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LIVRE QUARANTE-NEUVIEIUE.
Metternich.
l\f.
deNai·bonne, en efi'et, avait trouvé
Je ministre autrichien sensiblement refroidi, ce
qui était naturel, car si
l\L
de Metternich s'était
échappé de notre allíaoce comme un serpent s'é–
rhappe
a
force de mouvements alternatifs des
étreint~s
d'une main puissante, toutefois
íl
o'avait
pas entierement déserté notre cause, et dans l'in–
tention fort . s¡¡ge de tout terminer sans guerre,
il avait défendu aupres des coalisés le systcme
d'uoe paix modérée, ce qui n'avait pas été facile,
et
il
était fondé
a
nous en vouloir de chercher
a
négocier une p::iix désastreuse pour luí, tandis
qu'il s'efforc:;ait d'eo stipuler une tres-acceptable
pour nous.
Du reste, M. de Narboone avait eu
a
peine Je
temps d'entretenir M. de Metternich, et
ce
dcr–
nier, parti en toule bate, était avec l'empereur
Franc:;ois
a
Gitschin, résidence située
a
une
vingtaioe
de
Jieues de Prague, des Je 5 juin au
soir. En y arrivant
il
avait rencontré M. de Ncs–
selrode, qui, apprenant Je départ
de
la cour, avait
rebroussé chemin pour Ja joindre. Les paroles
que ces deux bommes d'État, alors si importants,
avaient pu s'adresser, on les devine. M. de Nes–
selrode avait, au nom de J'empercur de Russie
et du roí
de·
Prusse, supplié M. de Metternich
de mettre fio
a
de trop longues hésitations' de
ne pas Jaisser hattre de nouveau les alliés, car,
battus encore une fois, ils seraient obligés de se
soumettre
a
Napoléon, de traiter avec Jui aux
dépens de 1'Autriche, et de consacrer pour jamais
Ja
dépendance de l'Europe.
l\L
de Nesselrode
s'était appliqué surtout
a
montrer
a
l\L
de Met–
ternich que Napoléon trahissait les Autrichiens,
car tandís que ceux-ci soutenaient pour Jui Je
systeme d'une paix modérée, il songeait
a
les
sacrifier, et
a
conclure une paix accablante pour
cux seuls. Il avait done pressé instamment le
ministre autrichien de suivre enfin l'exemple
de
Ja Prusse, et de s'unir par un traité formel aux
souverains alliés. M. de Metternich n'avait
besoin d'etre ni éclairé ni excité, car il l'était
suffisamment. Mais ce ministre, dont le mérite
a toujours été d'avoir, avec un esprit sans froi–
deur, une politique saos passion, s'attachait de
plus en plus au systeme de eonduite qu'il avait
adopté, ceJui d'épuiser le róle intermédiaire
d'arbitre, avant de passer au róle de belligérant.
Ce systcme de conduite, outre qu'il dégageait
l'honneur de l'empereu.r Franc:;ois, son honneur
de souverain et de pere, avait l'avantage de
ménager aussi
ln
considfralion <le l'Aulriche, de
~ui
procurer le temps dont elle avait besoin pour
armer, et, par-dessus tout, de rendre possihle
une conclusion pacifique, car c'eut été un bien
beau résultat pour elle que de reconstituer la
Prusse, de rétablir l'indépendance de l'Allema–
gne, de recouvrer en outre l'Illyrie et la part
perdue de la Gallicie, sans courir les hasards
peut-etre funestes ( personne ne le savait alors)
d'une nouvelle guerre avcc Napoléon.
M. de Metternich, avec une prévoyance pro,
fon de, voulait s'épargncr non-seulement la chance
bien dangereuse de voir loutlc monde, fatigué de
ses temporisations, s'arrauger
a
ses dépens, mais
la chance aussi de se faire battre par Ja Francc,
ce qu'il redoutait fort malgré les événements de
l'année précédente, et, par ce motif, il cherchait
d'une main
a
tenir la Prusse
et
la Russíe, pour
qu'elles ne pussent lui échapper, et de l'autre
a '
contenir Napoléon, pour lui faire accepter une
paix que l'Europe put agréer. Aussi avait-il <lit
a
M. de Nesselrode qu'il s'était engagé
a
ctre
médiateur, qu'il remplirait franchement ce role
pendant les deux mois qui allaient suivre, qu'iJ
luí fallait indispensablement, a l'égard de la
France, passer par le róle de médiateur avant
d'en arriver a celui d'ennemi, que jusque-la
il
ne pouvait prendre partí; mais que, si des condí–
tíons
de
paix raisonnables étaient définilivement
repoussécs, il conseillerait
a
son maitre, l'arnii–
stice expiré, de s'unir aux puissances allíées, et
de tenter un supreme et dernier effort pour
arracher l'Europe
a
la domination de Napoléon.
Ce qu'on s'était promis actuellement, en con–
séqucnce de ces vues, c'était, de la part de la
Russie, de ne pas se laisser séduire par l'appaL
d'un arrangement direct; de la part de l'Autri–
che, de déclarer Ja guerre au jour indiqué, si
les conditions de la médiation n étaient pas accep–
técs par la France.
l\f.
de Metternich, profitant
du voisinage de Prague, y avait rappelé M. de
Bubna pour vingt-quatre. heures, lui avait bien
expliqué Ja position, lui avait positivement
affirmé qu'on n'était pas encore engagé avec les
belligérants' l'avait autorisé
a
donner
:'i
l'appui
de ce foit Ja parole d'honneur de l'empereur
Franc;ois, mais l'avait autorisé aussi
l1
signifier
<le la maniere la plus expresse qu'on finirait par
s'engager, si la durée de J'armistice n'était pas
employée
a
négocier sincerement une paix modé–
r ée. 11 l'avait en mcme temps chargé d'annoncer
au cabinet franc:;ais que la médiation de l'Autri–
che était formellement acceptée par Ja Prusse et
par la Russic, ce qui obligeait des lors le média –
teur
a
demander
a
chacun ses conditions' et