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DRESDE ET VJTTORTÁ. -

JUIN

'18 15 .

95

tion apres l'autre, M. de Metternich essaya d'énu–

mérer celles que nous a:vons déja fait connaitre.

Napoléon, bondissant comme u.n lion, laissait a

peine achever le ministre autrichien, et l'inter–

rompait

a.·

chaque énonciation , comme s'il eút

en.t_cndu chaque fois un outragc ou un blas–

pheme. - Oh! dit-il, je vous devine.•. Aujour–

d'hui vous me demandez seulement l'Illyrie pour

procurer des ports

a

l'Autriche, quelques por–

tions de la Westphalie et do grand-duché de

Varsovie pour reconstituer la Prosse, les villes

de Lubeck, Hambourg et Breme pour rétablir le

commerce de l'Allemngne, et pour relever sa pré–

tendue indépendance l'abolition do protectorat

du Rhin, d'on vain titre, a vous entendre !...

Mais je sais votre secret , je sais ce qu'au fond

vous désirez tous... Vous Autrichiens, vous vou–

Jez l'Halie tout entiere ; vos amis les Russes veu–

lent la Pologne, les Prussiens la Saxe, les Anglais

Ja Hollande et la Belgique, et si je cede aujour–

d'hui, demain vous me demanderez ces objets de

vos ardents désirs. Mais pour cela préparez-vous

a

lever des millions d'hommes,

a

verser le sang

de p1usieurs générations' et

a

venir traiter au

pieddes hautcurs de Montmartre

!. ..

-Napoléon,

en pronorn;ant ces mots, était pour ainsi dire hors

de Jui, et on prétend meme qu'ilse permit envcrs

M. de Metternich des paroles outrageantes,

ce que ce <lernier a toujours nié.

M. de Metternich alors essaya de montrer

a

Napoléon qu'il n'était pas question de telles cho–

ses, qu'une guerre imprudemment prolongée

pourrait peut-etre faire renaitre de semhlahles

prétentions, que sans dou

1

tc

il

y avait en Europe

·des fous dont Jes événements de 1812 avaient

exalté la tete, qu'il

y

en avait bien qoelques-uns

de cette espece

a

Saint-Pétersbourg,

a

Londres

ou

a

Berlin, mais qu'il n'y en avait pas

a

Vienne;

que

13.

on demandait juste ce qu'on vouJait, et

rien au dela; que du reste le vrai moyen de

déjouer les prétentions de ces fous, c'était d'ac–

cepter la paix, et une paix honorable, car celle

qu'on offrait était non pas seulement honorable,

mais glorieuse. - Un peu radouci par ces pa–

roles, Napoléon dita M. de Metternich ques'il ne

s'agissait que de l'abandon de quelques terri–

toires,

il

pourrait hien céder ; mais qu'on s'était

coalisé pour lui dicter la loi, pour le contraindre

a

céder, pour lui óter son prestige, et, avec une

nai:veté d'orgueil singuliere, laissa voir que ce

qui le touchait sensiblement ici, c'étaient moios

les sacrifices exigés de lui, que I'humilíation de

recevoir la loi apres l'avoir toujol.1rs faite. - Puis,

avcc une fierté de soldat qui luí allait bien : Vos

souverains, dit-il

a

M. de Metternich, vos souve–

rains nés sur Je treme ne peuvent comprendre

les sentiments qui m'animent. lls rentrent battus

dans leurs capitales, et pour eux

il

n'en est ni

plus ni moins. 1\foi je suis un soldat, j'ai besoin

d'honneur, de gloire ; je ne p'uis pas reparaitre

amoindri au milieu de mon peuple;

il

faut queje

reste grand, glorieux, admiré! ..• - Quand done

finira cet éta t de choscs, répliqua

i\L

de M>etter–

uicb, si les défaites comme les victoires sont un

égal motif e continuer ces guerres désolantes

?...

Viclorieux, vous voulez tirer les eonséquences

de vos victoir es; vaincu, vous voulez vous rele–

ver

!

Sire, nous serons done toujours les armes

a

Ja maio, dépendant éternellement, vous comme

nous, du hasard des bataillcs !... - Mais, reprit

Napoléon, je ne suis pas

a

moi, je suis

a

cette

brave nation qui vient

a

roa voix de verser son

sang le plus généreux. A tant de dévouement je

ne dois pas r épondre par des calculs personnels,

par de Ja faiblesse ; je dois lui conservcr tout en –

tiere la grandeur qu'elle a achetée par de si hé–

roi:ques efforts. - Mais ' Sire' reprit

a

SOR

tour

M. de Metternich , cette brave natioo dont tout.

le monde admire

le

courage, a elle-meme besoin

de repos. Je viens de traverser vos régiments ;

vos soldats sont. des enfants. Vous avez fait des

levées antieipées, et appelé une génération

a

peine formée; cctle génération une fois détruite

par

la

guer re actuellc, anticipercz-vous de nou–

veau? en appellerez-vous une plus jeune en–

core ?... - Ces paroles, qui touchaient au repro–

che le plus souvent reproduit par les ennemis de

Napoléon , le piquerent au vif. 11 palit de co1cre;

son visage se décomposa, et n'étant plus maitre

de lui,

il

jeta,

OQ

laissa tomber

a

terre

SOO

cha–

peau, que M. de Metternich ne ramassa point, et

allant droit a celui-ci,

il

lui

<lit

:-Vous n'etes pas

militaire, monsieur, vous n'avez pas, comruc

moi, l'amc d'un soldat; vous n'avcz pas .vécu daos

les camps; vous n'avez pas appris

~'

mépriser la

vie d'autrui et la vótre, quand il le fa ut... Que

me font , a moi, deux cent mille hommes !... -

Ces parolcsl dont nous ne reproduisons pas Ja

familiarité soldatesque, émurent profondément

M. de l\fottemich. - Ouvrons, s'écria le ministre

autrichien, ouvrous, Sirc, les portes et les fene–

tres; que J'Europe entiere vous enten de, et la

cause que je viens défendre auprcs de vous n'y

perdra point

!

- Redevenu un peu plus maitre de

lui-mcme , Napoléon dita M. de l\fotternich avec

un sourire ironique: - Apres tout, les Fran-