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LIVRE
QUARANTE-HUITIEl\fE.
ou le rui_sseau du Bloesaer·Wasser prenait sa
source entre Jenkwitz et Pilitz, et devait la dé–
fendre
a
outrance contre notre droite établie sur
le Tronberg. Le centre, composé des gardes et
des réserves russes, chargé de défendre le milieu
de la position, s'était placé en arriere du Illoe–
saer-Wasser, c'est-a-dire a Baschütz, sur un
relevement du terrain qui se trou vait en face de
Nadelwitz et de Nieder-Kayne, et s'y était établi
sous la protection de plusieurs redoutes et d'une
forte artillerie. Le centre des coalisés présentait
aiusi un ampithéatre h érissé de canons, et, si
pour l'aHaquer , J\forrnont, la garde et l\'Iacdonald,
formant le centre de l'armée fran9aise, descen –
daicnt du plateau de Bautzen, franchissaient le
Bloesaer-Wasser
a
Nieder-Kayne ou a Bazank –
witz, il leur fall ait traverscr une prairie maréca–
geuse sous un feu plongeant épouvantable, puis
enlever a découvert la hauteur de Basckütz
garnie de rcdoutcs.
Vers leur droite, c'cst-a-dire vcrs notre gau–
che, les coalisés, au lieu de s'étaulir en arriere du
Bloesaer-\Vasser , s'étaient postés en avant. Atla–
chant avcc r aison une grande importaucc a ces
mamelons boisés qu e la Sprée perc;ait pour dé–
boucher en plaine, et derriere lesquels coulait le
Bloesaer-Wasser, ils y avaientlaissé Blucherpour
les disput er avec sa vigueur accoutumée, de
maniere que leur ligne, a son extrémité, au lieu
de rétrograder comme le Bloesaer-,Vasser, pré–
sentait une espece de pron10ntoiJ·e avancé. Blu–
cher était la avec vingt mille hommes , attendant
que le général Bertrand voulut sortir du pied-
a–
terre qu'il s;élait assuré la veille en passant la
Sprée
~
Nieder-Gurck. Blucher avait
a
sa gauche,
le long du Bloesaer-Vlasser , c'est-a-dire
b.
Kreck–
witz, les r estes tres-fatigués de Kleist et d'York,
puis, au revers des mamelons, la cavnlerie prus–
sienne et une parlie de la cavalerie russe pour
couvrir ses derrieres. Enfin, dans la plaine hu–
mide et verdoyante qui s'étendait au dela de ces
mamelons, et au milieu de laquelle la Sprée et le
Bloesaer-Wasser allaient se confondre, se trouvait
sur une légere éminence, marquée par un moulin
a
vcnt, Barclay de Tolly avec ses quinze mille
Russcs. Il était la pour résister aux lentatives du
maréchal Ney, dont les coalisés ne pouvaient pas
encore apprécier toute l'importance.
C'était done un ensemble formidable de posi–
tions
a
cnlever' car notre droite, sous le mar échal
Oudinot, devait se maintenir sur le Tronberg
qu'elle avail conquis, Je dépasser meme, s'il était
possible; notre centre sous l\facdonalcl et Mar-
mont, appuyé par la garde, devait descendre au
bord du Bloesaer-Wasser, le franchir, traverser
la prairie au dela , sous le feu des redoutes uusses
de Baschütz , et emporter ces redoutes. Notre·
gauche enfin, sous le général Bertrand, avait la
difficilc tache de s'élever sur les mamelons dét'en–
dus par Blucher et de les lui arracher. On aurait
bien pu succomber
a·
cctte triple tache , devant
des obstacles de terrain aussi nombreux, derriere
lcsquels étaient rangés pres de cent mille Russes
et Prussiens déterminés, si on n'avait cu contre
cux que la ressource d'une attaque de front. l\lais
Ncy, arrivé daos la soirée meme
a
Klix avec 60
mille hommes, devait
y
passer la Sprée, traverser
la vaste plaine entrémelée de prairies et d'étangs
qui était
a
notre _exlrerne gauche et
a
]'extreme
droite des coalisés , forcer tous les/ obstacles qui
seraient sur son chemin, défiler par derriere les
mamclons occupés par Blucher, et se diriger sur
le clocher de Hochkirch , qu'on apercevaitau fond
meme de ce champ de bataille' rccouvert d'un
cuivre verdatre et brillant. De tout cóté on voyait
ce clocher, et Napoléon l'avait indiqué au maré–
chal Ney comme but frappant de ses efforts. Le
ma.réchal avait ord rc de se metlre en mouvement
des Je matin, de franchir Ja Sprée
a
Klix coute
que coule, de déboucher cnsuitc sur les derrieres
de l'ennemi, et de fa ire le plus tót possible enten–
dre son canon vers Preit.itz et Klein-Bautzen ,
sur la route de Hochkirch. C'est ce moment que
Napoléon atlendait pour faire attaquer Blucher,
de front par Bertrand , de fl anc .par Marmont,
pour franchir ensui te le ruisseau du Bloesaer–
Wasser, et aller assaillir les redoutes du centre,
défendues par la garde russe. II était possible
que si Ney avait paru
a
temps
a
Klein-Bautzen,
Blucher füt non-seulement repoussé, mais pris
lout entier. 11 était certain au moins que sa re–
Lraite devait déterminer celle de t.oute l'armée
ennemie.
Tellcs étaicnl les savanles dispositions de Na–
poléon pour la journée du lendemain 21, les–
quellcs, ordonnées d'un peu loin, surtout pour
Ney qui ch eminait
a
grande distance, laissaient
un pcu plus
a
faire que de coutume
a
l'intelli–
gence de ses lieutenants. Cliacun coucba au bi–
vac sur le terrain qu'il avait conquis, par un
tres-beau temps, et avec
plei.neconfümce daos
le résul tat de la prochaine journée. Napoléon bi–
vaqua au milieu des carrés de sa garde, sur le
platca u de Bautzeu, apercevant, du point ou il
était, toutes les positions de l'ennemi, mais non Je
terrain que Ney devait parcourir , et que lui ca-