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LIVRE QUARANTE-HUITIEl\IE.
done, et passa en vue de Preititz, tout pres de
Ney, qui en élait resté maitre. Pa1· un uonheur
ioou1 pour lui, tandis qu'il descendait de ces
mamelons, ou il avait promis de rési ter
a
tou:s
les efforts des Franqais, et en descendant par
Klein-Baulzen , Ney, croyantplus prudentdc les
faire évacuer avant de se porter sur Hochkirch,
les gravissait par Preititz, de sorte que Ney y
monlait d'un cólé pendaot que Blucher en dcs–
cendait de l'autre. Dlucher pul done opércr sa
retraile saos facheusc rencon lre, traver a Je
lignes de Ja cavaleric russe et pru sie11ne, qui
était demeurée e11 bataille derrierc lui pour le
recevoir, et dont le long déploiement avait tant
imposé au maréchal Ney.
l\fais la victoire n'cn était pas moins as uréc.
Bertrand suivit Blucher cu retl'aile ; Marrnoot
avec son corps, Mortier avec la jcune garde,
voyant le rnouvement rétrograde
e.lel'ennemi,
descendirent sur le bord du Bloe ace-\Vas er, le
franchirent, et traverserent la prairie inondée
qui s'étend:iit au pied des reuoule de Baschütz.
La jeune garde les escalada sans grand dom·
mage, car le mouvernent de retraite imprimé a
In droitc des coalisés s'élait communiqué au re te
de leur armée. Ce mouvemcol général viot
a
propos dégager Oudinot, qui,
a
notre droite, as–
sailli sur le Tronberg par loutes les force de
l\Iiloradovitch, avait été conlraint de sereplier et
de prendre position en arric1·e, la gauehe a Rabitz,
la droite
a
Grubtitz, ou
il
avait tro uvé l'appui de
l'intrépide Gérard , commandantla droitede Mac–
donul<l. Au bruit de la victoire reruporlt:c sur
toute cette immcnse ligne, Oudinot reprit l'offcn–
sive contre les Russcs qui e retiraient, et les
poussa vivcment. Sur une étenduc de troi lieues
on se mit
a
poursuivre les coalisés; mai , faute
d'un lerrain propre
a
la cavalerie, faute aussi
d'en avoir assez, on ne pu t recueillir en fait de pri–
sonniers el de canons que les blessés et les pieces
démontées, dont Je nombre uu surplus étai t con–
sidérable, et suffi ait pour donner un grand
éclat a cette victoire. Cer·tes, si le maréchal Ncy
etit élé cette fois aussi téméraire qu'il étAit in–
trépide, et
il
faut rcconnaitre que sa posilion ,
a
la dislance ou
il
se trouvait de Napoléoo, avait
dti luí inspirer de l'inquiétude, si l'heureuse au–
dace des temps passés l'avait a11imé, on aurait
ramassé daos cettcjournée plus de trophécs qu'a
Austerlitz,
i1
léna ou
a
Friedland, car on aurait
pris toutela droitede l'armée enncmie, et notam–
ment Ulucher, notre adversaire le plus ardent.
Telle quelle, la victoire étai t des plus brillantes;
elle faisait tomber une positiou formidable, dé–
fcnduc par pres de cent mille hommes, et la der–
niere\ illusion des alliés, du moios pour eette
partie de Ja campagne. lis ne pouvaienl plus se
flattcr de nous fermcr le chemin 'de l'Oder ; ils
ne pouvaient plus surtout,
a
moins d'un armi–
lice imrnédiat, rester attachés au territoire de
l'Autrichc, et, par son tcrritoire,
a
sa politique.
·Quant aux perles, bien qu'en aient dit depuis
les écrivains allcma nds, elles étaient moindres de
nolre cóté que du cóté des coalisés. Ceux-ci ont
a\·tJué pour le deux journées une pertc d'en–
viron 15 millc hommcs en morls et blcssés, et
elle fut beaucoup plus con i<lérahle. La nólre ne
pouvait pa , en s'en rapporta nt
a
de états fort
préci , elre évaluée
a
plus de 15 millc horomes,
en morts ou blessés, bien que nous fussions les
a aillant ' et que notre lache fut de bcaucoup
la plus laborieu e. La situation des combaltanls
explique cctte différence. Le maréchal Oudinot,
le 2·1 au matin, occupait une position dominante
que les Rus es avaient été obligés de lui enlever.
Au centre les maréchaux Macdonald et Marmont
n'a,•aient eu, dans cette meme journée du 21,
qu'a tirer du canon, saos elre exposés
a
souffrfr
de la canonnade de l'ennerni. Dans l'engagement
du général Bertrand contre Blucher, la situation
était également difficile pour les deux adver-
aires, et Je général Blucber avait essuyé une
horrible canonoade de flanc de la part du ma–
réchal l\Iarmont. Enfin, du cóté du maréchal
Ney, l'action la plus vive 'étaiL pa sée au village
de Preititz, qu'on s'était pris et rep1·is dans des
conditions égalemcn t meurtrieres pour les deux
pai·tis. Ce qui donna lieu
a
tous les faux bruits
que répandirent les coalisés, suivant leur usage,
ur les pertes que nous avions éprouvées, c'est
qu'abandonnant le champ de bataille, ils nous
Jais crent leurs blessés, et que les habitaots de
Ja Lusace, louchés du malheur de tant de victimes
la plupart allemandcs, se mirent
a
les ramasser
sur le champ de bataille, et
a
les porter les unes
et les autres daos de petites voitures de paysans,
qu elquefois dans de simples brouettes, soit aux
villes les plus prochaines, soit meme jusqu'a
Dresde. Or, daos ces nornbreuses victimes,
il
y
avait autant de blessés des coalisés que des nó–
tres. Sous un rapport seulement nous eumes a
regretter quelques pertes que ne ·firent pas les
coalisés, ce fut sous le rapport des égarés. C'est
le titre qu'on donne
a
ceux qui ne se retrouvent
ni parmi les blessés ni parmi les morts, et qui la
plupart du temps sont des déserteurs.
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y eut