68
LIVfiE QUARANTE-HUlTIEME.
daos cette ville, afin de ne pas s'óter la possibi–
lité de la céder, s'il en
fall~it
faire le sacrifice. Il
s'était contenté d'y envoyer un détachement des
troupes du
mar~chal
Ney.
Le ton, les exigences des commi-ssaires alliés
l'irriterent singulierement
1.
11 leur fit répondre
que l'armistice ne luí était pas nécessaire, tandis
que pour eux il était indispensable ; que si on
voulait donncr a celte suspension d'armes le ca–
ractere d'une capitulation,
il
aHa,it marcher en
avant et les rejeter au dela de
la
Vistule; qu'ils
seraient battus une troisieme fois, une quatrieme,
aussi souvent, en un mot, qu'ils s'exposeraient a
rencontrer l'armée frarn;.aise; que si,
ave~
une
pa,reille conviction ,
il
consentait a s'arréter,
c'était pour rendre a l'Europe des espérances de
paix dont elle avait besoin, et n'etre pas accusé
d'avoir fait évanouir ces espérances; qu'il vou–
lail la moitié de la Silésie au moins, qu'il n'aba n–
doqnerait pas Hambourg, et que, quant aBreslau,
s'il y renon<;ait, ce serait pure complaisance de
sa part
1
car
il
en était maitre. Toutefois
il
évita
de s'expliquerd'une maniere absolue
a
cet égard,
laissant
entrevo.irque Breslau serait l'équivalent
de Hambourg. l\fais il fut péremptoire relative–
ment
a
la durée de l'armistice, disant que stipuler
un mois pour traiter tant de matieres si difficiles,
c'était tracer autour de lui le cercle de Popilius;
qu'il était habitué a y renfermer les autres, et
pas du tout
ay
étre enfermé lui-méme, et que
voulant sérieusement d'un congres, il demandait
le temps de le tenir, et de le faire aboulir
a
un
résultat. - Par malheur,
il
ne le voulait pas
franchement, et cherehait a se procurer Je temps
d'armer,. non eelui de négocier.
Les commissaires se revirent, et se mirent
a
disputer sur ces divers themes, au village de
PleiswiLz, apres avoir pris la précaution de stipu–
ler une suspension d'armes provisoire pendant
la durée de ces pourparlers. Les commissaires
alliés tenaient loujours
a
leurs prétentions, saos
néanmoins se montrer invincibles, car ils avaient
de l'armistice un besoin impérieux. De son coté,
Napoléon venait d'agprendre une nouvelle qui
le disposait
a
etre un peu plus accomi!iodant.
l\L de Bassano, récemment arrivé de Paris
a
Dresde, s'était transporté
a
Liegnitz, pour y re–
prendre ses fonctions diplomatiques a la suite
du quartier généra1, et a peine
a
Liegnitz, il y
ayait été rejoint par M. de Bubna revenant de
1
Nous possédons aux archives toule la correspondaucc de
Napoléon avec M. de Caulaincourt pendanl la négocialion de
1
Vienne, et apportant des explications détaillées
sur tous les points que Napoléon ava-it traités
avee luí
a
Dresde les
17
et 18 mai dernier. Voici
ce que
.M.
de Bubna racontait de
~on
voyage et
de ses négociations.
De rerour
a
Vienne, il avait peint Napoléon
comme plus débonnaire encore qu'il ne l'avait
trouvé, bien que Napoléon eut feint de se mon–
trer a lui plus accommodant qu'il ne voulait
l'etre. 11 avait surtout fait valoir sa disposition a
recevoir les insurgés espagnols daos un congres,
comme une concession inespérée, et mis un,
gra
soin
a
taire ses emportements contre
1\1.
de Metternich.H
n'avai~
parlé de ces empor–
tements qu'a
i\'I.
de Narbonne. Ce rapport tres–
adroit avait infiniment satisfait l'empereur Fran–
<;ois et l\L de l\'.letternich, qui désiraient l'un et
l'autre sortír de cette situation sans la guerre.
De plus, ils avaient été fort contents des lettres
de N¡¡poléon, et avaient tenu un eertain eompte
cíes répugnanees qu'il avait manifestées a l'égard
de quelques-unes des conditions proposées. Sur
Ja dissolution du grand-duché de Varsovie, sur
son démembrement au profit de la Prusse, de la
Russie, de l'Autriche, sur l'abandon de l'Illyric
a cette derniere, ils avaient considéré 'Napoléon
comme rendu, quoiqu'il ne l'eut pas formelle–
ment <lit
a
1\1.
de Bubna. Mais, puisque M. de
Bubna l'avait trouvé plus tenace sur la renoncia–
tion au protectorat de la Confédération du Rhin,
et sur la restitution des villes hanséatiques, l'em–
pereur Fran<;ois et
l\'I.
de Metternich s'étaient
décidés sur ces de,ux points
a
admettre quelques
modifications, et ils avaient imaginé les suivan–
tes; qui étaient de nature a sauver ce que Napo–
léon appelait son honneur. Les provinees hanséa–
tiques ne seraient restituées pour reconstituer
les villes libres de Lubeck; Bréme et
Hambou~g,
qu'a la paix avee l'Angleterre. De plus la ques–
tion de la Confédération du Rhin seraitrenvoyée
également a la paix générale,
a
celle qui com–
,prendrait tou tes les puissances de l'univers,
meme l'Amérique. Si on ne traitait dqns le mo–
ment qu'avec la
R~ssie,
la Prusse etl'Autriche,
on ajournerait ces deux poin'ts. Si au contraire
on traitait avec tout Je monde, .Napoléon-po1:1r–
rait bien faire
a
la paix universelle,_qui compre·
nait la paix maritime et devait luí procurer tant
d'avantages et tant de fostre, le
s~crifice
des
deux points contestés.
cet. arrnisticc, el c'est d'apres cette cort'espondance ellc-méme
que j'écris ce récit.