LUTZEN ET .BAUTZEN. -
n1A1
1815.
l'utilité d'un congrcs, d'abord pour montrer
a
ses alliés allemands,
a
la
France et a l'Europe
des djspositions paQifiques; secondement, pour
se ménager ces deux ou trois mois dont il avait
besoin"3.fin
de
compléter ses forces; troisiemement
e11fin, pour saisir l'occasion de renouer des rela–
lions directes avec la Russie et avec l'Angleterre,
relations dont
il
espérait profiter pour s'cntendre
avec celles-ci. sans l'in'tervention des puissances
allemandes, et
a
leur détriment.
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rendrait ainsi
a
l'Autriche ce qu'elle lui avait fait.
Elle
s'était
servie en quelque sorte de lui pour devenir
médiatrice, et devenue médiatrice par lui, elle se
scrvait de la médiation pour lui dicter la paix
qu'elle voulait. A finesse, finesse plus grande.
Apres s'etre servi de l'Autriche pour s'aboucher
dans un congres avec les puissances en apparence
les plus hostiles, il se passerait d'elle pour traiter,
traiterait sans elle, et jusqu'a un· certain point
contre elle. Les succes diplomatiques étaient au–
tant
de
son gout que les succes militaires, et
il
était aussi fier de gagner
a
un jeu qu'a l'autre,
sans compter d'ailleurs que si l'Autriche, ayant
égard
a
ses observations, comme le promettait
M.
de
Bubna, pesait assez fortement sur les puis-
- sanees coalisées pour
le~r
arracher des conditions
plus satisfaisantes, la paix alors obtenue et ac–
ceptée des mains de son beau-pere serait aussi
séante que de la main de tout autre. Par ces
motifs, Napoléon prit Je partí de dissimuler avcc
l'Autriche, de se montrer tduché de ses raisons,
d'agréer un congres a Prague ou autre part, non–
seulement un congres, mais un armistice que des
négociateurs envoyés aux avant-postes stipule–
raient
a
la vue des deux armées. Avant que cet
armistice füt conclu il espérait gagner encore
une bataille, ce qui améliorerait fort sa situation
da ns le futur congres,
et
cet armistice en tout cas
lui procurerait le temps de terminer les vastes
préparatifs au moyen desquels il croyait pouvoir
dictér ses conditions
a
l'Europe, loin de recevoir
les siennes, et lui fournirait de plus l'occasion
d'ouvrir des communications avec l'empereur
Alexandre, soin dont
il
était préoccupé au moins
autant que de tout autre.
Il revit done le lendemain
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mai M. de Bubna,
et paraissant se rendre
a
une partie de ses rai–
sons, tout en persistant a affirmer qu'il mourrait
les armes
a
la main, et en ferait mourir bien
d'autres avant de consentir
a
certaines des con–
ditions proposées, il déclara qu'il était pret
a
accepter
a
la fois un congres et un armistice,
.et
a
admettre dans ce congres les représcn-
tants des insurgés espagno1s, ce qui' avait tou–
jours été pour l'Aoglelene
la
condition esscn–
tielle et préalable de toute négociation. M. de
Buboa, étonné et ravi d'avoir ohtenu tant de
choses, surtout la derniere, qui était tout
a
fait
inespérée, offrit d'écrire sur-le-champ
a
M. de
Stadion, qui s'était transporté au quartiergénéral
russe pour y faire ce que lui
l\f.
de Bubna faisait
au quartier général fran9ais , et de l'informer de
l'acquiescement forme! que l'empereur Napoléon
donnait
a
la réunion d'un congres et
a
la conclu–
sion d'un armistice. La lettre de M. de Buhna
pour M. de Stadion, rédigée a l'instant, et cor–
rigée de la main de Napoléon lui-mcme, disait
en subslance que nullement enorgueilli par le
succes récent de ses armes, l'empereur des Fi'an-
9ais, impatient de mettre un terme aux maux de
l'Europe, consentait a la réunion immédiate d'un
congres
a
Prague, que meme, pour faire cesser
plus tot l'effusion du sang, il était pret
a
envoycr
des commissaires aux avant-postes afin de négo–
cier u9e suspension d'armes. Cettc derniere con–
dition, que M. de Bubna était si enchanté d'avoir
obtenue, était justement celle
a
Iaquelle Napo–
léon tenait le plus, par les raisons que nous venons
d'exposer. M. de Bubna fi t done partir la lettrc
par un courrier qui devait la porter en to ute hale
au quartier général russe, pour qu'elle ftit remise
sans perte de temps
a
M. de Stadion. Il demanda
ensuite
a
retourner
a
Vienne, afin d'aller y
réjouir l'empereur Fran9ois et M. de l\iettcrnich
par J'annonce des excellentes dispositions dans
lesquelles il avait trouvé Napoléon, et surtout
afi n de les préparer
a
modifier quelques-unes des
conditions proposées. Napoléon approuva fort
cette nouvelle coursedel\L deBuhna
a
Vicnne, luí
dit avcc
sinc~ritéque
ces modifications pounaient
seules donner la paix, et la donneraient certai–
nement si elles étA'rent suffisan tes. Il lui confia
en
meme temps une lettre pour son bea-u-pere.
Dans cette lettre affectueuse et filiale, autant que
celle de l'empereur Fran9ois avait été amicale et
paternelle, Napoléon laissait voir la véritable
plaie qui chez lui était saignante; il disait qu'il
était pret a la paix, mais qu'étant devenu gendre
de l'empereur Fran9ois,
il
remettait son honneur
daos les mains de son heau-pere, qu'il
y
tenait
plus qu'a la puissance, plus qu'a la vic, et qu'il
était résolu a mourir les armes
a
la main, avec
tout ce que la France comptait d'hommes
généreux, plutot que de devenir la risée de
ses ennemis, en acceptant des conditions hu–
miliantes. Il expédia ensuite M. de Bubna,