avait demandé une archiduchesse pour
l'épouser, faute, disait-il, bien grande de sa part,
osait encore, au mépris de tant de bons procédés,
lui déclarer la guerre. - Faute, reprit
l\L
de
Metternich, pour Napoléon conquérant, mais
non pas faute pour Napoléon politique et fon da–
teur d'empire, - Faute ou non, reprit Napo–
léon, vous voulez done me déclarer la guerrc!
Soit, quels sont vos moyeos? Deux cent mille
hommes en Boheme, dites-vous, et vous préten–
dez me faire croire
a
des fablcs pareilles ! C'est
tout au plus si vous en avez cent, et je soutiens
que ces cent se réduiront probablementa quatre-
1
Celle célebre entrevue e L de toutes cellcs ou apoléon a
figuré personncllemenl, la plus difficile
a
reproduire, faule de
documenls suffisants. Pour les autres entretiens de 'apoléon
rapportés précédemment daos cette bi toire, il existait des do-
e:
vingt mille en Iigoe.
~
La-dessus
il
conduisit
M. de Metternich daos son cabinet de travail, lui
montra ses notes et ses carles, lui dit que
l\f.
de
Narbonne avait couvert
l'
Autriche de ses cspions,
et qu'on tenterait en vain de l'effrayer par des
chimercs ; que les Autrichiens n'avaient pas
meme cent millc hommes en Bobcmc. - En ef–
fet, la prétention des Autricbiens était d'cn avoir
trois cent cinquante mille sous les armes, dont
cent mille sur la route d'Italie, cioquante mille
en Baviere, deux cent mille en Bohémc. C'étaient
la les propos d'hommes qui n'avaient pas l'babi–
tude de ce genre de calculs, et qui ne savaient pas
que si l'Autriche avait trois cent cinquante mille
hommes sur ses controles, elle en aurait tout au
plus deux cent mille au feu, dont cinquante peut–
etre sur'la route d'Italie, trente sur cellc de Ba–
viere et cent ou cent vingt en Boheme. Napoléon,
par l'expérieoce qu'il avait des mécomptcs qu'on
essuie a la guerre sous le rapport des nombres,
traita légerement les assertions de M. de :Metter–
nich, que celui-ci, étranger a l'administration
militaire, n'était pas capable de justifier suffisam–
meot. Laissant la ce sujet sur lequel
il
n'était pas
facile de s'entendrc, Napoléon dita M. de Met–
tcrnich : Du reste, ne vous melez pas de cette
querelle, dans laquelle vous courez trop de dan–
gers pour trop peu d'avantagcs, tenez-vous a part.
Vous voulez l'Illyric, eh bien, je vous la cede;
mais soyez neutre, et je me battrai
a
coté de vous
et saos vous. La paix que, vous voulez procurer
a
l'Europe, je la lui donnerai st'trement, et équitable–
ment pour tous. Mais la paix que vous cherchcz
a eonclure au moyen de votre médiation est une
paix imposée,qui mefaitjouer aux yeux du monde·
le role d'un vaincu auquel on dicte la loi... la loi,
quand je viens de remporter deux vicloires écla–
tantes !...
1\1.
de l\'leLternich revint
a
l'idée de
la
médiation, dont
il
ne pouvait se départir, s'ef–
for~a
de la montrer non comme une contrainte
qu'il s'agissait de faire subir
a
Napoléon, mais
comme une intcrvention officieuse d'un allié,
d'un ami, d'un perc, qui, au jugemcnt du monde,
quand on connaitrait les conditions proposées,
serait encore considéré comme bien partial pour
son gcndre. - Ah! vous persistez, s'écria Napo–
léon avec colere, vous voulez toujours me dicter
la loi, eh bien , soit, la guerre
!
mais
a
revoir,
a
Vienne
1 •••• -
cuments nombreux , soit <lans nos archives diplomaLiques, soít
dans les archives diploma tiques éLrangeres; pour celui donr
il
s·agit ici au conrraire, apoléon n'ayant ríen adressé
a
ses
agent exlérieurs, on manque de !'un des moyeus d'informa-