DRESDE ET
VITTORIA. -
JUIN
4815.
laissát
a
la FFance, indépendamment de la BeJgi–
que et des provinces rhénanes, la Hollande, le
Piémont, la Toscane, l'État romaín, maintenus
en départements franc;ais, Ja Westphalie, la Lofu–
bardie, Naples, constitués en royaumes vassaux,
Napoléon la repoussait absolument, non
a
cause
d·éspertes de territoire qui étaient presque nulles,
mais comme une atteinte
a
sa gloire, et lui pré–
férait sans hésiter la guerre avec l'Europe en–
tiere. C'était sans doute une insigne témérité pour
lui-meme, une cruauté pour tant de victimes
destinées
a
périr sur les champs
de
bataille, une
sorte d'attentat envers la France, exposée
a
tant
de dangers uniquement pour l'orgueil de son
chef, mais enfin c'était une résolution
a
peu pres
prise, et dans laquelle
il
y
avait fort peu de
chance de l'ébranler. Il eut fallu autour de luí de
meilleurs conseillers, et surtout de plus autori–
sés, pour le faire revenir de cette détermination
fatale. Pourtant,
bi~n
que tout
a
fait résolu (ce
qui résulte d'une maniere incontestable de ses
ordres, de ses communicatious diplomatiques, et
d·e queiques aveux inévitables faits
a
ses coopéra–
teurs les plus intimes), bien que résolu,
il
ne
pouvait lui convenir de laisser apercevoir sa vé–
ritable pensée, .ni aux puissances avec lesquelles
il ava'it
a
traiter, ni a la plupart des agents de
son gouvernement, du zele desquels
il
avait
grand besoin. En effet, connue de l'Autriche, la
pensée de Napoléon aurait définitivement décidé
cette puissance contre nous, accéléré ses arme–
ments déja bien assez actifs, répandu le déses–
poir parmi nos alf
és
déja bien assez dégoutes
de notre alliance, rendu impossible une prolon–
gation d'armistice
a
laquelle Napoléon tenait es–
sentiellement, et qu'il ne désespérait pas d'ob–
tenir en traínant les négociations en longueur.
A,vouée aux hommes qui composaient son gou–
vernement, sa résolution de ne pas accepter la
paix 1se serait bientot répandue dans le public,
aurait augmenté l'aversion qu'inspirait sa poli–
tique, étendu cette aversion
a
sa personne et
a
sa
dynastie, rendu le!' levées d'hommes plus diffi–
ciles, et irrité, décourage l'armée, qui, ne voyant
plus de
ter.mea
l'efl'usion de son saug, .serait de–
venue plus hardie et plus sévere dans son lan–
gage. I1 semblait effectivement que l'opposition,
comprimée partout, se fút réfugiée dans les
camps, et que nos militaires de tout grade, pour
prix des sacrifices qu'on exigeait d'eux, voulus–
sent exercer la liberté inaliénable de !'esprit
franc;ais. Aipres s'etre précipités le matin au
mi–
Jieu des dangers, ils déploraient le soir daos les
bivacs l'obstination fatale qui faisait couler
tant de sang pour une politique qu'ils commen–
ctªient
a
ne plus comprendre. lis avaient bien ·
admis qu'apres l\foscou et la Bérézina il falhit
une revanche éclatante aux armes franc;aises;
mais apres Lutzen, apres Bautzen, le prestige
de nos armes étant rétabli, ils auraient été ré–
voltés, et peut-etre glacés dans leur zele, s'ils
avaient a·ppris que Napoléon, pouvant conserver
la Belgique, les provinces rhénanes, la HqllaQde,
le Piémont, la Toscane, Naples, ne s'en conten–
tait pas, et voulait encore immoler des lllilliers ·
d'hommes pour garder Lu,beck , Hambourg,
Breme, pour conserver le vain titre de protec-,
teur de la Confédération du ahin
!
Par toutes ces
raisons, Napoléon ne dit
a
personne, excepté
peut-etre
a
l\L
de Bassano, sa pensée tout en–
tiere
j
il n'en dit
a
chacun que ce que chacun
avait besoin d'en savoir pour acc.omplir sa tache
pnrticuliere, réservant pour Jui seul la connais–
sance complete de ses funestes desseips.
On vient de voir que M. de Bubna, avait re–
paru au quartier général avec les co;nditions de
l'Autriche, et que ces conditions avaient été con–
sidérablement modifiées,
puisq.ueen remeltant
a
la paix maritime le sacrifice des villes hanséatiques
et de la Confédération du Rhin, on avait fait
tomber la seule objection qu'elles pussent rai–
sonnablement provoquer. Napoléon se sentant
alors serré de pres, et craignant d'avoir
a
se pro–
noncer imrnédiatement, ce qui lui eut mi.s l'Au–
trichc sur les bras avant qu'il fót en mesure de
luí résister, avait signé l'armistice _si désavanta–
geux de Pleiswitz, non pour avoir le temps de
traiter, mais pour avoir celui d'armer. ll écrivit
sous le secret au prince Eugene et au ministre
de la guerre qu'il signait cet armistice, dont il
prévoyait en partie le
dang~r,
pour avoir le
Lemps de se préparer contre l'Autriche,
a
laquelle
il entendaitfaire la loi au lieu de la recevoir d'elle.
U recommand,a
a
l'un et
a
l'autre de ne ríen né–
gliger pour que
l~armée
d'Italie destinéea menacer
l'Autriche par la Carinthie, pour que l'armée -de
Mayence destinée
a
la menacer par la Bav,ier.e,
fussent pretesa la fin dejuillet, etd'agirdemaµiere
que les jours
comptassent double,
car on avait
a
peine deux mois pour achever
l~s
armements que
les circonstances rendaient indispensables. Toute–
fois
il
n'avoua ni a l'un ni
a
l'autre quelle
étai~
cette loi de l'Autriche qu'il ne voulaü pas subir,
il leur laissa meme croire que les exigences de
cette puissance étaient exorbitant(}s, et ne ten–
daient
a
rien moins qu'a ruiner la puissance de