ºº
LIVRE QUARANTE-HUITIEl\fE.
1e corps du prince Eugene, qui depuis le départ
de ce prince avait passé sous le co'mmandement
du maréchal Macdonald, et l'avait diri gé sur
Bischoffswcrda, ou ce corps était entré en écra–
sant une arriere-garde ennemie, et en passan t
au milieu des flammes . On accusai t en cemoment
les Russes de vouloir se cooduire en Allemagne
comme en Russie, c'est-a-dire de brlilcr ]es pays
qu'ifs évacuaient. 11 est certain que la malbeu–
r euse-petite ville de Bischoifswerda venait d'etre
incendiée, peut-etre par les obus, et sans qu'il y
eut de la faute de personne. De Bischoffswerda,
le maréchal Macdonald s'était dirigé sur Bautzen.
U, les rapporls étaieot devenus plus précis, et
les llu sses unis aux Prussiens avaicnt paru réso–
lus
a
livrer une seconde bataille. Leur résolution
était en cffet conforme aux apparences. l\falgré
les perles qu'ils avaient essuyées, malgré le dan–
ger d'une noüvelle défaite, Ja nécessité de com–
baltre encore une fois entre l'Elbe et l'Oder,
n'avait parm i eux
fait
doute pour personne.
Reculer davantage, c'était abandonner les trois
quarts de Ja monarchie prussicnne, et surtout
Berlin qu'on n'avai t pas pu défendre directcment
par l'envoi d' un corps détaché, mais qu'une forte
position conservée en Lusace protégeait jusqu'a
un certain point. C'étai t avoucr
a
l'Allemagne,
a
l'Europe qu'on s'était impudemment vanté apres
Lut.zen, que da ns cette journée on avait été telle–
mcnt battu, qu'il n'y avait plus moyen de s'arre–
ter nulle part, ni derriere l'Elbe, ni meme der–
riere l'Oder; c'était donner congé aux patriotcs
allemands auxquels on avait donné rendez-vous
sur tous les champs de bataille de la Saxe, c'était
donn cr cougéa l'Autriche, qu'on ne retenait qu'a
force de promesses, de vanteries, d'exagérations,
et surtout
a
force de voisinage, en restant en
quelque
fa~on
physiquement attaché
a
elle. 11 fal–
lait done vaincre ou périr, plutót que de se lais–
scr arracher <les montagnes de la Boheme, au
pied dcsquelles on s'étai t arreté en quittant
Dr es<le, et profiter pour s'y défendre de l'un des
nombreux cours d'eau qui descendent du
Riesen–
Gebirge
a
travers la Lusace, et divisent l'espace
compris entre l'Elbe et l'Oder. A Bautzen notam–
ment, ou passe la Sprée, se trou vait une forte posi–
tion , double en quelque sorte, car elle offre deux
champs de bataille, l'un en avant de la Sprée,
l'autre en arriere, position rendue célebre par le
grand Frédéric pendant la guerre de sept ans
1 ,
sur laquelle on pouvait recevoir une et meme
1
Le grand Frédéric
y
avuit livré Ju butaille dile de Hoch–
kirch.
deux batailles défensives, la gau·él1e aux mon–
tagnes de la Boheme, la droite
a
devastes maré–
cages. Moitié rwomrnée, rnoitié
avant~ge
du
sile, on s'était décidé pour cette position de
Bautzen, et on était résolu a
y
combattre avec
acharn ement. Des 92 mille hommes qu'on avai't
pu réunir le 2 mai daos les plaines de Lutzen,
20 mille
a
peu pres avaient été perdus ou par Je
feu ou par la marche, mais on les avait
rempl~cés par 50 mille autres, les uns trouvés en Silé–
sie, au moycn des réserves que la Pruss,e avait
préparées daos cette riche province, les autres /
tirés du corps qui bloquait les places de la Vis–
tule. Ce corps était celui de Barclay de Tolly, fort
de
1
?5 mille Russes, qui venait d'enlever Thorn
a ·
une garnison en grande partie bavaroise, dévo–
rée de maladies, et logée dans des ouvrages
a
peine défensifs. C'était la seule des garnisOI?S de
l'Oder et de la Vistule qui cut succombé, et
iÍ
avait paru aux coalisés beaucoup plus utile de
gagner une grande bataille que de bloquer des
places, qu'on avait peu de chances de prendre,
et qui, situées au milieu de populations e:xtreme–
ment hostiles , ne pouvaient exercer aucune action
au dela de leurs murs. On avait done rassemblé
en avant et en arriere de Bautzen, le long de Ja··
Sprée, sous la protection de vastes abatís e! de
nombreuses redoutes, environ cent mille Prus–
sicns et Russes, tres-animés, tres-difficiles a 'for–
cer daos cet asile, et on était pret
a
livrer· la une
bataille décisive. On avait confié aux généraux
prussiens Bulow et Borstell le soin de couvrir
comme ils
pourr~ient
Berlín
~t
le Brandebourg,
aux coureurs de Czernicheff et de Teltenborn la ·
tache de se maintenir sur le has Elbe, en mangeant;
buvant, brulant aux dépens des Allemands qu'ils
venaient délivrer, et on s'était proposé de résou–
dre soi-meme la grande question européenne
sous les yeux de l'Autriche, au pied meme de ses
montagnes. On avait adressé
a
cclle-ci los plus
belles descriptions de Ja position prise, des forces
r éunies, et on l'avait suppliée de ne se faisser ni
intimid er ni séduire par le tyran de l'Europe, .qui
allait hientót, disait-on, etre réduit aux a·bois.
Tels étaient les détails que nos espions ·et nos
reconnaissances, poussécs maintenant plus loin
depuis l'augmentation de notre cavalerie, avaient
rapportés de tous cótés. N'ayant passé
a
Dresde
que scpt jours, temps strictement nécessaire
pour réinstaller Je roi de Saxe daos ses États,
pour réunir un peu de cavaleríe, et pou'r portcr
ses corps en ligne, Napoléon prit le partí de
marcher tout de suite en avant, et d'aller dissi-