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LIVRE QUARANTE-HUITIEME.
par nos récits antérieurs, que, sous ce rapporl
au moins,
il
n'y aurait pas difficulté insurmon–
table de la part de Napoléon.
M. de Narbonne répéta plusieurs fois queNapo–
léon victorieux n'accepterait pas ces cooditions,
mais M. de Metternich répéta a son tour que
Napoléon était plus raisonnable qu'on ne voulait
le représenter; que d'ailleurs ces conditions
étaient inéviLables, et qu'il faudrait lutter forte–
ment encore pour les faire agréer aux puissances
coalisées.
Rcstait le roi de Saxc, qu'on savait placé entre
la déchéance ou le retour a Dresde, et pour
l'Autriche il n'y avait pas sur ce sujet deux partís
a
prendre. Quelques insensés, a qui
les
moyens
ne coutaient pas, du moins en paroles, disaient
a _Yienne qu'il fallait s'emparer de la personne
de ce monarque, etl'empecher ainsi de retomber,
en retournant
a
Dresde, sous le joug de Napo–
léon. Il n'y avait a penser a rien de pareil, et on
ne songea pas un instant,
a
retenir
le
roí Frédé–
ric-A uguste. Au surplus on n'en aurait pas eu le
temps, car
il
avait été obligé
de
répondre sur-le–
champ
a
nos sommations, et, quoiquc en pleu–
rant, de consentir a l'invitation que Napoléon lui
avait adressée. Il s'appreta en elfet a partir de
Prague avec ses troupes et sa eour, demandant
instamment le secret, et le promeltant de son
cóté a l'Autriche, sur les négociations qui avaient
eu lieu entre
les
cabinets
de
Dresde et de Vicnnc.
Le secret n'était ni bien profond ni bien noir.
C'était une adhésion
u
la politique médiatrice,
que le pauvre roí de Saxe avait bien pu considé–
rer comme n'étant pas une trahison, lorsqu'il la
voyait suivie
~préconisée
par le beau-pere de
Napoléon, sans qu'i1
en
résullat de rupture entre
eux. Il
fit
done annoncer son arrivée a Dresde
sous deux jours, temps qui était rigoureusement
nécessaire
a
une cour aussi peu expéditive pour
faire ses apprets de voyage. Elle était composée
effectivemeut de beaucoup de princes et prin–
cesses, quehiues-uns lres-vieux, et tous de meme
honneteté et de meme timidité que le roi.
Lorsque Napoléon apprit successivement tout
ce qui vient d'etre rapporté, il se mit en mesure
de recevoir convenablement son allié, redevenu
fidele; mais auparavant il donna ses instructions
a
son représentant
a
Vienne. Il s'aperc;ut cnfin
de la faute qu'on avait commise en poussant l'Au–
triche
a
entrer si avant daos les événements, et
en Ja provoquant
a
se constituer médiatrice ar–
mée, c'est-a-dire arbitre, quand on ne voulait
pas subir son arbitrage. 11 s'aperc;uL aussi de l'er-
reur dans laquelle il était tombé, en croyant qu'il
pourrait engager cette puissance dans ses projets
par l'ofl're des dépoui11es de la Prusse, et en ne
voyant pas qu'avant tout l'Autriche tenait a re–
constiLuer l'Allemagne pour etre indépendante,
et ne trouvait pas d'agrandissement territorial
qui vahlt l'indépendance. Mais, eomme font sou–
vent les princes qui ne veulent pas avoir tort,
il
rejeta toute la faute sur son représentant, c'est-a–
dire sur
l\'I.
de Narbonne, qui, avec la mission
qu'il avait
re~ue,
avec les instructions dont il
était porteur, ne pouvait pas agir autrement qu'il
avait fait. Toutefois, comme Napoléon aimait
ce personnage si distingué, i.l l'improuva, sans
aucune sévérité de langage, d'avoir poussé les
choses si loin, d'avoir remis une note malgré les
prescriptions du cabinet qui défendaient d'cn
remettrc sans ordre forme!, et d'avoir amené
.M.
de Metternich a déclarer par deux fois que
le traité d'alliance n'était plus applicable aux
circonstances. - Il regreLtait, disait-il, qu'on eut
mis l'empereur son beau-pere dans une position
dont bientót ce monarque serüirait la fau:>seté,
car les Franc;ais n'en étaient encore qu'a leur
premiere victoire, et allaient sous peu de jours
en remporter d'autres. Quoi qu'il en soit, l'Au–
triche, obligéc prochainement de revenir en ar–
riere, en serait pour la confusion de ses fausses
démarches; mais pour le momcnt
iI
fallait que
l\'1.
de Narbonnc se monlrat calme, réservé saos
froideur, et ne demandat, ne répon<lit plus ricn
a
la cour de Vienne, afin qu'elle reconnut qu'on
ne la tenait plus pour alliée, tout en l'acceptant
pour médiatrice, saos l'accepter cependant pour
médiatrice armée. -
Napoléon, malgré ce langage modéré en appa–
rence, était exaspéré au fond du creur contre
l'Autriche et contre .son heau-pere. .Malgré sa
prodigieuse sagacité, le penchant
a
se flatter,
penchant auquel cedent tous les hommesl quel–
q ue clairvoyants qu'ils soient, lorsqu'ils se sont
mis daos une position ou ils ont besoin de s'abu–
scr eux-mémes, le penchant a se flatter l'avait
pol'té a crofre qu'il obtiendrait tout de l'Autri–
ch e moyennant qu'il Ja payat bien, et il était
profondément irrité de voir qu'elle trompait si
complétement ses calculs. Les conditions qu'on
lui mandait, et qui n'auraien t pas du lui paraitre
no uvelles, luí étaient odieuses. 11 avait renoncé
dans sa pensée au grand-duché de Varsovie, sur–
toút apres avoir reconnu de pres les difficultés
de celte création ; mais au lendemain de cette
gucrre de 1812, enlreprise pour humilier la