LUTZEN ET BAUTZEN. -
MAf
18:15.
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Russie, pour reconslituei' la Pologne, pour ap–
pesantir plus que jamais son joug sur l'Europe,
au lcndemain de cettc guerre, se trouver avec la
Russie agrandic, avec la Pologne non pas refaite
mais irrévocablement détruite, supporter la dé–
fection de la P:russe, l'en récompenser meme,
renoncer au protectorat de la Confédération du
Rhin, abandonner les villes hanséatiques, cause
premicre de la brouille avec la Russie, c'était une
multiplicité de déboires, dont aucun n'affaiblis–
sait sa vraie puissance, mais dont tous étaient un
cruel échec pour son orgueil
!
Au point de vue
des véritables inlérets de la France, aucun de
ces sacrifices n'était a regretter. Le
grand~duché
de Varsovie n'était qu'un essai chimérique, tant
que la Prusse et l'Autriche ne songeaient pas a
reconstituer la Pologne, car c'étaient elles apres
tout que la Pologne était destinée a couvrir, et
puisqu'elles n'en voulaient pas,
il
était puéril de
s'obstiner
a
leur faire du bien malgré elles. Quant
a
la Prusse,
DOUS
n'avions intérct, ni par rap–
port
a
la Russie, ni par rapport a l'Au triche, a
la maintenir si faible ! Quant au protectorat du
Rhin, c'était un vain titf'e, odieux aux Alle–
mands, capable uniquement de nous attirer leur
haine, sans nous donner sur eux aucune influence
réelle. Quant aux villes hanséatiques enfiin, s'obsti–
ner
a
les conserver, c'était étendre notre fron–
tiere militaire et commerciale au dela de loute
raison. C'est a peine, en efi'et, si nous pouvions
défcndre le Zuyderzée et le Texel, car au dela
du Wahal
il
n'existait plus de solide frontiere
pour nous;
il
avait merne fallu Lout !'esprit in–
génieux de Napoléon pour faire renLrer la Hol–
lande dans un bon systeme de défense, et encore
n'y avait-il que tres-imparfaitement réussi. Toute–
fois la possession de la ifollande offrait de si grands
avantages maritimes, que cettc magnifique pos–
session pouvait etre un objet de désirs pour une
ambition
a
la fa<;on de Charlema.gne. 1\Iais les
villes hanséatiques nous imposaient ·une charge
saos compensation, car elles étaient impossibles
a
défendre,
a
moins d'éLendrc la France jusqu'a
l'Elbe, et commercialement elles étaient indis–
pensables
a
l'alimentation de l'Allemagne et inu–
tiles a la nótre. Relativement au blocus conti–
nental, leur avantage tombait avec ce blocus, et
avcc la paix. Si rueme nous eussions été sagcs,
nous aurions du renoncer lout de suite au
royaume de Westphalie, en dédommageant de
quelque fa<;on le roi Jéróme; mais enfin on ne
nous le demandait pas, puisque l'empcreur
Alexandre avait rcfusé de prcndre avec le grand-
duc de Hesse l'engagement de lu.i rendre ses
États, et
il
n'y avait pasa s'en occupcr. Ce n'était
done que l'orgueil, !'implacable orgueil qui pou–
vait porter Napoléon
a
repousser les conditions
imaginées par l'Autriche. - 11 ne voulait pas,
disait-il, se laisser humilier. - Il appelait etre
humilié ne pouvoir pas réaliser tous les reves de
son immense ambition, meme quand on ne por–
tait aucune attcinte a sa puissanee réelle. Hélas !
la punition de l'orgueil qui a trop entrepris sur
autrui, c'cst précisément de ne pouvoir céder,
alors meme qu'il le trouverait juste et nécessaire!
Il est cloué a ses folles prétentions comme Pro–
méthéc
a
son rocher : exemple terrible pour
ceux qui, n'écoutant que leurs désirs, se font un
jeu des droits et de la dignité des homrnes
!
La certitude acquise des intentions de l'Au–
trichc, qui n'auraient pas du etre nouvelles pour
Napo!éon, car de fréquentes insinuations les luí
avaient clairement révélécs depuis quatre mois,
l'irrita profondémcnt contre cette puissance. Il
y vit une double trahison de l'alliance et de la
parenté, et se dit, ce qu'il s'était dit autrefois
bien souvent, jusqu'au jour ou un brusque mou–
vcment d'humeur contre la Russie l'avait décidé
a un mariage autrichien, qu'il n'y avait jamais
a
compter sur la cour de Vienne, qu'H
y
avait
toujours chez elle un abhne de dissimulation,
d'astuce, d'égo'isme ; qu'on devait chercher
a
s'entendre avec tout le monde plulót qu'avec
elle, et sacrifices pour sacrifices, en faire, s'il le
fallait, a la Russie,
a
l'Angleterre meme, plutót
qu'a l'Autriche ou
a
la Prusse. Un hasard poussa
cette irritatiou au dernier terme. On avait
arreté a Dresde un courricr veqant de Vienne,
et porleur de dépéches de M. de Stackelberg,
qui était rcp1·ésentant de la Russie aupres de
l'Autriche, depuis que les rapports avaient été
rétablis entre ces deux puissances
a
l'occasion de
la médiatjon. On avait trouvé dans les dépcehes
de M. de Stackelberg
a
M. de Nesselrode beau–
coup de détails singuliers, et on avait pu y voir
que M. de Metternich , dans une position diffi–
cile, qui le condamnait a une extreme dissimu–
lation, prodiguait les témo·ignages aux uns et
aux autres, mais aux Russes et aux Prussicns
encore plus qu'aux Fran<;ais. M. de Metternich
en éfi'et, pour se faire pardonner de ne pas
apporter immédiatement a nos ennemis toutes
les forces de l'Autriche, de ne pas adopter toutes
leurs conditions de paix, n'hésistait pas, quand
il
était en tete-a-tete avec eux,
a
se dire con–
traint dans sa conduite par le traité d'alliance du
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