LUTZEN ET BAUTZEN. -
MAI
1815.
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dans la division italienne Peyri et dans les trois
divisions allemandes qui 'servaient daos les corps
d'Oudinot, de Ney et de Bertrand, deux
a
trois
mille déserteurs qui, ayant
a
leur porlée les mon–
tag·nes de la Boheme, allerent s'y soustraire aux
dangers d'une guerre qu'ils faisaien ta contre-éreur.
Au surplus la victoire, ici comme a Lutzen,
allait se
j~er
par ses conséquences sinon par ses
trophées. Des le lendemain matin 22 mai, Na–
poléon voulut poursuivre l'ennemi l'épée dans
les reins, le rejeter au dela de l'Oder, et entrer
en meme temps daos cette ville de Breslau, ou
s'était célébrée l'alliance de la Russie et de la
Prusse, et dans cette villc de Berlin, vraie capi–
tale de ce qu'on appelait la patrie germanique,
ou fermentaient les passions les plus violentes.
Tandis qu'il allait marcher en personne
a
la suite
des souverainshattus,
il
se crut suffisamment fort
pour se séparer de l'un de ses corps, celui du ma–
réchal Oudinot, qui avait le plus souffert dans les
journées des
20
et 21, qui avait besoin de trois
ou quatre jours pour se refaire, et qui était assez
aguerrí, assez vigoureusernent conduit pour
qu'on le hasardat sur Berlin. Napoléon lui ad–
joignit huit hataillous qui tenaient garnison
a
Magdebourg, et devaient
y
etre remplacés par la
division Teste (celle des divisions de .Marmont
qui était demeurée en Hesse); il
y
ajouta un
rnillier de chevaux laissés
a
Dresde, ce qui allait
reporler ce corps
a
23 ou 24 mille hommes,
force suffisante pour baltre le général Bulow,
ehargé de couvrir Berlín. Le maréchal Oudinot
devait ahorder vivenicnt le général Bulow, le
rejetcr sur l'Odcr, et s'avancer ensuite sur Bel'lin,
tar1dis que Napoléon avec la grande armée elle–
méme pousserait les coalisés sur Breslau.
Apres un repos de quelques heures, Napoléon,
Je 22 mai au matin , donna ses ordres, puis se
porta en avant, se faisant précédcr par les géné–
raux Reynier et Lauriston, qui n'avaient prcsque
pas cornbattu la veille, et par le m(lréchal Ney, qui
marchait apres eux.
ll
suivait avec · la gardc , et
avait deniere lui 'Marmont, Bertrand et Macdo–
nald. 11 lui restai1t apres les pertes des dcux jour–
nées, apres la séparation du maréchal Oudinot,
une force totalc d'au moins
151>
mille hommes,
que l'approche du duc de Bellune, arrivant avec
ses bataillons réorganisés ' devait reporter
a
11>0
mille. C'était plus qu'il n'en fallait contre un
ennemi qui ne comptait pas plus de
80
mille
combattants. 11 partit done le 22 au matin, et
voulut assister de sa pe:rsonne
a
la poursuitc,
afin d'essaycr lui-meme sa cavalerie, réorganisée
tout récemment. Les alliés se retiraient par la
route de Bautzcn
a
Gorlitz. On
fit
route toute la
journée par un temps beau , mais extrememcnt
chaud,
a
travcrs un pays tres-accidenté, ainsi
qu'il follait s'y attendrc en longeant le pied des
plus hautes montagnes de la B0heme. (Voir la
carte nº 58.) Napoléon, faisnnt la guerre aux
avant-postes comme
a
vingt ans, dirigeait eu per –
sonnc les manceuvres de détail, avec une pré–
cision, une justesse de coup d'ceil qu'admiraient
tOllS
ceux qui l'accompagnaient, et meme des
témoins assez peu bienveillants, tels que des of–
ficiers d'état-major étrangers ohligés de le suivre
en qualité d'alliés
1 •
Arrivé pres de Reichenbach,
on aperc;ut au fond d'un hassin assez ouvcrt une
Jigne de hauteurs, sur laquelle l'infanteric cnne–
mie opéra sa ret1·aite, en laissant derricre el'le
pom· la protéger un rideau de cavaleric. Lc·hardi
Lefehvre-Desnouettes,
a
la tete des lanciers polo–
nais et des lanciersrougesde lagarde,fonditsurla
cavalerie ennemie avec sa vigucur et sa dextérité
accoutumées. 11 la repoussa vivement, mais bien–
tót
il
attira sur Jui une masse de beaucoup supé–
rieure
a
la sienne. Napoléon, qui avait sous la
main les douzc mille cavaliers de Latour-1\fau–
bonrg, les lao<;a surl'ennemi, et la plaine de Rci–
chenbach nous resta, couverte d'un assez bon nom–
bre de Russes et de Prussiens. Malheureusement
nous avions perdu un excellent officier de cava –
lerie, le général Bruyere, vieux soldat d'Italic,
dont .un boulct avait fracassé la cuissc. Malgré
l'avantage <le cctte rencontre, Napoléon put s'a–
percevoir que sa cava!crie, quoique melée d'an–
ciens cavaliers revenus de Russie, était réorganiséc
dcpuis trop peu de temps pour valoir autant
qu'autrefois. La plupart des chevaux étaient en
effet blessés ou fatigués. 11 put voir aussi que des
ennemis animés de sentiments énergiques étaient
plus difficiles
a
entamer dans une rctraite, que
des ennemis démoralisés faisant la guerre sans
passion , comme ceux qu'il poursuivait apres
Austerlitz ou apres Iéua. Néaumoins
il
avait
mené les coalisés fort vite depui.s le matin, car
vers la chute du jour on avait déja fait huit licues
au moins. Apres le comhat de cavalerie livré dans
la plaine, le général Reynicr .a·vcc l'infonterie
saxonne occupa les hauteurs de Reichcnbach, et
on pouvait le soir meme aller cncore coucher
a
Gorlitz. i\Jais,
a
Gorlitz,
il
aurait fallu engager un
combatd'arrierc-garde, ctNapoléon_, jugeantque
1
EnLre nutres
l~
major saxon Odeleben, qui , aLtaché
u
Na–
poléon comme officicr d'état-major, a rendu compte des cir–
constances les plu$ 111inuticuses de la campo¡;nc de Saxc.