LUTZEN ET J3AUTZEN. -··
MAI
1815.
pas éfonné de le trouverdégouté, dont l'abandon
paraitrait de sa part un soulagcment bien plus
qu'un saerifice, et ne serait certes pas un aveu bien
humilianl
a
faire, car sa faute d'avoir voulu s'en
emparer était aujourd'lrni Je secret de l'univers. En
cédant en totalité ou en partiela Polognc
a
la Rus–
sie, en totalitéou en partiel'EspagneauxBourbons,
il
lui semblait que tout serait arrangeaLle, et qu'il
ne subirait pas lejoug de Ja Prusse, qui, selon lui,
J'avait trahi ostensiblement, de l'Autriche qui
le
trahissait secretement,et qu'il s'affranchirait ainsi
d'alliés infidelcs par des sacrifices deveous inévi–
tables, sur Iesquels d'ailleurs la destinée avait
rendu deux arrets de nature
a
dégager son or-
- gueil, pour la Pologne l\foscou
!
pour l'Espagne
l'opiniatreté invincible des Espagnols 1 Si la
guerre n'amenait pas prochainement un résultat
décisif et une négociation, il voulait prolonger
cettesituation jusqu'a ce que la seconde série de
ses armements fUt terminée, qu'il clit deux cent
mille hommes de plus en bataille, ce qui, avec les
premiers trois cent mille qui se complétaicnt
d'hcure en heure, composerait un total de cinq
cent mille combattants,_ et lui permcttrait de ne
plus dissimuler avec l'Autriche, de l'accepter
meme au nombre de ses ennemis, et alors, placé
sur l'Elb ecommcjadis sur
l'
Adige, a Dresde comme
jadis
a
Vérone, au pied des montagncs de Bo–
hCme comme jadis au pied des Alpes, d'y essaycr
dans des proportions bien plus vastes , non pas
seulement contre une puissancc , mais contre
l'Europe enliere, une nouvelle campagnc d'ltalie,
daos laquelle le général Bonaparte devenu l'em–
pereur Napoléon, resté aussi jeune de caracterc,
mais devenu plus grand de conception, muri
par une expérience saos égale, renouvellerait a
son age mur les prodiges de sa jeuncsse, prodigcs
agrandis de tout ce que le temps avait ajouté asa
position, finirait aujourd'hui comme autrefois
par des triomphes éclatants, et se reposerait cnfin
en laissant reposer le monde! Hélas
!
il
ne man–
quait
a
ce beau reve qu'une chose, c'est que l"hu–
maEité fllt infatigable cornme Napoléon, et vou–
lut périr tout cntiere pour satisfaire l'ambition
d'un conquérant, qui au génie d'un géometrc
joignait l'imagination d'un poetc épique
!
Ces résolutions prises, Napoléon
fit
ce qu'il
(aisait toujours,
il
passa aux dispositions prati–
qucs, car, merveille de contrastes, autant
il
était
cbimérique dans les conceptions, autant il était
précis et positif dans l'exécution. D'abord il
adressa
a
M. de Narbonne une suite de dépéchcs
(il
y en cut jusqu'a tr.ois en un jour sur le meme
snjet), dans lesquelles on voyait lout le change–
ment qui s'était opéré daos son esprit. 11 fallait,
disait-il , ne plus rien demander a l'Autriche,
mais en mérne temps ne plus
fa
brusquer, ne
plus la sommer surtout, etrc en un mot
a
son
égard réservé et tranquille, et ccpendant ne point
Ja tromper, car le mcnsonge n'était bon
a
ricn.
JI
fallait lui laisser voir qu'on ne comptait plus
sur elle, et qu'on avait compris cettc maxime .
qu'elle répétait si volontiers a chaque occasion,
que le traité du 14 mars
1812
n'
était
plus appli–
cable aux circonsta-nccs.
Ensuile quand elle ap –
prendrait qu'en Italie, en Baviere, en Francc, on
faisait des armemcnls rapides et vastes, il n'était
pas nécessaire de les nier,
il
convenait mcme d'en
donner le véritable chiffre, s'il était mis en doute,
en ne leur assignant aucun autre motif que la
gravité des événements. Napoléon écrivait encore
a
1\1.
de Narbonnc, que l'Autriche comprendrait
certainemcnt cctte nouvelle attitude, et qu'il
était
a
désircr qu'elle Ja comprit; qu'elle devait
se dire que son íntervention n'était pas indispen–
sable
a
la France pour s'aboucher avec les autrcs
puissances, qu'entre l'empereur Napoléon et
l'empereur Alexandre il y avait une brouille po–
litiquc et nullement une brouille personnelle, et
que les deux souverains n'avaient jamais ccssé
d'avoir 1'un pour J'aulre un penchaot qui renai–
trait
a
la premiere démonstration amicalc de
Napoléon.
Une mission directe
au
quarti"er
géné–
ral russe,
ajoutait Napoléon,
parlagerait le monde
en deux .
Cette parole révélait toute sa pensée;
elle signifiait que M. de Caulaiocourt, doot on
connaissait l'ancienne intimité avec Alexandre,
cnvoyé
a
ce prince, ícrait changer la face des
choses, en meltant dflns un camp la France et Ja
Russie, et le reste du monde daos l'autre. Mais
i1
n'en était plus ainsi, depuis qu'on avait si profon–
dément blessé l'orgueil de l'empcreur Alexandre;
et en !out cas c'était bien irnprudent
a
dire, car
il suffisait d'indiquer une telle pensée, pour faire
que l'Autriche, saos perdre un jour, une heure,
se jetat da ns les bras de la Russie, et que les dcux
mois de tcmps dont on avait besoin pour conver–
tir en cinq cent mille hommes les trois cent mille
qu'on avait en ce moment, se réduisissent aquel–
ques jours
!
Heureusement,
M.
de Narbonne
avait trop d'esprit pour commeltre la faute de
laisser apcrcevoir cette chance
a
M.
de l\fotter–
nich. 11 pouvaity trouvcrdes motifs de confiance,
mais nullemcnt ceux d'une jactancc aussi dange–
reuse qu'inutile.
Nnpoléon apres avoir exprimé sa vraic pensée