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QUARANTE-HUlTIEi\'IE.
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apporter néanmoins bcaucoup de changements
a ses résolutions.
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écouta lrs propos1tions que
1'1.
de Bubna avait a lui faire, non pas a titre de
conditions, car toutes les formes étaicnt soigneu–
sement observées envers lui, mais a titre de con–
jectures sur ce qu'il était possible d'obtenir des
puissanccs belligérantes,
a
titre de propositions
que l'Aut.riche serait décidée
a
appuyer
coro.meraisonnables. Ces diverses propositions étaient
déja connues de Napoléon, et s'il n'était pas con–
vertí, il était du moins un peu calmé
a
leur
égard. Il les écouta avec attention, fcignant de
les cntendre énoncer pour la premiere fois, de–
meura tranquille pendant qu'on les lui exposait,
mais peu
a
peu laissa voir la vraie raison de ses
refus, et cette raison, c'était l'orgueil, J'orgueil
qui souffrait en Jui d'abandonner, ou des titres
qu'il avait pris avec un grand appareil, ou des
territoires qu'il avait annexés solennellement
a
l'Empire. Le grand-duché de Varsovie était
perdu, il avait péri
a
Moscou. Sous ce rapport
tout le désagrément était subí. D'ailleurs, la
grandeur de la catastrophc avait quelque chose
qui était digne de la destinée de Napoléon. Son
parti était done arreté
a
ce sujet, et au surplus
il
ne s'agissait pas la de son empire, il s'agissait
d'une vaste combinaison politique, le rétablisse–
ment de la Pologne, qu'il avait tenlée, disait-il ,
dans l'intéret de l'Europe elle-meme, et
a
la–
quelle
il
n'était pas tenu de se sacrifier, les
hommes et la Providence n'ayant pas voulu l'y
aidcr. Sur un autre sujet, plus grave peul-etre,
l'Espagne, Napoléon (ce qui étonna profondé–
mcnt l\L de Bubna) ne se montrait plus aussi
absolu, bien qu'il évitat de s'expliquer. U ue di–
sait pas ce qu'il céderait relativement a celte
qucstíon, mais il paraissait décidé
a
céder quel–
que chose, et, quant
a
présent, afin d'amener
l'Angleterre
a
négocier, il se déclarait pret a
a<lmettre les insurgés espagnols aux conférences.
Jci se révélait, sans que M. de Bubna put la pé–
nétrer, la nouvelle disposition de Napoléon
a
se
montrer plus facile pour la Russie et l'Angleterre
que pour les puissances allemandes. l\L de Bubna,
qui n'espérait pas tant
a
l'égard de la qnestion
espagnole, fut surpris et enchanté. Mais les points
mcmes auxquels l'Autriche tenait le plus étaient
justement ceux qui faisaient éprouver
a
Napo–
léon les plus pénibles émotions. Récompenser la
Prusse de sa défcction en la reconstituant, lui était
singulieremcnt antipathique. Pourtant comme il
était
a
la fois violcnt et prompt
a
pardonner, sur
ce point on pouvait l'adoucir encore. Mais re-
noncer au titre de protecteur de la Confédéra–
tion du Rhin, luí semblait une humiliation qu'on
voulait lui imposer. L'abandon des départernents
hanséatiqucs' réunis constitutionnellement a
I'Empire, lui semblait une autre humiliation tout
aussi diffieile
a
dévorer. M. de Bubna avait beau
dire que le titre de protecteur <le la Confédéra–
tion du Rhin élait un vain titre, sans aucunc
utilité pour la France, Napoléon s'armait de cctte .
raison meme pour 'répondre que l'inulilité du
titre rcndant la chose de nulle valeur, le désir
de l'humilier en devenait plus évÍdent. Relativ,e–
ment aux territoires hanséatiques, le negociatcur
autrichien affirmait que ce serait déja une diffi–
cile concession
a
arracher aux puissances belli–
gérantes que celle de la réunion de Ja Hollande
a
la France, mais que pour les tcrritoires hanséa–
tiques,
l'
Angletcrre
a
cause de la mer, Ja Prusse .
a
cause du voisinagc, la Russie
a
cause du duché
d'Oldenbourg
1
ne consentiraient jamais
a
nous
les accorder. Napoléon avait
a
leur sujet une
raison, qui n'ét11it pas tout a fait d'orgueil, mais
de politique, et devant Iaquelle
l\L
de Bubna
était moins armé de bonnes réponses, c'est que
Ja France avait besoin de ces territoires, commc
moyen d'échange, pour se faire · restituer ses
colonies par l'Angleterre. M. de
Metlernic~
lui–
meme s'était placé a ce point de vue' dans
pl~s
d'un entretien sur cette question. Jci M. de Bubna'
répondait qu'il n'apportait que des propositions
préalables, qui n'avaient ríen de définitif, qu'on ·
pourrait débattre plus tard, et modifier au gré
de tous; que l'Aógleterre étant présente, on
pourrait mettre Lubcck, Hambourg, Breme en
balance avee la Guadeloupe, l'ile de France, le
Cap, et ne céder les unes que contre les autres ;
et
il
faisait de vives instances pour qu'on se
réunit au moins dans un congres,
a
Prague, par
exemple, ou l'empereur Frarn;ois se rendrait
lui-meme, pour etre plus pres des puissances
belligérantes, et pouvoir employer plus efficace–
ment ses bons offices.
Celte entrevue avait duré plusieurs heui·es.
Napoléon paraissait adouci, sans donner
a
penser
toutefois qu'il fut ébranlé, ·et on convint qu'il
reverrait le lendemain
l\f.
de Bubna, avant de
partir pour rejoindre l'armée. Bien qu'il füt
décidé
a
ne pas subir les conditions qu'on cher–
chait
a
lui faire agréer, surtout
a
ne pas les subir
de la part de l'Autriche, bien qu'il se crut en
mesure d'imposer.d'autres conditions moyennant
qu'il cut deux ou trois mois pour achever ses
derniers armements,
il
était cependant fÍ·appé de