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LlVRE QUAHANTE-HUITIEl\JE.
le traité du 14 mars 18·12 , en rcstant en vigucur
comme príncipe d'alliancc, n'était plus, quant
aux moyens d'action, applicable aux circonstan -
ces. S'en référant a cette déclaration, M. de
l'\letternich répond it que la cour de Vienne ne
pouvait obtcmpérer a Ja demande de faire agir
le corps auxiliaire, parce que d'aLord cette cour
était devenue métliatrice sur la provocation
meme de la France, qu'elle ne pouvait plus <les
lors se mettrc en hostilités avcc l'une des puis–
sances bclligérantcs, et que, sccondement, Je
corps auxiliaire n'élant que l'un des moycns sli–
pulés par le traité d'alliance, et ces moyens étant
r econnus insuffisants pour les circoostanccs,
il
convenait d'en ajourner l'emploi.
La réponse était habite, et surlout facheuse
pour nous, car elle nous condamnait a cn teodrc
dire une secoode fois que le traité d'alliance,
tout en demeurant virtuellement en vigueur,
cessait d'etre exécutable, ce qui lui ótnit toule
efficacité. Cependant, pourvu qu'il maintint au
moins l'Autriche ncutre,
il
fallait nous en con–
tcnler, et ne pas ébranler no s-memcs ce qui en
r estait, en fournissant l'occasion de répéte1· sans
ccsse qu'il n'était plus applicable aux circon–
stanccs.
l\J.
de Narbonne était assurément alié
trop loin, mais loin dans la voie ou on l'avait
dírigé, et ou on l'avait constammcnt poussé
a
marchcr plus vite.
M. de i\Ietternicb , qui ne désfrait pas une
ruplure avec la France, sentit que dans Jes
cr-aintes de M. de Narbonne
il
y avait cependant
quelque chosc de fond é, c'était la possibilité d'un
éclat entre le prince Poniatowski et le gén éral
comte de Frimont, si on persistait
a
désarmer Je
corps polonais. Heureusenient il était facile d'y
remédier, et il n'y manqua pas. Déja il avait
concédé que le bataillon frani;ais compris dans
l'armée polonaise ne scrait point désarmé a son
entrée sur le territoire autrichien. Il accorda de
mcme que l'arméc polonaise ' toujours libre
d'ailleurs de ne pas se retirer dcrriere la frou–
ticre autrichienne si elle préférait comhatl re
seule conLre les Russcs, aurait elle aussi Ja faculté,
si elle voulait traverser Ja Bohcme pour se rcn–
dre en Saxe, de conserver ses armes pcndant Je
trajet. Il promit enfin qu'ellc trouverail
u
clrnque
gite le logement et les vivres nécessaircs. - Il a
suffi a l'empereur Frani;ois, dit l'\I. de l\fetter–
nich, de savoir que l'empercur Napoléon, dans
un sentiment de susceptibilité militaire que jus–
tifie sa gloire, ait désapprouvé, quant au corps
polonais, l'exécution d'une formalité qui est toutc
(.
du droit des gens, pour qu'il y ait spontanément
renoncé. Pourtant, ajo uta
M.
de Mettcrnich,
l'empereur Frani;ois demande avec instance que
le séjour d'un corps en armes sur le terriLoirc
neutrc soit le plus court possible.
L'inconvénieot de ces contestations n'était pas
seulement de faeiliter
a
l'Autrichc des décla!'a–
tions uont elle devait plus tard faire un usage
funcstc pour nous, mais de la portera désespérer
de. nolre raison, en nous voyant si impérieux, si
peu accommodants, et de murir ainsi plus vile la
fatale résolution, qu'autour d'elle tout l'invitait
a prcndrc. On pouvait effectivcment, apres cha–
que sccne de ce genre, s'apercevoir que M. de
i\Ietternich était plus gené, plus contraint avec
nous, c'est-a-dire plus eugagé avec nos adver–
sair es. Chaque fois on les entendait eux-memcs,
a Vienne, se vanter plus hautement de l'avoir
conr¡uis, tellement que le retentissemcnt de ces
propos arrivaiL
a
l'\1. de Narbonne par tous les
écho de la cour et des salons.
Cependant le bruit des derniers événements
militaires vint heureusemcnt interrompre ces
tristes contestations. Tout
a
coup on apprit
qu une grande bataille avait été livrée, que des
torrents de saog avaient coulé, et que nous
étions battus,
a
en eroil'e les propagateurs de
nouvelles, qui pour Ja plupart étaient nos enne–
mis. Partout on affirmait notre défaite avec une
assurance inou"ie. On se fondait pour répandre
ces rumeurs sur des lellres memes de l'ernpereur
Alexandre (non pas,
il
cst vrai, du roí de
Prussc, trop sagc pour écrire de telles ehoses),
rnais sur plusieu1·s lettres des généraux prussiens.
L'empereur Alexandre était si content de lui, ks ·
généraux prussiens avaient le sentiment <le s'etre
si bravement baltus, qu'ils ne se sentaient pres–
que pas vaincus, bien qu'ils le fussent au point
de ne pouvoir tcnir nulle part. L'umbassadcur
<l'Angleterre, lord Cathcart, militaire expéri–
menté, témoin de Ja bataille, avait trouvé ces
mensonges ridicules, et avait <lit lui-meme que
ion ne 1·cmportait que des victoires de ce genre,
il faudrait bientót tr·aiter
a
tout prix. M. de
l\letternich avait trop d'esprit pour ajouter foi
a
de pareilles forfanteries. Pourtant les asser–
tions étaient si positives, qu'il en était surpris,
ne croyant pas qu'on put mentir a ce point, et il
en exprima son étonnement a M. de Narbonne.
C'est daos ces positions que le grand seigneur,
militaire, spirituel et fier, se révélait chez i\1. de
Narbonnc avec tous ses avantages. - Nous
sommes vaincus, dit-il
a
tout le monde, soit...