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LIVRE QUARANTE-NEUVIEME.
t()mp~
des prochaines négociations, et rétrograda
vers l'Elbe avec la cavalerie et l'infanterie de la
vjeille garde, mqr.chant lui-meme au pas de ses
troqpes par journées d'étapes. 11 ne fut de retour
a
Dresde que le 10 juin , ce gui convenait a son
caleul de se trouyer le plus tard possibJe en pré–
sen~e
de
l\f.
de Bubna. Le roi de Saxe vint
a
sa reneontre, et les habitants de Dresde
:ux–
mefIJes, voyant avec plaisir Ja guerre écartée de
leurs foyers, et leur roi honoré, lui firent un
accueil auquel on n'aurait pas du s'attendre de
la
part
d'une populatfon allemande.
Napol.éon descendit au palais Marcolini, dont
l\L de Bassano avait fait choix· pour lui. Ce
palais, ,entouré d'un vaste et beau jardín, était
situé
dan~
le faubourg de Friedrichstadt, tout
pre.s de
la
prairie de l'Osterwise, ou des troupes
nombr$3USes pouvaient manreuvrer au bord de
l'Elbe. Napoléon y trouva sa maison déja installée
et toute prete
a
le recevoir.
La,
saos etre a charge
a la cour de Saxe, saos etre incommodé par elle,
il ayait ce qu'il désirait, un élablíssement conve–
nable, ·de. l'air, de la verdure et un champ de
manreuvre. 11 décida qu'il aurait le matin un
lever comme aux Tuileries, au milieu du jour
des revues et des manreuvres, le soir des diners,
des réceptior;is, et les chefs-d'reuvre de Corneille,
de .Hacine, de Moliere, représentés par les pre–
micrs acteurs de la Comédie frarn;aise. Le lende–
main meme de son retour
a
Dresde, sa vie telle
qu'il l'avait
ord~:mnée
commenc;aít avec la pré–
cision et l'invarjabilité d'une consigne militaire.
Mais en meme temps M. de Bubna, qui, arrivé
de Vienne depuis plus de quir;ize jours, attendait
vainemtint le moment de le voir, lui rappela sa
présence p,a,r une note formel)e, a laquelle il fal–
lait de toute nécessité ·répondre clairement et
prompte~,ent.
Pour
~9mp,rendre
Gette note et son impor–
tance,
~I
est
~ndispensable
de connaltre les der–
nieres circonstances survenues en A,utrLche, ou
comme ailleurs les événcments se succédaient
avec une prodigieuse rapidité, sous Ja violente
impulsion.que Napoléon imprimait partout a Ja
marche des choses. En employant
l\L
de Cauluin·
court daos la négociation de l'armistice, afio de
susciter l'occasion d'un arrangement d)rect avec
la Rµs sie, Napoléon avait fourni
a
celle-ci une
arme dangereuse, et dont elle devait faire un
funeste usage. Si J'empereur Alexandre, moins
blessé par les dédains de Napoléon, moins épris
du róle tout nouveau de roí des rois, avait pu
parta,ger
a
quelque degré l'opinion du prince
Kutusof, qui voulait qu'on se tirat de cette
guerre en signant avec Ja France une paix touté
russe, c'eut été un grand
a-p~opos
dc.lui enyoyer
M. de Caulai ncou_rt, qui avait été longtemps son
confident et presque son ami. Mais e,nivré de
l'encens que brulaient devant lui les Allemands,
Alexandre était devenu, malgré s.a do.uceur opÍi-
na ·
un ennemi implacable auquel
il
était
d
eux de
cherch~r
a
s'adresser~
Aµ lieu
~El
le toucher
p~r
l'envoi de M. de Caulaincourt, on
lui fournit seulement un moyen de m'ettre un
terme aux lQngues
hésitatio~s
de l'Autricli'e.
C'était le cas en effet pour
Alexa~dre d~ ~ire ~
cette puissance : Décidez-vous, car si, faute de
nous sccourir, vous nous laissez encore batt.:e
comme a Lutzen, comme
a
Ba~tzen,
nous seroni;
forcés de traiter avec notre
commu~
ennemi;
d'accepter les avances qu'il nous fait, de
con~luré
avec lui une paix exclusivcment avantageuse a
la Russie, et de vous livrer définitivement a son
resscntiment, qui ne doit
J?ªS
etre
méd.io~re,
car si vous n'avez pas assez fait pour nous
s~cou
rir, vous avez assez fait pour Jui inspirer une
profonde défiance. - Ce langage
~
la cour' d.°e
Vienne serait venu d'autant pius a propqs i'e
lendemain de Bautzen, qu'un nouveau fllOÍive–
ment en arricre allait éloigner les coalisés des
frontieres de l'Autriche, et les pri.ver de tout
contact avec elle. C'était done le moment ou
jamais de s'un ir, car un pas de plus, et les mains
tendues les unes vers les autres ne pouryaient
plus se joindre.
Telles sont les raisons qu'on avait résolu d'em–
p)oyer aupres de, l'empereur Franc;ois et de
1\1. de Metternich; et tandis que MM. Kleist et de
Schou valoff négociaient a Ple,iswitz l'úmistice
du 4 juin, on ava it appelé 1\1. de Stadion, on lui
avait fait remarquer le choix de M. de Caulain–
court pour cette
négo~iation,
on avait meflle
ajouté le mensonge
a
Ja vérité, car on avait
parlé de prétendues insinuations
q~e
ce person–
nage se serait permises (ce qui était faux), et
desquelles on pouvait conclure que
Nano.~éon
songeait
a
s'entendre directement avec la Russie
aux dépens de l'Autrichc. 'fout ce que l'envoi
de M. de Caulaincourt permettait de supposer en
fait de tentatives diplomatiques, on J'avait doñné
pour accompli, et on avait prcssé
l\L
de Stadion
de déclarer
a
son cabinet, que ce qu'on refusait
aujourd'hui, on serait obligé de
J'a~cepter
dans
quelquesjours, sous la pression des circonstances
et des vicloires de Napoléon. M. de Stadion,
qui n'aimait pas Ja France, et qui avai t été fort