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LlVRE QUARANTE-NEUVIE!llE.
Dresdc, commc sur le roe d'ou il tiendrait tele
a
tous ses ennemis. Le récit des événements
prouvera bientót que s'il
y
fut forcé, ce fut,
non point par le vice de ·1a position elle-meme,
mais par suite de l'extension extraordinaire
donnée
a
ses combinaisons, de l'épuisement de
son arméc, et des passions patriotiques excitées
conlre lui dans toute l'Europe. Six ans plus tót,
avec l'armée de Friedland, il
y
aurait tenucontre
le monde en tier.
La ligne de l'Elbe, quoique présentant dans sa
partic supérieure un obstacle moins considérable
que le Rhin, avait cependant l'avantage d'etrc
moins longue, moins accidenlée, plus facile
a
parcourir intérieurement pour porter secours
d'un point
a
un autre, et, depuis les montagnes
de la Boheme jusqu'a la mer , semée de solides
appuis , tels que Koonigstein, Dresde,Torgau ,Wit–
tenberg, 'Magdebourg, Hambourg. Quelqucs-uns
de ces appuis exigcaient des travaux, et c'est pour
ce motifque Napoléon , dans ses calculsmilitaires,
qui étaient plus profonds que ses calculs poli–
tiques , voulait sans cesse allonger l'armistice,
pour réparer la faute de l'avoir signé. Il s'agis–
sait de savoir si la ligne de l'Eibe s'apptJyant
a
son extreme droite aux montagnes de la Boheme,
et si la Boheme donnant
a
l'Autriche le
moyen de déboucher sur les derrieres de cette
position,
il
était possible de se défendre contre
un mouvement tournant de l'ennemi. C'était la
question que s'adressaient beaucoup d'esprits
éclairés, et qu'ils s'adressaient tout haut. Mais
Napoléon qui,
a
mesure que son malhcur com–
menc;ait
a
délier certaines langues tiroides, per–
mettait ces objections, Napoléon faisait des gestes
de dt'dain quand on lui disait que sa position de
Dresde pourrait etre tournée par une descente
des Autrichiens sur Freybcrg ou sur Chemnitz.
(Voir les cartes n°ª 28 .et 58.) Ce n'était pas, en
eífct, au général de l'arméc d'ltalie, qui retrou–
vait agrandie la position qu'il avait si Jongtemps
occupée autour de Vérone, qui ·retrouvait dans
l'Elbe l'Adige, dans la Boheme le Tyrol, dans
Dresde Vérone elle-meme, et qui, fortement
établi jadis au débouché des Alpes, avait fondu
tour
a
tour sur ceux qui se présentaient ou de–
va nt lui ou derricre lui, et les avait plus mal–
traités encore lorsqu'ils s'aventuraient sur ses
derriercs, ce n'était pas au général de l'armée
d'ltalie qu'on pouvait faire peur d'une posi–
tion semblablc. 11 r épondait avec raison que ce
qu'il demanderait au Ciel de plus heureux,
c'était que la principale masse ennemie vouhit
bien, tandis qu'il serait posté sur l'Elbe, débou–
cher en arriere de ce fleuve, qu'il courrait sur
elle, et la prcndrait tout entiere entre l'Elbe et
la foret de Thuringe. Le prochain désastre des
coalisés
a
Dresde prouva bientót la justesse de
ses prévisions, et si plus tard, comme on le
verra,
il
fut
forcé sur l'Elbe, ce ne fut point par
la
Boheme; mais par l'Elbe inférieur, que ses
lieutenants n'avaient pas su défendre, et apres
plusieurs accidents qui l'avaient prodigieusement
affaibli. Sa pensée, toujours profonde et d'une
porlée saos égale lorsqu'il s'agissait des haute&
combinaisons de la guerre, était done de s'éta–
blir fortement sur les divers points de l'Elbe, de
maniere
a
pouvoir s'en éloigner quelques jours
saos crainte, soit qu'il falhit prévenir la masse
qui s'avancerait
c1e
front , soit qu'il fallut revenir
rapidement sur celle qui aurait par la Boheme
débouché sur ses derrieres; en un mot de re–
commencer avec 500 mille hommcs eontre
700 mille, ce qu'il avait accompli dans sajeunesse
avec ?JO mille Frani;ais contre 80 mille Autri–
chiens, et les résultats prouveront qu'avec des
éléments moins usés, la supériorité incomparable
de ses conceptions eut triomphé cette seconde
fois comme la premiere. Mais la gloire de réali–
ser sur une échelle si vaste les prodiges de sa
jeunesse ne devait pas lui etre accordée, pour le
punir d'avoir trop abusé des hommes et des
choses, des corps et des ames!
Pour que la ligne de l'Elbe put avoir toute sa
valeur,
il
fallait employer le temps de la suspen–
sion d'armes a en fortifier les points principaux,
et se h:lter, soit qu'on réussit ou non
a
prolonger
la durée de l'armistice. Le premier point était
celui de Krenigstein, a l'endroit meme oú l'Elbe
sort des montagnes de la Boheme pour entrer
en Saxe. (Voir la carte nº ?>8.) Deux rochers,
eeux de Krenigstein. et de Lilienstein, placés
comme deux sentinelles avancécs, l'un
a
gauche,
l'autre
a
droite du fleuve, resserrent l'Elbe
a
son
entrée daos les plaines germaniques, et en com–
mandent le cours, fort étroit en cette partie. Sur
le rocher de Krenigstein, situé de notre coté,
c'est-a-dire sur la gauche du fleuve, se trouvait la
forteresse de ce nom, laquelle domine le célebre
camp de Pirna, illustré par les guerres du grand
Frédéric. ll n'y avait rien
a
ajouter aux ouvra–
ges de cctle citadclle; seulement la garnison
étant saxonne, Napoléon prit soin de la renou–
veler peu
a
peu et sans affectation par des trou–
pes franc;aises. 11 or<lonna d'y rassemhler dix
mille quintaux de farine et
d'y
construire des