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LIVRE QUARANTE-NEUVIEME.

luí en adresserait la pressante invitation. Cette

vue, bientot confirmée par l'événement, avait

paru aussi fine que juste

a

l'empereur Fran<;ois,

qui par ce motif avait appronvé le voyage de

M. de l\letternich

a

Oppontschna.

Tandis que ce ministre était en route pour s'y

rendre, la Prusse et la Russie venaient de se lier

par un traité de subsides avec l' Angleterre. Par

ce traité, conclu le 10 j uin et revetu de la signa–

tur·e de lord Cathcart, de

l\f.

de Ncsselrode et de

l\f.

de Hardenberg, l'Angleterre s'engageait

a

fournir immédiatcment 2 millions sterling

a

la

Russie et

a

la Prusse, et

a

prendre

a

sa charge

la moitié d'uue émission de papier-monnaie, in–

titulé

papie1· fédératif,

et destiné

a

circuler dans

tous les États alliés. La sommc émise devait etre

de 5 millions sterling. C'étaient done 4 mil–

lions 1/2 sterling (112 millions 1500 mille francs)

que l'Angletcrrc fournissait aux deux puissances,

a

condition qu'elles tiendraient sur pied, en

troupes actives, la Russie 160 mille hommes; la

Prusse 80 mille , qu'elles feraient

a

l'ennemi

commun de l'Europe une guerre

a

outrance, et

qu'elles ne traiteraient pas sans

l'

Angleterre, ou

du moins sans se concerter avec elle. Les souve–

rains de Russie et de Prusse ayant informé lord

Cathcart qu'ils étaient sommés d'accepter la mé–

diat.ion de l'Autrichc, et qu'ils y étaient disposés,

sauf les conditions de paix qui seraient détermi–

nées d'accord avec le cabinet britannique, lord

Cathcartn'avait pas vu la une infraction au traité

de subsides, et

il

avait reconnu lui-meme qu'il

fallait se preter

a

tous les désirs de l'Autriche,

car probablement les conditions

q.ue

cette puis–

sance regardait comme indispensables ne seraient

pas admises par Napoléon, et l'on entrainerait

ainsi cette puissance a la guerre par la voie toute

pacifique de la médiation.

M.

de Metternich arrivé

a

Oppontschna avait

été accablé de caresses et de sollicitations pal' les

souverains et leurs ministres. Les uns et les

autres, pour le décider , disaient leurs forces

immenses, irrésistibles meme si l'Autriche se

joignait

a

cux, et dans ce cas Napoléon perdu ,

l'Europe sauvée. Ils disaient encore Ja paix im–

possible avec lui, car évidemment

il

ne Ja vou–

lait pas, et en outre peu súre, car si on laissait

échapper l'occasion de l'accabler pendant qu'il

était affaibli,

il

reprendrait les armes des qu'il

aurait recouvré ses forces, et la lutte avec Jui

serait étcrnelle. Ces points de vue n'étaient pas,

ne pouvaient pas etre ceux de l'Autriche. Cettc

puissance n'était pas commc la Russie enivrée

c.

\;1

du role de libératrice de l'Europe, comme la

Prusse réduite

a

vaincre ou

a

périr, comme

l'

Angleterre

a

l'abri de toutes les

cons~quences

d'une guerre malheurease : elle avait de plus

des liens avec Napoléon, que la décence, et chez

l'empereur Fran<;ois l'a:ffection pour sa fille, ne

permettaient pas de rompre sans les plus graves

motifs. Elle revait d'ailleurs la possibilité de

rétablir l'indépendance de l'Europe sans une

guerre qu'elle regardait comme pleine de périls,

memc contre Napoléon afTaibli. Elle était done

d'avis que si

cm

pouvait conclure une paix avan–

tageuse et qui offrit des suretés, il fallait en sai–

sir l'occasion, et ne pas tout compromettre pour

vouloir tout regagner d'un scul coup. Si par

exemple Napoléon renon<;ait

a

sa chimere polo–

naise (c'est ainsi qú'on qualifiait le grand-duché

de Var·sovie) , s'il consentait

a

reconstituer la

Prusse,

a

rendre

a

l'Allemagne son indépendance

par l'abolition de la Confédération du Rhin,

a ,

luí rendre son comrnerce par la restitution des

villes hanséatiques, il valait mieux accepter cette

paix que s'exposer au danger d'une guerre for–

midable, qui a cóté de bonnes chances en pré–

sentait d'effrayantes . .Si l'Angleterre n'inclinait

pas vers cette maniere de penser, il fallait l'y

amener forcément , en lui signifiant qu'on la

laisserait seule. Pour elle d'ailleurs le point le

plus important était obtenu, car

il

était facile de

voir que Napoléon allait renoncer

a

l'Espagne,

puisqu'il admettait au congres les représentants

de l'insurrection de Cadix, ce qu'il n'avait jamais

accordé. 11 fallait done imposer la paix

a

l'An–

gleterre comme

a

Napoléon, car cette paix était

un besoin urgent pour le monde entier , et on ·

avait le moyen de l'obtenir, en mena<;ant l'An–

gleterre de traiter sans elle, et Napoléon de

J'accabler sous les forces réunies de l'Europe.

Telles étaient les idées del'Autrichc, que les deux

souverains de Prusse et de Russie, dominés par

les passions du moment, étaient loin de parta–

ger. lis auraient voulu une paix beaucoup plus

rigoureuse pour la France; et par exemple la

Westphalie, la Hollande, ne leur semblaient pas

devoir ctre concédées a Napoléon. Ils parlaient

de lui oter une partie au moins de l'Italie, pour

Ja rendre

a

l'Autriche , qui n'avait pas besoin

qu'on éveillat en elle ce genre d'appétit, mais

chez laquelle la prudence faisait taire l'ambition.

1'1.

de Metternich, tout en trouvant ces vreux fort

Iégitimes, avait déclaré que l'Autriche, dans

l'espoir d'une concl usion pacifique, se bornerait

a dcmander l'abandon du duché de Varsovic, la